Barbe bleue (3e partie)
Résumé de la 2e partie : La femme de Barbe bleue découvrit la vérité. Le cabinet «interdit» contenant tous les corps inertes de ses précédent femmes. Elle sait que son tour viendra. Barbe bleue rentre chez lui le même soir… et demande les clefs.
Mais d’une main si tremblante, qu’il devina sans peine tout ce qui s’était passé.
— «Comment se fait-il que la clef du cabinet ne soit point avec les autres ?»
— «Sans doute», dit-elle, «que je l’ai laissée là-haut sur ma table.»
—«Ne manquez pas», dit Barbe bleue, «de me la donner tantôt.» Après l’avoir retardé le plus possible, il fallut apporter la clef. Barbe Bleue, l’ayant examinée, dit à sa femme :
— «Pourquoi y a-t-il du sang sur cette clef ?»
— «Je n’en sais rien», répondit la pauvre femme, plus pâle que la mort.
— «Vous n’en savez rien», reprit Barbe Bleue, «je le sais bien, moi» ; «vous avez voulu entrer dans le cabinet ! Eh bien, Madame, vous y entrerez, et irez prendre votre place auprès des dames que vous y avez vues.» Elle se jeta aux pieds de son mari, en pleurant et en lui demandant pardon, avec toutes les marques d’un vrai repentir de n’avoir pas été obéissante.
Elle aurait attendri un rocher, belle et affligée comme elle était ; mais Barbe Bleue avait le cœur plus dur qu’un rocher :
— Il faut mourir, Madame, lui dit-il, et tout à l’heure.
— Puisqu’il faut mourir, répondit-elle, en le regardant, les yeux baignés de larmes, donnez-moi un peu de temps pour prier Dieu.
— Je vous donne un quart d’heure», reprit Barbe Bleue, «mais pas un moment de plus. Lorsqu’elle fut seule, elle appela sa sœur, et lui dit :
— Ma sœur Anne (car elle s’appelait ainsi), monte, je te prie, sur le haut de la tour, pour voir si mes frères ne viennent point ; ils m’ont promis qu’ils viendraient me voir aujourd’hui, et si tu les vois, fais-leur signe de se hâter.
La sœur Anne monta en haut de la tour, et la pauvre affligée lui criait de temps en temps :
— Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? Et la sœur Anne lui répondait :
— Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie.
Cependant, Barbe Bleue, tenant un grand couteau à la main, criait de toutes ses forces à sa femme :
— Descends vite, ou je monterai là-haut.
— Encore un moment s’il vous plaît, lui répondait sa femme et aussitôt elle criait tout bas :
— Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?
Et la sœur Anne répondait :
— Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie.
— Descends donc vite, criait Barbe bleue, ou je monterai là-haut.
— Je m’en vais, répondait sa femme, et puis elle criait :
— Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?
— Je vois, répondit la sœur Anne, une grosse poussière qui vient de ce côté-ci. (à suivre…)
6 juin 2009
Non classé