L’âne et le cheval (8e partie et fin)
Résumé de la 7e partie n L’ânon et le cheval étaient malheureux de voir que leurs parents ne voulaient pas les reconnaître ou feignaient de le faire.
Ils s’intéressaient chaque jour davantage à leur métier, à leur condition d’animaux domestiques et ils trouvaient naturel d’être roués de coups par les maîtres.
— Ce matin, disait le cheval, je me suis fait cingler les jambes, et je ne l’avais pas volé. Jamais je n’avais été aussi étourdi.
— Moi, disait l’ânon, c’est toujours la même chose. Je me suis fait rosser pour avoir été trop têtu. Il faudra pourtant que je me corrige.
Ils ne jouaient plus à la poupée et n’auraient pas compris qu’on pût en faire un jeu. Maintenant, ils voyaient venir le dimanche presque sans plaisir. Les jours de repos leur paraissaient d’autant plus longs qu’ils n’avaient pas grand-chose à se dire. Leur meilleure distraction était de disputer s’il était plus harmonieux de braire ou de hennir. A la fin, ils en venaient aux injures et se traitaient de bourrique et de canasson.
Les parents étaient contents de leur cheval et de leur ânon. Ils disaient n’avoir jamais vu des bêtes aussi dociles et se félicitaient de leurs services. De fait, le travail de ces animaux les avait enrichis et ils s’étaient acheté chacun une paire de souliers.
Un matin de très bonne heure, le père entra dans l’écurie pour donner l’avoine à son cheval, et il fut bien étonné. Couchées sur la paille, à la place des deux animaux, il y avait deux petites filles, Delphine et Marinette. Le pauvre homme n’en pouvait croire ses yeux et pensait à son bon cheval qu’il ne verrait plus. Il alla informer la mère et revint avec elle à l’écurie pour prendre les deux petites et, tout endormies, les porter dans leurs lits.
Quand Delphine et Marinette s’éveillèrent, il était grand temps de partir pour l’école. Elles semblaient ahuries et ne savaient presque plus se servir de leurs mains. En classe, elles ne firent que des bêtises et répondirent de travers. La maîtresse déclara n’avoir jamais vu d’enfants aussi bêtes et leur mit à chacune dix mauvais points. Ce fut une triste journée pour elles. En voyant ces mauvaises notes, les parents, qui étaient d’une humeur de dogue, les mirent au pain sec et à l’eau.
Heureusement, les petites ne furent pas longues à reprendre leurs habitudes. Elles travaillèrent très bien en classe et ne rapportèrent que des bons points. A la maison, leur conduite n’était pas moins exemplaire, et, à moins d’être injuste, il n’y avait pas moyen de leur faire un reproche. Les parents étaient maintenant bien heureux d’avoir retrouvé les deux petites filles qu’ils aimaient si tendrement, car c’étaient, au fond, d’excellents parents.
D’après Marcel Aymé
Les contes bleus du Chat perché
30 mai 2009
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