Le lièvre et le hérisson (3e partie et fin)
Résumé de la 2e partie : Sachant qu’il n’a aucune chance de battre le lièvre à la course et voulant gagner le louis d’or et surtout se venger de l’affront subi, le hérisson décida de tricher, mettant sa femme à contribution.
Chacun se plaça dans son sillon. Le lièvre dit : «Une, deux, trois !» et partit comme un tourbillon, arpentant le terrain. Le hérisson fit trois pas à peu près, puis se tapit dans le sillon et y demeura coi. Quand le lièvre fut arrivé à de grandes enjambées au bout de la pièce de terre, la femme du hérisson lui cria : «Me voilà !» Le lièvre fut tout étonné et s’émerveilla fort. Il croyait bien entendre le hérisson lui-même, car la femme ressemblait parfaitement à son mari.
Le lièvre dit : «Le diable est là pour quelque chose.» Il cria : «Recommençons ; encore une course.» Et il courut encore, partant ainsi qu’un tourbillon, si bien que ses oreilles volaient au vent. La femme du hérisson ne bougea pas de sa place. Quand le lièvre arriva à l’autre bout du champ, le hérisson lui cria : «Me voila !» Le lièvre, tout hors de lui, dit : «Recommençons, courons encore.
— Je ne dis pas non, reprit le hérisson ; je suis prêt à continuer tant qu’il te plaira.»
Le lièvre courut ainsi soixante-treize fois de suite, et le hérisson soutint la lutte jusqu’à la fin. Chaque fois que le lièvre arrivait à un bout ou à l’autre du champ, le hérisson ou sa femme disaient toujours : «Me voilà !»
A la soixante-quatorzième fois, le lièvre ne put achever. Au milieu des champs, il roula à terre ; le sang lui sortait par le cou, et il expira sur place. Le hérisson prit le Louis d’or qu’il avait gagné, il appela sa femme et tous deux rentrèrent très contents chez eux, et, s’ils ne sont morts depuis, ils vivent encore.
C’est ainsi que le hérisson courut si bien qu’il fit mourir le lièvre à la peine, et depuis ce temps-là, aucun lièvre ne s’est avisé de défier à la course un hérisson.
La morale de cette histoire, c’est d’abord que nul, si important qu’il s’imagine être, ne doit s’aviser de rire aux dépens d’un plus petit, fût-ce un hérisson ; et, secondement qu’il est bon, si vous songez à prendre une femme, de la prendre dans votre condition et toute semblable à vous. Si donc vous êtes hérisson, ayez bien soin que votre femme soit hérissonne, et de même pour toutes les espèces.
Source : Contes choisis des frères Grimm. Contes fantastiques et contes facétieux.
31 mai 2009
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