Il
y avait une fois un empire composé de multiples royaumes dont le Roi
des rois était renommé pour sa sagesse et son immense charité.
Chacun
savait que n’importe quel mendiant pouvait venir frapper à la porte du
palais à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit ; et le Roi en
personne venait lui donner à manger et le servir.
Il est certain que
cette pratique donnait lieu à quelques abus. Car le Roi avait aussi
bien d’autres obligations d’état et ne disposait que de vingt-quatre
heures par jour comme tous les mortels.
Les vizirs, craignant pour
sa santé, finirent par faire proclamer dans la ville que le Roi ne
donnerait la charité que de telle heure à telle heure. Un panneau
affiché sur le mur extérieur du palais confirmait cet avis.
Les mendiants de la ville, informés, tinrent compte de cet horaire.
Mais
un jour, un mendiant venu d’un lointain pays où la renommée de
générosité du Roi des rois était parvenue, se présenta au palais à
minuit. Il ne connaissait pas la nouvelle réglementation. Il n’avait
pas lu l’avis. Aussi bien, il était aveugle et c’est dans la nuit qu’il
fit entendre sa complainte :
«Ya Rabbi… rani dji’an… ‘atani fi sabil Illah !…»
«ô Maître… j’ai faim… Donne-moi quelque chose pour l’amour de Dieu !»
Le
Roi des rois entendit son cri. Il se redressa sur le coude. Puis il se
dit que le règlement faisait loi et, se retournant sur son lit de
l’autre côté, il se rendormit.
La voix continua. Le Roi se réveilla
de nouveau, se fâcha, convoqua un garde et lui dit de mettre l’importun
à la geôle pour la nuit.
Puis le Roi se rendormit. Alors Sidna Djabril (l’Ange Gabriel) vint le réveiller lui disant :
«Sire, vous êtes dans l’erreur. Vous aurez à payer cette faute !»
Le
Roi crut à un mauvais rêve. Il dit la basmallah : «Au nom du Dieu
Clément et Miséricordieux !» pour écarter Satan le lapidé. Puis il se
retourna encore et se rendormit.
Mais Sidna Djabril le réveilla de plus fort :
«Je
ne suis pas Satan. Inutile d’appeler Dieu au secours ! Au contraire, je
viens vous dire de sa part que c’est une erreur d’avoir refusé à
l’aveugle la charité et de l’avoir emprisonné : Il n’y a pas d’heure
pour la charité ! Je vous signifie une punition de Dieu de sept ans
!…»
Le Roi était accablé. Il pria Sidna Djabril de l’excuser
auprès de Dieu et de solliciter pour lui que cette punition intervienne
maintenant où sa santé était encore bonne, car, plus tard, il serait
vieux et risquerait de mourir dangereusement sans avoir purgé sa peine.
Sidna Djabril transmit sa prière. Et Dieu accepta que la pénitence commençât aussitôt.
Le
Roi se leva donc. Il alla demander pardon au prisonnier, le servit et
lui donna une provision de voyage. Puis il partit en exil pour que son
peuple ne le voie pas dans cette phase critique de sa vie. Il avait
pris la précaution de prendre avec lui des mules chargées de pièces
d’or de façon à distribuer de l’argent aux malheureux tout le long de
son chemin. (à suivre…)
Tiré des Contes mystérieux d’Afrique du Nord de Jeanne Scelles-Millie
9 juin 2009
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