Alger 2004
Le Jeune Indépendant 17 mai 2004
L’amour au temps de la colonisation
par Ziad Salah
Youcef Dris, auteur de les Amants de Padovani paru chez
Editions Dalimen (Alger 2004), appartient à une génération qu’on
pourrait qualifier de pudique. En effet, l’auteur s’efface carrément
derrière le narrateur et s’interdit l’usage du «je».
Le choix de cette extériorité ou cet apparent effacement de soi
ne se traduit pas forcément par l’évacuation de tout sentiment du
corps du texte. Au contraire, ce premier roman de Youcef Dris déborde
d’humain : il retrace une histoire d’amour dans un cadre historique
particulier.
Il restitue l’histoire de Dédé (diminutif de Dahmane), que la
misère a chassé avec sa famille, de la Kabylie pour Alger, avec Amélie,
fille d’un notaire. Cette idylle aura lieu à la veille de la Seconde
Guerre mondiale. Le roman est tiré de faits réels, selon une note de
l’éditeur et selon les quelques photos publiées sous forme de
prologue.
Dans pareille situation, il est difficile de faire l’économie du
racisme diffus au sein de la communauté des pieds-noirs. Au fait, les
rapports de classes (pour reprendre le vocabulaire marxiste)
s’imbriquent des rapports de domination et des sentiments de haine
raciale.
Mais l’auteur ne mobilise pas ces dimensions de l’humain pour
les utiliser comme matériaux romanesques. Il n’empruntera pas ces
pistes et se gardera à restituer la trajectoire de Dahmane qui
récupérera son prénom après la disparition d’Amélie et sa sortie de
prison.
L’auteur donnera l’impression de livrer les résultats d’une
enquête. Donc, il ne déborde sur le sujet initial que rarement. Cette
restriction que Youcef Dris s’est imposée dans ce premier roman
semble des plus douloureuses. D’autant que l’auteur a dû être témoin
des affres des dernières heures de la colonisation puisqu’il est né
en 1945.
L’échec de la relation amoureuse entre Dédé et Amélie est
présenté comme une sorte de fatalité. Pourtant, la réaction de Lucien
Démontés, père d’Amélie et prototype du colon, est pour beaucoup dans
la déchéance de Dahmane. La tolérance existant entre la famille du
notaire et celle de Dahmane se rompra brutalement dès que la relation
amoureuse entre Dédé et Amélie prendra une tournure sérieuse.
Et, du coup, Dahmane (Dédé pour exprimer son intégration et son
assimilation de la culture française) se transformera en une sorte de
malédiction qui s’abattra sur la famille de sa bien-aimée. Cette
focalisation sur le particulier au détriment du global (une relation
amoureuse entre une Européenne et un Algérien au lieu des rapports
coloniaux), on la retrouve transposée même au niveau de l’espace.
On ne connaîtra presque rien d’Alger, Saint Raphaël ou Paris où
évoluent les protagonistes de l’histoire. A part des réduits très
fermés tels que la villa où habite la famille de Lucien Démontés, la
demeure des grands-parents d’Amélie à Saint Raphaël et le bar
qu’acquerra Dahmane à Paris.
D’autre part, tous les personnages de les Amants de Padovani qui
sont à cheval sur deux époques, deux cultures , disparaîtront. Le seul
survivant de cette tragédie est le docteur Lemoigne. En fait, le fils
de Dédé et d’Amélie. Mais il ne reconnaîtra jamais la paternité de
Dahmane.
Il doit sa survie à une omission volontaire pour ne pas dire à
un mensonge. Une brèche pour trouver une suite à cette histoire, Ou à
l’histoire tout court.
3 juillet 2009 à 11 11 57 07577
Vraiment les signataires de cet article (atrisans de l’ombre)on bien résumé cette immense histoire (tirée de faits réels selon l’auteur)d’amour à l’aube de l’apartheid colonial. Ceux qui comme moi on lu le livre ne peuvent quêtre d’accord avec cet écrit qui mérite un prix littéraire s’il en existe en Algérie. J’ajoute qu’en tant que membre du jury d’un mémoire de fin d’études pour l’obtention de la licence en langue française, mademoiselle Himri Bouchra, étudiante à la faculté des Lettres, Langues et Arts à l’université d’Oran a brillament soutenu son exposé intitulé: « De l’intertextualité dans le roman Les Amants de Padovani de Dris Youcef ». Un délice littéraire cet ouvrage!
3 juillet 2009 à 15 03 39 07397
Les amants de padovani
mon infortuné Amour “…Saint-raphaël emprisonne ma fougue Et mon cœur, déshabillé de ton image, Survole notre Alger pour te lancer un message…” Ton Amélie.
C’ est une merveilleuse histoire d’amour qui tourne subitement au tragique que nous raconte le premier roman de Youcef Dris, Les amants de Padovani. Jusque-là rien de vraiment innovant, les histoires à l’eau de rose qui finissent dans les torrents cauchemardesques de la vie réelle et cruelle, il en existe des masses sur les rayons des librairies, mais cette dernière arrive aisément à s’extirper du lot pour deux raisons. D’abord parce qu’elle intéresse le lecteur algérien, puisque le “héro déchu” de cette romance est algérien et que son histoire débute dans une Algérie qui s’essouffle déjà d’un siècle de colonisation française. Ensuite parce qu’elle accroche le lecteur tout court, car l’idylle et les drames qui meublent le passé du 37 rue d’Isly sont incroyablement vrais. Dans les années 1930, s’appeler Dahmane et aimer Amélie n’est pas permis par les hommes qui font la loi. Et quand le destin rajoute son estocade, il devient alors impossible de braver l’interdit. Mais malgré tout, l’amour a ses raisons qui poussent l’homme à fendre le temps, aussi dur soit-il, en miettes. Confronté à la misère, au racisme et à l’injustice, Dahmane ne trouvera son salut que dans l’amour qu’il a pour Amélie, mais à quel prix ! L’auteur, à partir d’une série de photographies montrant le jeune Dahmane et la famille de la belle Amélie, a remonté le temps et fouillé dans le passé pour reconstituer les faits d’une histoire hors du commun. Si ce n’est l’enjolivement de certains décors et le style romancé avec lequel Youcef Dris décrit les situations et les personnages qui sont en réalité des personnes, son livre serait plus un document retraçant la vie de Dahmane qu’un roman. Mais il en est autrement, car on est vite plongé dans l’histoire qui fait rêver un peu et offusque beaucoup, qui nous montre l’Algérie dont les pieds-noirs se veulent les propriétaires et des Algériens de plus en plus miséreux et prolétaires. Ce récit est tellement fort, frappant et outrancier qu’on finit par se persuader qu’il est une pure fiction, mais sa dernière page, qui contient les fameuses photos, nous ramène violemment à la réalité.
Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup