La naissance du fleuve (1re partie)
Une vieille femme trouva un jour un petit veau. Elle le recueillit et le nourrit. Le veau grandit et devint un énorme taureau.
Un boucher proposa alors à la vieille femme de lui acheter l’animal.
— Il n’est pas à vendre, déclara-t-elle.
Mécontent, le boucher se rendit chez le roi.
— Une de mes voisines, lui dit-il, possède un taureau si beau que toi seul peux prétendre à le manger.
Le roi donna l’ordre à cinq serviteurs d’accompagner le boucher et de ramener rapidement l’animal.
Arrivés chez la vieille femme, les six hommes dirent à celle-ci :
— Le roi nous envoie pour prendre ton taureau.
— Je ne puis m’opposer à la volonté royale, répondit-elle. Prenez-le donc ! Les six hommes s’approchèrent du piquet auquel était attaché le taureau. Lorsqu’il les aperçut, l’animal baissa la tête et, cornes en avant, les chargea. Les hommes reculèrent, effrayés.
— Dis à ton taureau de se calmer, supplièrent-ils.
La vieille femme parla à l’animal qui se laissa passer une corde au cou. Et il fut emmené.
De retour chez le roi, les six hommes obligèrent le taureau à se coucher sur le flanc. Ils lui lièrent les pattes afin de l’empêcher de se débattre. Puis le boucher prit son couteau pour l’égorger. Mais le couteau, pourtant très aiguisé, n’entama même pas la peau de l’animal. Le taureau possédait le pouvoir de résister aux métaux les plus tranchants. Furieux, le boucher demanda aux hommes qui l’avaient accompagné d’aller chercher la vieille femme.
— Dis à ton taureau de se laisser égorger, si tu ne veux pas être punie par le roi, conseilla-t-il à la femme dès qu’elle fut arrivée.
Elle s’approcha de l’animal et lui parla. Le boucher parvint alors à égorger le taureau. Il l’écorcha ensuite, le dépeça et apporta toute la viande au roi, qui lui ordonna de remettre la graisse de l’animal à la vieille femme. Elle la mit dans un panier qu’elle emporta. Arrivée chez elle, elle n’eut pas le courage d’utiliser cette graisse. Elle s’était tant attachée au taureau qu’elle ne put se résoudre à en manger le moindre morceau.
La vieille femme n’avait pas d’enfants. Elle vivait seule et devait faire elle-même son ménage malgré son âge avancé. Or, depuis la mort de son taureau, chaque fois qu’il lui arrivait de s’absenter, elle retrouvait sa case balayée.
Intriguée, elle voulut savoir qui lui rendait ainsi service. Un matin, elle sortit et se cacha non loin de sa case pour observer ce qui se passerait. Au bout d’un moment, elle entendit du bruit. Elle approcha lentement de l’entrée de sa case et fit brusquement irruption à l’intérieur. Elle se trouva nez à nez avec une jeune fille. Surprise, celle-ci tenta de rejoindre le panier contenant la graisse du taureau. Mais la vieille femme l’en empêcha.
— Que fais-tu donc dans ma case ? lui demanda-t-elle.
— Je nettoie, répondit la jeune fille. Mais laisse-moi rejoindre le panier.
— Non ! dit la femme.
Elle saisit le panier et s’aperçut qu’il était vide. Elle comprit alors que la graisse du taureau s’était transformée en jeune fille. Afin que cette dernière conserve son apparence, la vieille femme détruisit le panier. Et elle adopta la jeune fille qui vécut près d’elle. (à suivre…)
Contes du Niger Jean Muzi
29 mai 2009
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