Le roi, le cadi et les pauvres (2e partie)
Résumé de la 1re partie : Sidna Djabril apprend au Roi des rois, pourtant connu pour sa générosité, que Dieu lui inflige 7 ans de malheur pour n’avoir pas fait l’aumône à un mendiant aveugle qui s’est présenté à lui à minuit…
A quelques kilomètres de là, une rivière barrait la route. Il fallait que la caravane la passe à gué. Les mules et le cheval du Roi perdirent pied. Le Roi seul atteignit l’autre rive où il se retrouva sans monture et sans or. Il continua sa marche à pied. La faim le saisit. En traversant une plaine, il rencontra un berger. Il lui dit :
«J’ai faim. Je voudrais que tu me donnes à manger. Mais je n’ai rien pour te payer que mon costume.»
C’était son costume royal. Le berger lui donna quelques fromages et troqua le costume de roi contre sa gandoura de berger.
Le Roi les rois vécut ainsi, pendant six ans, comme un pauvre gardien de moutons. Il était miséreux et vieillit très vite.
Vers la fin de la sixième année, il trouva une place d’aide charbonnier. Toute la journée, sous la canicule, il cognait contre les arbres et les débitait. Puis il empilait ses bûches, les couvrait d’argile et allumait ses feux pour faire du charbon. Contre quoi, son maître lui donnait une frugale nourriture et un coin pour dormir.
La septième année arriva. Le patron charbonnier mourut et lui laissa l’échoppe en héritage.
La septième année touchait à sa moitié lorsque le Prince de la ville où se trouvait le charbonnier fit proclamer un avis à la population :
«Tel jour, fermez tous les magasins ! Le Prince fera sortir ses femmes et ses filles en promenade à travers les rues de la ville !…»
Le charbonnier, comme tous les autres commerçants, ferma sa boutique. Dans son exil, sa seule distraction avait été de jouer de la flûte. Il en modulait des sons très doux. Et cette flûte, pour qui savait l’entendre, racontait la triste odyssée du Roi, son exil et ses malheurs loin de son royaume.
Le cortège féminin comprenant les sept filles du Prince passa devant la boutique du charbonnier. La cadette des filles entendit la mélodie de la petite flûte et en comprit tous les accents. Revenue au palais, elle demanda à sa servante Aïcha d’aller s’approcher de cette boutique pour faire la connaissance du charbonnier. Le rapport de la servante fut favorable. C’était la coutume dans le pays que les filles, lorsqu’elles désiraient se marier, plantent un couteau dans une pastèque et fassent présenter la pastèque à leur père. Le Prince fut ainsi informé des vœux de ses filles et fit passer un avis public, invitant les hommes du pays, candidats au mariage, à se présenter, à jour dit, devant le palais. Chacune de ses filles reçut une pomme qu’elle devait envoyer au prétendant choisi. (à suivre…)
Tiré des Contes mystérieux d’Afrique du Nord de Jeanne Scelles-Millie
9 juin 2009
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