Algérie : Signature jeudi à Alger du recueil « Je pardonnerai » de Mohamed Benchicou
Le matin ; le 27 Mai, 2008
Le troisième ouvrage de Mohamed Benchicou vient de sortir à Alger, aux Editions Inas. Il s’agit d’un recueil de poèmes, tous écrits dans la prison d’El-Harrach entre juin 2005 et juin 2006, préfacé par l’écrivain et poète Anouar Benmalek et intitulé « Je pardonnerai ».
Ces poèmes, précise l’auteur, « ont tous l’odeur anxieuse et humaine, tourmentée et généreuse de la prison. »
Dans sa préface, Anouar Benmalek écrit : « J’ai commencé à lire le recueil de Benchicou d’abord avec curiosité, parce que je connaissais évidemment le journaliste talentueux à la plume féroce. Puis l’émotion s’est emparée de moi ; suivie par l’admiration devant le trait juste, le mot simple, intense, irisé de douleur et de bonheur, de compassion et de courage. La poésie de Benchicou n’est pas une poésie de circonstance ; elle est, à la fois, très « algérienne » et universelle. Elle montre un miracle : comment la prison, lieu de déchéance par excellence, peut, pour des hommes comme Benchicou, se révéler un lieu d’enrichissement de sa propre personnalité et de fraternité envers ceux que la vie a démolis. »
Pourquoi un poème de prison ? Ou plutôt, d’où vient que, pour reprendre la formule d’Aragon au sujet de Nazim Hikmet, «les prisons ont toujours été des séminaires de poésie » ?
L’auteur tente d’y répondre : « La poésie en prison se nourrit à la fois de votre propre souffrance et d’une exceptionnelle proximité de la souffrance humaine. Nulle part ailleurs qu’en prison vous n’êtes mis en contact si rapproché avec la déchéance terrestre, celle qui vous frappe comme celle qui frappe les hommes qui vous entourent et que vous êtes sans ménagement invités à partager. »
« Pour nous Algériens, le symbole du poème de prison reste Nazim Hikmet. Le calvaire que le poète turc endura en dix-sept années de détention et la poésie qu’il écrivit au pénitencier turc de Brousse entre 1938 et 1951, dont l’immortel Paysages humains de mon pays, en firent une des figures les plus attachantes du XXe siècle au point que des milliers de nos enfants – dont le mien – portent son nom. Et comment omettre les autres pères emblématiques du poème de prison : Mahmoud Darwich et son recueil Rameaux d’olivier, avec son célèbre Identité ( Inscris : Je suis arabe ), qui a vu le jour dans les cachots israéliens ; Robert Desnos qui acheva sa vie avec ses écrits déchirants dans les camps nazis de Flöha et de Térézin et dont on retient que « ce n’est pas la poésie qui doit être libre, c’est le poète » ; Primo Lévi déporté lui aussi et qui rédigea à Auschwitz cette poignante poésie qui traversa le siècle ; Miguel Hernandez, un des plus grands poètes et dramaturge espagnol du XXe siècle, condamné à mort par le pouvoir franquiste et dont des poèmes de prison ont été mis en musique par Paco Ibáñez et Joan Manuel Serrat…
Dans notre pays où les poèmes de prison font partie du quotidien carcéral mais sont rarement publiés, nous devons les plus bouleversants à deux célèbres torturés. Bachir Hadj Ali d’abord qui nous laisse Que ma joie demeure mais surtout les Chants pour les nuits de septembre, sortis en même temps que L’arbitraire, cri de l’homme torturé qui ne sait plus différencier le jour de la nuit et qui se termine pourtant, rappelons-nous, par ces vers inoubliables :
Je jure sur l’angoisse démultipliée des épouses
Que nous bannirons la torture
Et que les tortionnaires ne seront pas torturés.
Zhor Zerrari ensuite, la résistante éternelle, avec ses Poèmes de prison, saisissants vers sur l’adolescente du FLN qui raconte ses supplices du centre Sarrouy et ses longues nuits de Barberousse.
En quatrième de couverture vous lirez le poème « Je pardonnerai » qui a donné son titre au recueil :
Je pardonnerai à ceux qui ont douté
Je plaindrai les traîtres et ceux qui ont trahi,
Je prierai pour ceux qui ont déserté
Et je tomberai, assouvi, dans ton nid.
J’irai goûter, de ma terre abandonnée,
Le blé invulnérable des mains pauvres et dignes
Le sel violent de ma Méditerranée
Puis je dormirai, repu, contre ta poitrine.
Je m’enivrerai des serments à tenir
De l’arôme oublié de l’ancien jasmin
Qu’une nuit les hommes d’Alger ont laissé flétrir
Et je mourrai, saoul, dans le creux de tes seins.
Une séance de vente-dédicaces est prévue jeudi à 15 heures à la librairie des Beaux-Arts, rue Didouche Mourad, à Alger.
L.M.
11 juin 2009
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