Le roi, le cadi et les pauvres (4e partie)
Résumé de la 3e partie : Les prétendants, dont le charbonnier, vont à la recherche des pommes du Jardin de Alia Bent Mansour, épreuve qui leur a été signifiée par le Prince. Ils s’acquittent de leur tâche avec brio…
La cadette envoya Aïcha, sa servante, chez le charbonnier. Celui-ci fut étonné d’apprendre que depuis son départ, la jeune fille s’était cloîtrée dans sa chambre, refusait de voir qui que ce soit et voyait sa santé dépérir. Il remit à la servante, pour elle, un panier de pommes du jardin d’Alia bent Mansour. Dès qu’elle y eut goûté, elle redevint éblouissante de santé. Les parents trouvèrent ce changement étrange.
Le Prince comprit que l’un au moins de ses futurs gendres était détenteur de grands secrets dans la connaissance, car une telle épreuve était très difficile, incertaine et, de toute façon, exigeait des mois de travail, alors que le retour des jeunes hommes avait été très rapide.
Comme ils sortaient tous pareillement vainqueurs de cette difficulté, le Prince poursuivit son examen par un nouveau test :
«Apportez-moi, dit-il aux prétendants, du lait de la «chamelle-qui-allaite-son-petit» (halib en-naga fi çader-ha benha).»
C’était là une épreuve particulièrement dure, car il fallait trouver une chamelle venant d’avoir un chamelon et ensuite l’approcher dans une période où ces bêtes sont particulièrement susceptibles et dangereuses pour défendre la nourriture de leur enfant.
Le lendemain matin, la caravane des sept prétendants s’ébranla : les six à cheval sur coursiers richement carapaçonnés, le septième à bourricot.
Comme la première fois, Sidna Abd-el-Quader vint au secours du charbonnier et le transforma en derviche.
Les cavaliers le trouvèrent devant eux, assis sur sa natte, encadré par ses gazelles, le koran devant lui. Ils le reconnurent et lui demandèrent comment se procurer du lait de la «chamelle-qui-allaite-son-petit».
Le derviche leur promit de leur en procurer à une condition : ils devraient donner chacun un bout de leur petit doigt. Les six prétendants acceptèrent puisqu’ils n’avaient pas le choix. En retournant vers la ville, ils retrouvèrent le charbonnier et, tous ensemble, remirent au Prince une part de ce lait précieux.
Le Prince se trouva donc confirmé dans son pressentiment que l’un des candidats avait le secret du «chemin».
Le temps s’écoulait et on touchait à la fin des sept années de pénitence du Roi des rois. Il était toujours dans son échoppe de charbonnier puisque le Prince, devant l’égalité des réussites des prétendants de ses filles, n’arrivait pas à formuler de jugement.
Pourtant, un matin, il les convoqua au palais et leur montrant de sa fenêtre la montagne qui s’étendait en face d’eux, il leur dit :
«Etes-vous capables de transformer cette montagne en plaine en quarante-huit heures ?»
De nouveau les sept prétendants enfourchèrent leurs montures. De nouveau, ils rencontrèrent le derviche. Cette fois, le derviche exigea un bout du lobe de leur oreille. (à suivre…)
Tiré des Contes mystérieux d’Afrique du Nord de Jeanne Scelles-Millie
9 juin 2009
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