Les deux orphelins (5e partie)
Résumé de la 4e partie : La marâtre retrouve Meriem – qui a épousé le Prince et attend un enfant – pour la jeter au fond d’un puits où vit un redoutable boa…
Après quoi, elle dit à sa fille :
«Va t’habiller avec les effets de ta sœur. Reste dans son appartement. Quand le Prince viendra, tu le recevras comme si tu étais elle-même.»
La fille dit :
«Mais le Prince va me reconnaître. Il verra bien que mon teint est très laid.
— Tu lui diras que c’est la faute de l’eau de son pays.
— Il verra bien que je suis borgne…
— Tu lui diras : vous ne m’avez donc pas regardée le jour de notre mariage ?».
De fait, lorsque le fils du Roi vit dans sa chambre cette fille qui prétendait être la reine, il se demanda si, dans la pénombre il voyait mal ou si les djinns lui avaient transformé sa femme. Il passa la nuit avec elle, mais dès le lendemain déserta le lit conjugal. Toutefois, la fille fut enceinte.
Sa mère retourna dans son village, non sans lui avoir recommandé d’obtenir absolument de son mari qu’il mette à mort la gazelle.
La prétendue princesse demanda donc au fils du Roi de chasser les gazelles. Lui qui avait fait précédemment serment de ne plus jamais se livrer à cette chasse, en fut très perplexe. Cette subite envie de beefsteack de gazelle était-elle due à la grossesse de cette femme ?
Or, le frère-gazelle avait l’habitude de venir tous les soirs voir sa sœur. Quand elle fut précipitée dans le puits, il erra longuement dans le jardin et finit par flairer sa présence au fond du puits. Alors, tristement, il s’allongeait sur la margelle jusqu’à l’aube.
Or, il était arrivé que la pauvre princesse en tombant au fond de cette citerne avait eu sa chute amortie par le corps du boa. Mais, sous le choc, son enfant était né. Et le boa qui est protecteur des faibles ne fit aucun mal, ni à la mère ni à l’enfant.
Le soir où le frère-gazelle aperçut de loin le Prince armé de son carquois, il fut si ému qu’il en retrouva la parole. S’approchant du puits il dit :
La okhti el ‘aziza
El amwâs terhat
El gdour teghelat
Eç-çiad halef fi-khouk bel mamat.
O ma sœur, ô ma sœur très chère,
Voici les couteaux bien aiguisés
Les chaudrons sur le feu préparés.
Les chasseurs jurent la mort de ton frère.
Le serpent l’entendit comme la princesse et aussitôt s’enroula autour de ses pieds. Alors la pauvre jeune femme ainsi ligotée répondit :
La akhi el ‘aziz
ets-tsâban mloui ‘ala redjeli
Ouled es-soltan fi hadjeri
La nqder ndjri.
O mon frère, mon frère bien-aimé,
Le boa est à mes pieds enroulé,
Le fils du Roi sur mon sein reposé.
Comment trouver le moyen d’échapper ?
Derrière un buisson, un serviteur du Roi, accroupi, prenait le frais lorsqu’il entendit le dialogue. Il courut en faire part au Prince :
«Sire, j’ai entendu deux voix : l’une dans l’air, l’autre qui venait du fond du puits. Serait-ce une rouhania (fantôme) ?»
Le Prince décida de faire découvrir le puits. Il demanda lui-même :
«Qui est là ?
— C’est moi. Meriem !…
Attends, on va te jeter une corde ! (à suivre…)
Tiré des Contes mystérieux d’Afrique du Nord de Jeanne Scelles-Millie
9 juin 2009
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