Les douze frères (1re partie)
Il y avait, une fois, un roi et une reine qui vivaient ensemble en bonne intelligence. Ils avaient douze enfants, mais c’étaient douze garçons.
Un jour, le roi dit à la reine :
— Si le treizième enfant que tu me promets est une fille, les douze garçons devront mourir, afin que l’héritage de leur sœur soit considérable, et que le royaume tout entier lui appartienne.
Il fit donc construire douze cercueils qu’on remplit de copeaux ; puis le roi les fit transporter dans un cabinet bien fermé, dont il donna la clef à la reine, en lui recommandant de n’en rien dire à personne.
Cependant, la mère était en proie à un violent chagrin. Le plus jeune de ses fils, à qui elle avait donné le nom de Omar, s’aperçut de sa peine et lui dit :
— Ma bonne mère, pourquoi es-tu si triste ?
— Cher enfant, lui répondit-elle, je ne dois pas te le dire.
Mais l’enfant ne lui laissa point de repos, qu’elle ne l’eût conduit au cabinet mystérieux, et qu’elle ne lui eût montré les douze cercueils remplis de copeaux
— Mon bien-aimé Omar, lui dit-elle, ton père a fait construire ces cercueils pour tes onze frères et pour toi, car si je mets au monde une petite fille, vous devez tous mourir et être ensevelis là.
Et comme elle pleurait, l’enfant chercha à la consoler en lui disant :
— Ne pleure pas, nous saurons bien éviter la mort. La reine reprit :
— Va dans la forêt avec tes onze frères, et que l’un de vous se tienne sans cesse en sentinelle sur la cime de l’arbre le plus élevé, les yeux tournés vers la tour du château. J’aurai soin d’y arborer un drapeau blanc si je mets au monde un garçon, et alors vous pourrez revenir sans danger ; si au contraire je deviens mère d’une fille, j’y planterai un drapeau rouge comme du sang ; alors hâtez-vous de fuir bien loin, et que le Bon Dieu vous protège.
Lorsque la reine eut donné sa bénédiction à ses fils, ceux-ci se rendirent dans la forêt. Chacun d’eux eut son tour de faire sentinelle pour la sûreté des autres, en grimpant au haut du chêne le plus élevé, et en tenant, de là, ses yeux fixés vers la tour. Quand onze jours furent passés, et que ce fut à Omar de veiller, il vit qu’un drapeau avait été arboré, mais c’était un drapeau rouge comme du sang, ce qui prouvait qu’ils devaient tous mourir. Lorsqu’il eut annoncé la nouvelle à ses frères, ceux-ci s’indignèrent et dirent :
— Sera-t-il dit que nous aurons dû subir la mort pour une fille ? Faisons serment de nous venger ! Partout où nous trouverons une jeune fille, son sang devra couler. Cela dit, ils allèrent tous ensemble au fond de la forêt, et à l’endroit le plus épais, ils trouvèrent une petite cabane misérable et déserte. Alors ils dirent :
— C’est ici que nous voulons fixer notre demeure et toi, Omar, comme tu es le plus jeune et le plus faible, tu resteras au logis et te chargeras du ménage, nous autres, nous irons à la chasse afin de nous procurer de la nourriture. (à suivre…)
4 juin 2009
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