JOURNAL INFO SOIR du 26-02-2007
Histoire
Le devoir de mémoire
Par Idir Ammour
Intervention n «Entre histoire et mémoire» est l’intitulé de la conférence animée jeudi au CCF, par François Dosse, historien à l’institut d’histoire du temps présent et au centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines.
«Tous les pays ont, à un moment ou à un autre, une histoire commune dont témoignent aujourd’hui les hommes, on y trouve des influences multiples,» a, d’emblée, souligné le conférencier.
L’histoire «exige des passagers du présent que nous sommes, et en premier lieu les historiens, d’assumer et de transmettre la mémoire nationale lorsque se rompt le temps des témoins, or, ce devoir de mémoire rappelle à l’histoire sa fonction civique, de participer à la construction puis à la transmission de la mémoire sociale», explique-t-il, enchaînant que «l’histoire de la mémoire est impérative et doit bénéficier de tout l’apport critique du métier d’historien, si l’on veut éviter les pathologies d’une mémoire souvent aveugle, la connexion est devenue forte entre histoire et mémoire, à la faveur de ce rapprochement, l’historien n’a pas de monopole, les modes d’élaboration d’un grand traumatisme et les modes de transmission de la mémoire collective sont multiples», précise François Dosse. A cet égard, le conférencier signale d’ailleurs (avec ironie) que «l’histoire est trop sérieuse pour être laissée aux historiens».
«L’histoire de la mémoire est particulièrement exposée à la complexité par sa situation centrale, alors il appartient à l’historien, à son devoir de mémoire, au contrat de vérité de discipline à laquelle il s’inscrit», dit-il. «Il y a un degré d’insomnie et de rumination, le sens historique au-delà duquel l’être vivant se trouve ébranlé est finalement détruit, qu’il s’agisse d’un individu, d’un peuple ou d’une civilisation, mais l’oubli des avènements traumatiques peut aussi avoir, pour effet, leur retour sous la forme de spectres, qui peut se manifester de manière dangereuse là où on ne l’attend pas, pouvant être à l’origine de violences apparemment incongrues.»
«La fonction de ceux qui vont encadrer ces mémoires a, pour tâche, de ressaisir les limites fluctuantes entre les possibles du dit et du non- dit, et de faciliter ainsi le travail des individus, les mémoires collectives comme les mémoires individuelles sont sujettes à de multiples contradictions, tensions et reconstructions», nous explique François Dosse.
Il défend avec fermeté le devoir de la dette des générations présentes vis-à-vis du passé, source de l’éthique et de responsabilité. «La fonction de l’histoire reste donc vive», dit-il en ajoutant que «la construction encore à venir d’une histoire sociale de la mémoire permettrait de penser, ensemble, ces deux exigences, une mémoire soumise à l’épreuve critique de l’histoire ne peut plus viser à la fidélité sans être passée au crible de vérité» conclut-il.
I. A.
30 mai 2009
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