Histoires vraies
L’ascenseur (2e partie)
Résumé de la 1re partie : Quotidiennement, Béatrice, 10 ans, rêve de personnes qui entrent et sortent de «sa villa». Quelle signification peut bien avoir tout cela ?
Béatrice décide d’accompagner sa mère. Elle a envie de voir du monde et elle aime beaucoup Mme Duffaut.
C’est ainsi que, vers dix-huit heures, Mme Lemonier et Béatrice montent les marches qui conduisent au hall de l’hôtel Taillefer. Un portier en grand uniforme, un haut-de-forme galonné sur la tête, sourit à chacun de ceux qui entrent ou sortent.
— Maman ! Regarde ! Regarde !
Mme Lemonier, un peu perdue dans ses pensées, ne comprend pas ce qu’elle doit regarder :
— Maman ! C’est lui ! Là ! Il descend les marches !
Mme Lemonier jette un œil sur les gens qui entrent et sortent de l’hôtel. Soudain, elle aperçoit un homme barbu qui descend les marches. Il est pratiquement obèse et son visage congestionné dégouline de transpiration. De la main gauche, il éponge son front avec un grand mouchoir. Il passe devant Béatrice et sa mère sans leur prêter la moindre attention. Il semble de bonne humeur et, de la main droite, il fait des moulinets avec une canne de jonc dont la poignée est dorée. Mme Lemonier remarque qu’il porte un chapeau de paille noire entouré d’un ruban qui brille au soleil comme s’il était tissé de fils d’argent…
— C’est lui, l’homme dont tu as rêvé ? C’est lui, tu en es certaine ?
Béatrice est devenue muette d’émotion. Elle fait des signes de tête pour répondre que c’est bien l’homme de son rêve…
Tout en parlant, Béatrice et sa mère ont traversé le hall de l’hôtel. Elles se trouvent maintenant devant l’ascenseur qui doit les conduire au troisième étage et à la chambre 321, celle de Mme Duffaut. Mme Lemonier tient à la main un paquet de pâtisseries variées : des «puits d’amour», une gourmandise qu’elle partage avec son amie.
— Maman, il faut suivre ce monsieur ! Viens vite.
Béatrice saisit la main de sa mère et l’entraîne vivement vers la sortie de l’hôtel. Sur l’esplanade ombragée, le gros monsieur congestionné s’éloigne en continuant à faire des moulinets avec sa canne. Elles descendent rapidement les marches de l’entrée et se mettent à courir pour rattraper le bonhomme. Le paquet de «puits d’amour» sautille au bout de sa ficelle. Vont-elles rejoindre l’homme à la canne ?
— Béatrice ! Ça suffit ! Qu’est-ce qu’on va lui dire, à ce monsieur ? «Bonjour, monsieur, je viens vous dire que cette nuit vous étiez dans un rêve de ma petite Béatrice. Et j’aimerais savoir ce que vous allez faire maintenant.» Non mais : il va nous prendre pour deux folles !
— Oh si, maman, allons lui parIer !
— Non, ça ne rime à rien. Et puis les «puits d’amour» ne vont pas résister.
A les secouer comme ça, ça va être un désastre. Quand je vais ouvrir le paquet, ça ne sera plus des puits d’amour, ça sera de la ratatouille ! Allez, on laisse ce gros monsieur tranquille et on retourne à l’hôtel.
Béatrice fait un peu la tête. Dame, ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de parler à quelqu’un qu’on a rencontré en rêve. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
9 juin 2009
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