- Albert Cossery
L’Egyptien inspiré de Paris
Cela fait un bon moment depuis qu’il écrit de somptueux livres à Paris. Il vit dans un hôtel de Saint Germain des Près, mais ses textes ne racontent que l’Egypte.
Inclassable, ce créateur est d’une autre planète. Il y a quelque chose d’intemporel à évoquer l’écrivain cairote Albert Cossery, 92 ans, dont les oeuvres complètes (huit livres) viennent d’être réunies en deux volumes, à Paris : légende du personnage vivant à Saint-Germain-des-Prés depuis l’après-guerre, mais à l’orientale, n’ayant d’autre ambition que l’art d’être merveilleusement en vie, art dont il a fait littérature.
La Société des gens de lettres lui a remis le prix Poncetton à Cossery pour l’ensemble de son oeuvre dont on reprendra le chemin avec un bonheur inentamé, de » Mendiants et orgueilleux » aux » Fainéants dans la vallée fertile « , en passant par la moins célèbre » Maison de la mort certaine « . Chaque livre est une variation sur cette Egypte grouillante où le peuple des pauvres et des marginaux incarne une sagesse en forme du dicton : » à chaque jour suffit sa peine et mérite sa sieste « .
L’auteur des » Hommes oubliés de Dieu » ne se contente pas d’être lu et relu : la couleur que son écriture donne au temps a inspiré Sofia Guellaty, 22 ans, née à Tunis et vivant à Paris, qui a fait de Cossery le héros fascinant de son premier roman, » Le sablier « , à paraître en janvier, chez Joëlle Losfeld. » Oeuvres complètes d’Albert Cossery » sort en deux tomes pour pérenniser une oeuvre hors pair. Une oeuvre joyeuse qui s’est faite sur de longs cycles du temps et de l’errance.
Albert Cossery est un écrivain rare et passionnant.
Tahar Djaout qui l’avait fait parler pour l’hebdomadaire : “Algérie-Actualité” appréciait beaucoup son oeuvre. Ses livres inspirent du respect et de l’admiration : sa maîtrise de la langue est parfaite et ses idées souvent révolutionnaires. Entre prince et esthète, Albert Cossery cultive un art de vivre très personnel. Il n’a que peu de biens, de quoi vivre au jour le jour au fond de ses poches – « Je vis ici comme en Egypte. Là-bas vous n’avez pas besoin de grand-chose pour manger et vivre « -, et habite la même chambre d’hôtel depuis son arrivée à Paris en 1945.
Soigné, Albert Cossery est pourtant loin d’être un vieillard emprunté du 6ème arrondissement de Paris, et son oeil pétillant en est un bel indice. Lorsqu’on lui demande pourquoi, Egyptien de naissance, il écrit en français, il répond : « Ma mère ne parlait que l’arabe, mais j’ai été élevé chez les Frères et ma langue est vite devenue le français. « Aujourd’hui, bien sûr, il parle toujours l’arabe, mais note-t-il avec humour, « je ne parle plus tout court » .
En effet, après une opération de la gorge l’année dernière, son élocution est à peine audible.
De son métier, il dit qu’il ne sait faire que ça : écrire. « J’avais des grands-frères qui lisaient et me guidaient dans mes lectures, et je savais que je serais écrivain, très jeune. A sept ans déjà. Et puis, dans ma famille, personne n’a jamais travaillé : ni mon père, ni mon grand-père, ni mes frères. Ces derniers écrivaient aussi, mais surtout des poèmes.
Ils n’ont jamais été édités. « Alors, Albert écrit. Un peu tous les jours. Les écrivains qui disent écrire dès 9h du matin, pendant plusieurs heures, il les appelle les « petits laborieux » . « J’écris avec un bic, à la main pour que ça aille ensuite à l’imprimerie. Je m’applique pour que ça aille vite pour ceux qui tapent mon texte. C’est toujours le dernier jet qui tombe sur le papier. « De la littérature en général, des livres, il dit qu’ils ont toujours fait partie de sa vie, « ils m’ont aidé à devenir ce que je suis » . Sur son oeuvre, les critiques ont fait couler beaucoup d’encre, mais lui explique simplement : « Mes personnages… ce sont moi ! Ils pensent comme moi, ce sont mes amis. « et si l’on trouve qu’il maltraite un peu la gent féminine,
il réplique : « Ce ne sont que des phrases. Il n’y a que de l’amour dans mes livres. Parfois on trouve à Alger, chez les vendeurs de vieux bouquins, des textes d’Albert Cossery. Celui qui se procure ces livres passe inévitablement des moments agréables.
Farid Ait Mansour
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12 juin 2009
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