L’éléphant (4e partie)
Résumé de la 3e partie n Au milieu du jeu, Delphine, dans le rôle du commandant de navire, demande aux animaux d’exprimer un désir…
Justement, répondit le chat. J’aimerais bien avoir un bol de lait.
— Inscrivez : un bol de lait pour le chat.
Tandis que Marinette notait sur son carnet la réclamation du chat, l’éléphant entrouvrit tout doucement la porte avec sa trompe et jeta un coup d’œil dans l’Arche. Ce qu’il aperçut le réjouit et il eut hâte de se mêler à ces jeux. Delphine et Marinette lui tournaient le dos et, pour l’instant, nul ne regardait de son côté. Il pensa avec plaisir à l’étonnement des petites quand elles le découvriraient. Bientôt, la revue des passagers fut presque terminée et, comme elles arrivaient auprès de la vache qui ne cessait pas d’examiner le contenu du buffet, il ouvrit largement la porte et dit, avec une grande voix qu’il ne connaissait pas :
— Me voilà…
Les petites n’en croyaient pas leurs yeux. De stupéfaction, Delphine demeura muette un moment, et Marinette laissa échapper son carnet. Elles doutaient maintenant que l’Arche fût un jeu et étaient bien près de croire au déluge.
— Eh ! oui, dit l’éléphant, c’est moi… Est-ce que je ne suis pas un bel éléphant ?
Delphine se retint de courir à la fenêtre, parce qu’elle était tout de même le capitaine et qu’il ne lui convenait pas de laisser paraître son affolement. Elle se pencha sur Marinette et la pria tout bas d’aller voir si le jardin n’avait pas disparu sous les eaux. Marinette s’éloigna vers la fenêtre et murmura au retour :
— Non, tout est bien en place. C’est à peine s’il y a quelques flaques d’eau dans la cour.
Cependant, les bêtes s’inquiétaient un peu à la vue de l’éléphant qui leur était inconnu. Le cochon se mit à pousser des hurlements qui menaçaient de semer la panique parmi ses compagnons. Delphine prononça sévèrement :
— Si le cochon ne se tait pas immédiatement, je le fais jeter à la mer… Bon. Et maintenant, je dois dire que j’ai oublié de vous parler de l’éléphant qui voyage avec nous. Veuillez bien vous serrer encore un peu et lui faire une place dans l’Arche.
Intimidé par la fermeté du capitaine, le cochon avait aussitôt cessé ses cris. Toutes les bêtes se tassèrent les unes sur les autres, afin de laisser le plus de place possible à leur nouveau compagnon de voyage. Mais quand l’éléphant voulut entrer dans la cuisine, il s’aperçut que la porte n’était ni assez haute ni assez large pour lui permettre le passage, il s’en fallait d’au moins une fois et demie.
— Je n’ose pas forcer, dit-il, j’aurais peur d’emporter le mur avec moi. C’est que je suis fort…, je suis même très fort…
— Non, non, s’écrièrent les petites, ne forcez pas ! vous jouerez depuis la chambre.
Elles n’avaient pas encore pensé que la porte était trop petite et c’était une nouvelle complication qui avait de quoi les effrayer. Si l’éléphant avait pu sortir, les parents auraient été assez surpris de le voir rôder autour de la maison, car cette espèce d’animal n’existait pas au village. (à suivre…)
D’après Marcel Aymé
Les contes bleus du Chat perché
30 mai 2009
Non classé