Les cygnes (2e partie)
Résumé de la 1re partie n Le petit chien, orphelin, demande de l’aide aux deux fillettes pour être à l’heure du rendez-vous. Mais, elles n’avaient pas oublié les mises en garde de leurs parents.
Apercevant une libellule, le petit chien blanc se dressa brusquement sur ses pattes, se mit à sauter et à aboyer, fit trois tours sur lui-même, se roula dans l’herbe et finit par se coucher essoufflé et la langue pendante.
— Vous voyez, dit-il après avoir repris son souffle, je viens encore de m’amuser. C’est plus fort que moi, je ne peux pas m’en empêcher. Vous comprenez, je suis petit. Alors, je m’amuse presque à chaque pas, sans même le faire exprès. Ce n’est pas pour m’avancer. Ah ! vraiment, je n’ai pas beaucoup d’espoir d’arriver. Autant dire que je n’y compte pas. Si j’avais de grandes jambes comme les vôtres, bien sûr… Le petit chien blanc paraissait tout triste. Delphine et Marinette se regardaient et regardaient aussi la route qui était maintenant très loin derrière elles.
— Petit chien, dit enfin Delphine, si je te portais jusqu’au rendez-vous des enfants perdus, crois-tu que tu arriverais assez tôt ?
— Oh ! oui, dit le petit chien blanc, vous pensez, avec vos grandes jambes !
— Alors, partons tout de suite. En marchant bien, nous serons vite revenues. Et où est-il, ton rendez-vous ?
— Je ne sais pas, je n’y suis jamais allé. Mais vous voyez cette pie qui vole devant nous, là-bas ? c’est elle qui me montre le chemin. Vous pouvez la suivre sans crainte. Elle nous conduira juste à l’endroit.
Delphine et Marinette se mirent en route, chacune à son tour portant le petit chien blanc. La pie volait devant elles, se posant parfois bien en vue au milieu d’un pré ou d’un sentier, et reprenant son vol pour se poser plus loin. Le petit chien blanc s’était endormi dès le départ dans les bras de Delphine. Il ne s’éveilla que deux heures plus tard, comme on arrivait au bord d’un grand étang. La pie vint se poser sur l’épaule de Marinette et dit aux deux petites :
— Mettez-vous là, près des roseaux, et attendez qu’on vienne vous chercher. Allons, bonne chance et adieu.
La pie envolée, les petites regardèrent autour d’elles et virent qu’elles n’étaient pas seules. Sur la rive, des groupes de jeunes animaux étaient assis dans l’herbe et il en arrivait à chaque instant.
Il y avait des agneaux, des chevreaux, des marcassins, des chatons, des poussins, des canetons, des roquetons, des lapins et bien d’autres espèces. Fatiguées par leur longue marche, les petites s’étaient assises à leur tour et Delphine commençait à somnoler, lorsque Marinette s’écria :
— Regarde là-bas, les cygnes !
Delphine ouvrit les yeux et vit, à travers les roseaux, deux grands cygnes nager sur l’étang vers une île où abordaient d’autres cygnes et chacun portait sur son dos un lapin. Plus loin, deux autres cygnes tiraient un radeau fait de branches et de roseaux, sur lequel était assis un jeune veau qui poussait des cris de frayeur. Et sur toute la surface de l’étang, c’était un continuel va-et-vient des grands oiseaux blancs. Les petites ne se lassaient pas d’admirer. Tout à coup, auprès du buisson où elles étaient assises, un cygne sortit des roseaux et vint droit sur elles. Il eut un regard sévère et demanda d’une voix sèche :
— Enfants perdus ?
— Oui, répondit Marinette en montrant le petit chien blanc couché sur ses genoux.
Tournant la tête, le cygne fit entendre un long sifflement et presque aussitôt s’avancèrent deux autres cygnes qui tiraient un radeau. (à suivre…)
D ’après Marcel Aymé
Les contes bleus du Chat perché
30 mai 2009
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