L’ondine de l’étang (5e partie et fin)
Résumé de la 4e partie : Au bord de l’eau, la femme du chasseur fila avec son rouet d’or jusqu’à ce que son lin fût épuisé et que le fil eût rempli le fuseau. Une forte vague s’avança alors et emporta le rouet et elle vit apparaître son mari émergeant de l’eau.
Vite il s’élança sur le bord, saisit sa femme par la main et s’enfuit. Mais à peine avaient-ils fait quelques pas, que l’étang tout entier se souleva avec un horrible bouillonnement et se répandit avec une violence irrésistible dans la plaine. Déjà les deux fuyards voyaient la mort devant eux, quand la femme dans son angoisse appela la vieille à son aide, et en un instant ils furent changés, elle en crapaud, lui en grenouille. Le flot qui les avait atteints ne put les faire périr, mais il les sépara et les entraîna très loin l’un de l’autre.
Quand l’eau se fut retirée et qu’ils eurent remis le pied sur un terrain sec, ils reprirent leur forme humaine. Mais aucun des deux ne savait ce qu’était devenu l’autre ; ils se trouvaient parmi des étrangers qui ne connaissaient pas leur pays. De hautes montagnes et de profondes vallées les séparaient. Pour gagner leur vie, tous deux furent obligés de garder des moutons. Pendant plusieurs années ils conduisirent leurs troupeaux à travers les bois et les champs, accablés de tristesse et de regret.
Une fois, comme le printemps venait de refleurir, tous deux sortirent le même jour avec leurs troupeaux et le hasard voulut qu’ils marchassent à la rencontre l’un de l’autre. Sur la pente d’une montagne éloignée, le mari aperçut un troupeau et dirigea ses moutons de ce côté. Ils arrivèrent ensemble dans la vallée, mais ne se reconnurent point ; pourtant ils se réjouissaient de n’être plus seuls. Depuis ce temps-là ils faisaient paître chaque jour leurs troupeaux l’un près de l’autre : ils ne se parlaient pas, mais ils se sentaient consolés. Un soir, comme la pleine lune brillait dans le ciel et que les moutons reposaient déjà, le berger tira sa flûte de son sac et en joua un air gracieux, mais triste. Quand il eut fini, il remarqua que la bergère pleurait amèrement. «Pourquoi pleures-tu ? lui demanda-t-il.
— Ah ! répondit-elle, c’est ainsi que brillait la pleine lune lorsque je jouais pour la dernière fois cet air sur la flûte, et que la tête de mon bien-aimé parut à la surface de l’eau.»
Il la regarda et ce fut comme si un voile était tombé de ses yeux ; il reconnut sa femme bien-aimée et en la regardant, comme la lune brillait sur son visage, elle le reconnut à son tour. Ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre, s’embrassèrent, et s’ils furent heureux, qu’on ne le demande point.
Source : Contes choisis des frères Grimm. Contes fantastiques et contes facétieux.
3 juin 2009
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