Le roi, le cadi et les pauvres (3e partie)
Résumé de la 2e partie : Le Roi des rois, après avoir été, tour à tour, berger et charbonnier, est remarqué par la fille du Prince de la ville, touchée par la mélodie de sa petite flûte…
Les riches marchands et les nobles seigneurs se rendirent donc en grande pompe devant le château, les uns en carrosse doré, les autres sur des chevaux aux selles rehaussées de brocart. Le charbonnier s’y rendit aussi, en habit de sac et à dos de bourricot. Il s’était muni de sa petite flûte dont il jouait tandis que son bourrin trottinait.
La cadette reconnut la mélodie si expressive du charbonnier et lui jeta sa pomme.
Tous les hommes ayant reçu une pomme devaient se présenter devant le Prince au cours d’une réception organisée par ses grands Conseillers.
Chacun fut scandalisé du choix de la cadette. Les six élus des sœurs aînées étaient particulièrement furieux.
Pourtant, le Prince respecta ce choix et dit aux sept prétendants :
«Vous pouvez retourner à vos demeures. Je vous convoquerai.».
La nuit qui suivit, le Prince était perplexe et en proie à l’insomnie lorsque Sidna Djabril lui apparut et le conseilla :
«Monseigneur, ne vous tourmentez pas : ces sept prétendants doivent subir des épreuves préalables qui vous permettront de les juger. Posez-leur comme condition qu’ils vous rapportent des pommes du jardin de «‘Alia bent Mansour chaqq seb’a bohour» (Alia fille-de-Mansour-séparée-par-sept-mers).
On convoqua donc les prétendants qui acceptèrent l’épreuve.
A la date fixée, ils partirent, les six à cheval, le septième à bourricot. Les six prétendants aînés caracolaient fièrement. Et le charbonnier disait à son bourricot pour l’encourager :
«Harr, harr, rana lkoull nsab es-soltan !»
«Hardi, hardi, nous sommes tous les beaux-fils du sultan !»
Mais, au bout de quelques jours de marche à travers des pays désolés, les chevaux laissèrent loin derrière eux le bourricot. Alors Dieu envoya au charbonnier Sidna Abd-el-Qader qui lui donna des pouvoirs merveilleux et le transforma en derviche habillé de laine blanche, avec une grande barbe. Les prétendants qui l’avaient laissé à l’arrière, le trouvèrent devant eux, assis sur une natte, ayant une gazelle à sa droite, une gazelle à sa gauche et le koran devant lui.
Ce fut une surprise pour eux, dans ce désert. Ils lui demandèrent conseil :
«Es-salam ‘alikoum, ô saint homme ! Nous sommes les prétendants des filles du Prince. Mais le Prince nous a fixé une épreuve difficile. Pouvez-vous nous dire où cueillir les pommes du jardin de ‘Alia bent Mansour ?
— Volontiers. Mais donnez-moi les harnais de vos chevaux.»
Ils les donnèrent et s’en retournèrent sans selle et sans étriers au pays du Prince à qui chacun remit la pomme donnée par le derviche. Ils arrivèrent en même temps que le charbonnier sur son bourricot, porteur d’une pomme identique. (à suivre…)
Tiré des Contes mystérieux d’Afrique du Nord de Jeanne Scelles-Millie
9 juin 2009
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