Les deux orphelins (2e partie)
Résumé de la 1re partie : Meriem et son jeune frère sont maltraités par leur marâtre, mais fort heureusement la vache héritée de leur mère, les aide à surmonter la faim…
La belle-mère s’en aperçut et, dès que sa fille fut en âge de suivre ses aînés dans leurs courses, elle lui recommanda de les surveiller pour savoir comment ils se nourrissaient en dehors de la maison.
La fillette rapporta qu’ils buvaient à même les mamelles de la vache. La mère recommanda à sa fille d’en faire autant. L’enfant profita d’un moment d’absence de ses aînés pour s’approcher de la vache et reçut un coup de corne qui l’éborgna.
Folle de colère, la marâtre fit tuer la vache. Elle croyait bien avoir ainsi réduit les orphelins à la famine.
Mais ceux-ci continuèrent à grandir et à embellir. En effet, ils aimaient profondément leur vache et, dans leur désespoir, lorsque cet animal fut abattu, ils s’étaient réfugiés, accablés, sur la tombe de leur mère. Ils s’avisèrent alors de remarquer que l’arbre qui abritait la tombe était chargé de fruits. Et tandis qu’ils le regardaient avec émerveillement, ce grand arbre s’inclina devant la détresse des enfants, ploya ses branches et leur tendit ses fruits.
Ainsi, chaque jour, ils retournaient manger à satiété des fruits présentés par l’arbre de la tombe de leur mère. La marâtre, intriguée, demanda à nouveau à son avorton de petite fille d’aller espionner ses aînés. Celle-ci les suivit au cimetière. De loin, elle vit le grand arbre se pencher et présenter aux enfants ses rameaux chargés de fruits.
Alors la mère informée saisit une grande scie et, sans avertir qui que ce soit, elle vint elle-même au cimetière et passa une journée entière à scier cet arbre. Elle y arriva péniblement, sauf pour un dernier rejeton qui, peut-être à cause de son extrême fatigue, fut récalcitrant devant la scie. Le lendemain, la fillette suivit encore ses aînés. A sa stupéfaction, elle vit le pauvre rejeton se mettre à grandir et à se recouvrir de fruits qu’il présenta aux deux orphelins.
Cette fois, la marâtre se munit d’un grand seau de goudron et badigeonna toutes les sections vives de l’arbre. Elle déracina les petits rejets et les mit au feu. L’arbre était bien tué. Les orphelins furent bouleversés en arrivant, le jour suivant, devant la chère tombe de voir saccagé leur arbre protecteur et nourricier. Ils se tenaient par la main et pleuraient. Puis, ils adressèrent une prière désespérée à leur pauvre maman. Ils l’avaient accompagnée à sa dernière demeure lors de son enterrement. Ils l’avaient vue déposer en terre. Leur esprit essayait de l’évoquer dans la pose où elle avait été mise. Lorsqu’ils remarquèrent deux mamelons qui affleuraient sur la terre à l’endroit où devait se trouver la poitrine de leur chère mère. Ils se penchèrent, sucèrent. L’un leur donna du lait et l’autre du miel.
Les enfants, baignés de tendresse et réconfortés par cette nourriture revinrent radieux et pleins de force à la maison.
Ils n’avaient pas vu que la petite sœur les avait encore espionnés. Cette fois, la marâtre décida d’en finir. Elle prit une pioche, s’en fut toute seule au cimetière, déterra la morte, la brûla et ne laissa à la place de la tombe que des débris calcinés d’arbre et d’os éparpillés. (à suivre…)
Tiré des Contes mystérieux d’Afrique
du Nord de Jeanne Scelles-Millie
9 juin 2009
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