Les poltrons
Deux hommes étaient si peureux qu’on avait fini par les chasser de leur village. Ils s’étaient alors installés ensemble dans une case qu’ils avaient construite en pleine brousse.
Ils avaient aussi défriché un grand terrain qu’ils cultivaient pour se nourrir.
Un jour, ils eurent besoin de changer les manches de leurs outils. Ils partirent donc à la recherche d’un grand arbre. Ils marchèrent longtemps avant d’en trouver un qui leur convînt.
— Les racines de cet arbre nous fourniront ce que nous cherchons, dit enfin l’un des deux hommes à son camarade. Tu vas monter dans l’arbre et surveiller les alentours pendant que je creuserai. Si tu aperçois le moindre danger, fais-moi signe.
— Oui, répondit l’autre. Si de ton côté tu vois quelque chose, préviens-moi vite.
Le guetteur grimpa dans l’arbre et celui qui devait creuser se mit à l’ouvrage. Au bout d’un moment, il vit plusieurs racines. Elles étaient si longues et si droites qu’il s’écria :
— Oh ! En voici plusieurs !
En l’entendant, le guetteur crut à un danger. Il sauta de l’arbre et prit ses jambes à son cou. Lorsqu’il le vit s’enfuir, son camarade abandonna sa pioche et le suivit. Tous deux coururent comme des forcenés et ne s’arrêtèrent qu’après avoir parcouru plusieurs kilomètres.
— Qu’as-tu donc aperçu ? demanda alors le guetteur à son camarade.
— Rien, répondit l’autre. Je n’ai pris la fuite qu’après t’avoir vu sauter de l’arbre.
— C’est bien toi qui as donné l’alerte ! insista le guetteur. Je t’ai, entendu crier.
— Je n’ai poussé qu’un cri de joie au moment où j’ai trouvé plusieurs racines comme celles que nous cherchions.
— C’est justement ce cri qui m’a effrayé, dit le guetteur.
— Quant à moi, reprit l’autre, j’ai cru à un réel danger lorsque je t’ai vu prendre la fuite. Et je t’ai suivi.
Quel est le plus peureux des deux ?
Contes du Niger Jean Muzi
29 mai 2009
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