L’épopée de Djazia (10e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 9e partie : Les versions algériennes de l’épopée de Djazia confrontent, comme les autres versions, les nomades bédouins aux Berbères sédentaires.
Toutes les versions que nous avons évoquées montrent combien l’épopée de Djazia la Hilalienne est riche. Ce n’est pas une histoire qu’il faut retenir mais cent, plus sans doute, quand on sait que toutes les versions sont loin d’être recueillies. Surtout en Algérie où, jusqu’à présent, seuls les textes que nous avons signalés ont été publiés.
Les récits de l’épopée de Djazia sont donc nombreux, les épisodes multiples et parfois se contredisant les uns les autres, mais le fond de l’épopée est le même. A travers le Maghreb et le Sahara : c’est celui de la vie nomade, représentée justement par les Hilaliens confrontés aux sédentaires, les Berbères zénètes. Les Hilaliens, qui sont un peuple de pasteurs et qui pratiquent l’élevage sur une grande échelle, ont constamment besoin de pâturages : les terres qu’ils ne peuvent obtenir par la négociation et les alliances, ils les obtiennent par la force du sabre.
D’après la plupart des versions, c’est la famine qui les a chassés du Nedjd, leur patrie d’origine. Ils vont traverser la Jordanie, l’Egypte, la Tripolitaine, avant d’arriver en Ifriqiya, la Tunisie et l’est de l’Algérie où croissent les plus «beaux printemps». On sait par les historiens que cette longue marche, appelée taghriba «marche vers l’Ouest» et mettant en branle des milliers de personnes, hommes, femmes et enfants, poussant en avant son bétail, n’a pas été pacifique.
Partout où ils arrivaient, les Banû Hilâl s’opposaient aux autorités sur place, s’emparant de force de territoires, ravageant les villes et les villages… On connaît le passage d’Ibn Khaldoun où il compare les nomades arabes à une armée de sauterelles, dévastant tout sur son passage… Cependant, il faut leur rendre justice : les Hilaliens n’ont jamais eu l’intention de fonder un Etat ou de se tailler dans le Maghreb un royaume, la seule organisation politique comptant pour eux, étant la tribu. Mais ils allaient transformer de fond en comble la physionomie du Maghreb, arabisant une partie importante d’un pays demeuré jusque-là, en dépit de l’islamisation, largement berbérophone.
On ignore si les personnages de Djazia et de Dhiyab ont réellement existé, mais dans tous les récits en rapport avec les Banû Hilal ou presque, ils apparaissent.
Dans ces récits, les Hilaliens répondent à l’image que les historiens ont donné d’eux : braves et prêts à se sacrifier pour les leurs mais violents et vindicatifs. La femme, loin d’être un objet, apparaît, avec Djazia, comme l’élément central de la société : on la consulte, on l’écoute, elle va et vient parmi les hommes.
Pour raconter l’épopée de djazia, nous avons préféré, au choix d’une version qui écarte les autres, voire qui les contredit, et donne une seule lecture de l’épopée, construire un texte, à partir de différents éléments. Le récit sera romancé, mais il respectera le cadre de l’épopée, notamment son cadre algérien : les Hauts-Plateaux où le souvenir des personnages, djazia, dhiyab ou Klifa Zénati, est encore vivace. (à suivre…)
K. N.
3 juin 2009
1.Contes