Le maître voleur (4e partie)
Résumé de la 3e partie : Il faisait déjà sombre quand le voleur alla s’asseoir sur une borne, dans la cour et se mit à tousser comme une vieille femme bronchitique, tout en se frottant vigoureusement les mains comme quelqu’un qui a froid.
Devant la porte de l’écurie, les soldats d’une garde spéciale se réchauffaient autour d’un feu, et l’un d’eux, voyant la vieille, lui cria : «Approche-toi, grand-mère, viens te chauffer avec nous ! Tu ne sais pas où dormir, sans doute, et tu t’accommodes de ce que tu trouves, là où tu es.» La vieille trottina vers eux, les pria de l’aider à enlever sa hotte et s’assit près du feu.
— Qu’as-tu dans ton tonnelet, la vieille ? questionna l’un des hommes.
— Un fameux coup à boire, chevrota la vieille. Ce vin-là, c’est mon petit commerce ! Si vous le payez comptant et le demandez gentiment, je veux bien vous en offrir un verre. «Alors, vas-y !», fit le soldat. Et quand il eut goûté, il dit : «Un verre de plus, ce vin est bon !». Les autres suivirent son exemple avec le même enthousiasme, et l’un d’eux appela ceux qui étaient à l’intérieur de l’écurie : «Holà, camarades ! Nous avons ici une grand-mère avec un vin qui doit avoir le même âge qu’elle. Buvez-en aussi un coup, il vous réchauffera l’estomac bien mieux que le feu que nous avons là.» Prenant son tonnelet, la vieille clopina jusque dans l’écurie. Ils étaient trois : un sur la selle, un autre la main à la bride et le troisième cramponné à la queue du cheval favori. Elle leur versa à boire autant qu’ils en voulurent jusqu’à ce que la source fût tarie ; et peu après, la main qui les tenait lâcha les rênes et l’homme glissa à terre où il commença à ronfler ; le second abandonna la queue pour se coucher par terre et se mettre à ronfler encore plus fort, quant au troisième, sur la selle, il y resta bien assis, mais se pencha en avant, le menton dans la poitrine et la tête presque dans le cou du cheval, ronflant comme un soufflet de forge. Dehors, il y avait un bon moment que les autres dormaient, allongés autour du feu, immobiles comme des statues.
En voyant son succès, le maître voleur mit un bout de corde dans la main de celui qui tenait la bride, et un bouchon de paille dans les mains de celui qui tenait la queue du cheval. Mais que pouvait-il faire avec celui qui était sur le dos de la bête ? Il ne voulait pas le remettre par terre, parce qu’il risquait de se réveiller et de donner l’alarme en criant. La bonne idée lui vint bientôt : avisant quelques bonnes cordes suspendues au mur, il desserra la sangle de la ventrière, noua quatre bonnes cordes à la selle, lança les autres bouts par-dessus une solive et hissa le tout, selle et cavalier, pour les reposer doucement sur la grosse barre de séparation entre les stalles ; cela fait, il y fixa solidement la selle sur laquelle ronflait toujours le cavalier. (à suivre…)
3 juin 2009
1.Contes