Le roi, le cadi et les pauvres (5e partie)
Résumé de la 4e partie :Transformé en derviche, le charbonnier aide les six autres prétendants à venir à bout des épreuves imposées par le Prince et ce, en échange d’un bout de leur doigt et d’une partie du lobe de leur oreille…
Les sept candidats montrèrent au Prince, le lendemain, la plaine qui avait succédé à la montagne. Déconcerté, celui-ci pria le Cadi de préparer les sept actes de mariage.
Le charbonnier, ce jour-là, alla se reposer au café maure. Il avait compté qu’on était arrivé à la veille de l’anniversaire de ses sept années de pénitence. Au café, il vit un client qu’il reconnut comme un de ses anciens sujets. Il l’invita à le suivre dans son magasin. Là, il lui raconta son odyssée.
Au fur et à mesure qu’il parlait, le voyageur reconnaissait son cher ancien Roi des rois. Il lui dit comment les hommes de son pays, désolés par sa disparition, étaient partis sur toutes les routes pour essayer de retrouver leur souverain bien-aimé.
Le charbonnier dit à l’homme que l’heure du retour allait sonner et qu’il veuille bien l’attendre, car il aurait à lui faire transmettre un message important. Puis il se rendit au palais.
Le Cadi des cadis était en train de composer les sept actes de mariage.
Déjà il avait consigné les dots des six prétendants. Narquois, le magistrat en lut le modèle au charbonnier.
Là où les autres promettaient cinquante chevaux, le charbonnier en fit consigner cent.
Là où il était prévu cent pièces d’or, il en fit marquer deux cents.
Et ainsi des pièces de brocart, des bijoux, des pierres précieuses. Partout le charbonnier doublait la mise.
A telle enseigne que le Cadi trouva ce procédé peu sérieux et donna une gifle au charbonnier. Très calme celui-ci dit :
«Cadi, veuillez ajouter en plus : une gifle.»
Le cadi refusa. Mais le Prince, qui était présent, fut d’accord pour qu’on l’insérât dans le texte.
Le charbonnier retourna à son magasin et envoya son courrier chargé d’un message où il demandait que ses ministres réunissent d’urgence la dot et l’envoie par caravane escortée de l’armée royale pour la cérémonie des noces. Au pays du Roi des rois, ce fut une joie immense. La veille du jour du retour de la dot, le Roi prit un bain, puis se vêtit d’un costume royal qu’il venait de se confectionner et il partit de nuit à la rencontre des siens. Le lendemain, dès l’aube, le muezzin, comme à l’accoutumée, monta au minaret de la mosquée du palais pour appeler la population à la prière. Mais quand il vit cette armée en marche, de frayeur la langue lui fourcha et au lieu de dire :
«Allah akbar !…», il dit :
«Allah iastar !…»
C’est-à-dire, non pas : «Dieu est le plus grand !», mais : «Que Dieu nous protège !…» (à suivre…)
Tiré des Contes mystérieux d’Afrique du Nord de Jeanne Scelles-Millie
9 juin 2009
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