Voitures folles (1re partie)
Trouville n’est plus ce qu’il était ! Demandez-le aux véritables Trouvillois. Et Deauville encore moins. Les Bernazet aiment bien, cependant, aller passer quelques heures sur la plage. Rien ne vaut l’air de la Manche, si ce n’est celui de l’Atlantique. Mais, en pleine saison, il faut se plier aux contingences du monde moderne…
— On va aller se garer sur le parking ! Celui qui est le plus près de la plage.
— Si tu crois qu’on va trouver une place ! Quelle affluence ! On aura de la chance si on y arrive.
Mais si ! Même en plein mois d’août, les miracles ont lieu. Les Bernazet trouvent une petite place pour garer leur Peugeot.
— Allez, en route ! N’oublie pas le parasol et la crème solaire. Et moi, je prends un pull-over. Et même l’imper ! Ici, le temps change si vite…
Les Bernazet, après avoir soigneusement refermé leur véhicule à clef, après avoir vérifié que rien à l’intérieur ne pourrait attirer l’attention d’un voleur à la «roulotte», s’éloignent vers le sable blond… Et quelques heures passent. Bronzette, boissons fraîches, un peu de marche, quelques brasses entre les vagues.
— Bon, en définitive, nous avons eu de la chance. Le temps s’est maintenu au beau. On remettra ça demain. Où allons-nous dîner ce soir ?
— Il y a une petite auberge sur la route de Pont-l’Evêque… Il paraît qu’ils font un…
Gaston Bernazet vient de s’interrompre brusquement au milieu de sa phrase :
— Yvette ! Est-ce que tu vois ce que je vois ?
— Mince alors ! Mais qu’est-ce qui s’est passé ? ?a alors !
Yvette, comme son mari Gaston, n’en croit pas ses yeux. Leur voiture, leur Peugeot presque neuve, est toujours à la même place. Mas dans quel état ! Une Alfa Romeo est collée contre elle. vaudrait mieux dire «collée dans elle». La pauvre Peugeot a la portière arrière entièrement défoncée par l’arrière de l’Alfa.
— Mais quelle est l’andouille…
L’andouille, c’est le propriétaire de l’Alfa Romeo. Ou son conducteur. A-t-il fait une fausse manœuvre en marche arrière ? Un coup d’œil à la plaque minéralogique de l’Alfa :
— 14 ! C’est quelqu’un du Calvados. Y a pas à dire : ces Normands ne savent pas conduire.
Gaston écume. C’est dans son tempérament. Comme s’il n’y avait pas d’accident en Ile-de-France…
Yvette, plus calme, examine la situation :
— Ce n’est que de la tôle.
— Mais qu’est-ce qui a pu se passer ?
— A mon avis, il a dû mal serrer son frein à main ! Comme le parking est en pente, la voiture est descendue et elle s’est bloquée sur la nôtre.
Bon ! Il ne reste plus qu’à rechercher le propriétaire du véhicule tamponneur. De toute manière la journée tire à sa fin et les baigneurs quittent la plage. Petit à petit, chacun regagne sa voiture et le parking se vide.
Enfin, la propriétaire de l’Alfa apparaît : une jeune femme sportive et bronzée. Elle semble stupéfaite par l’accident. A la limite, elle prendrait presque la chose de haut. Mais elle est bien obligée d’avouer que les Bernazet ne sont pour rien dans le choc. Leur voiture était immobile et elle avait négligé de passer une vitesse en se garant dans la pente. Le frein à main, sans doute trop usé ou mal serré, n’a pas joué son rôle…
L’assurance, elle, joue le sien : l’expert vient constater les dégâts, la réparation est effectuée. Tout rentre dans l’ordre…
Les vacances se terminent : c’est l’époque où l’on se précipite chez le photographe pour faire développer les clichés pris au grand air. On a parfois des surprises, bonnes ou mauvaises. Cadrages catastrophiques, lumières calamiteuses. Les Bernazet, quant à eux, au moment où ils vont récupérer leurs tirages, ont une autre surprise :
— Gaston, tu as entendu ce boucan ?
Gaston, occupé à regarder les clichés, répond :
— Moui ! C’est sûrement deux bagnoles qui se sont accrochées sur la place ! Sur la place ! Mas nous sommes garés sur la place ! Tu ne vois pas que quelqu’un nous soit rentré dedans ! (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
6 juin 2009
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