L’ogre et la femme infidèle (3e partie et fin)
Résumé de la 2e partie n Le cheval, son fidèle compagnon, galopa jusqu’à la maison de la vieille femme. Elle reconstitua le corps démembré du prince et consacra de longues journées, pour le faire revenir à la vie.
Son dévouement et ses efforts ne furent pas vains, car peu à peu le prince Ahmed revint à la vie, reprenant doucement ses esprits et ses forces. Au bout de quelque temps, il se rétablit tout à fait et retrouva toute son habileté guerrière.
Un jour, il s’affubla en Boussaâdia (1), s’équipa d’une besace et d’un tambourin, dissimula un poignard sous ses vêtements et prit la route en direction du château. Il s’arrangea pour n’y arriver qu’avec le coucher du soleil. Lorsqu’il fut devant le château, l’ogre et la femme prenaient le frais sur la terrasse. Le prenant pour un authentique musicien, la femme lui souhaita la bienvenue et l’engagea à jouer pour elle et son mari, l’ogre.
Le faux musicien fit résonner son tambourin avec ardeur ; il chanta, dansa et ses spectateurs s’en trouvèrent au comble du ravissement. Pour l’en remercier, on lui offrit de passer la nuit au château.
Le prince Ahmed fut introduit dans le vestibule du château où, après lui avoir servi quelques nourritures, la femme lui apporta une natte sur laquelle il s’allongea, feignant de sombrer aussitôt dans un profond sommeil. Mais, quand la nuit fut bien avancée, il se leva tout doucement, armé de son poignard, et subrepticement se glissa dans la pièce où sa cousine et l’ogre dormaient à poings fermés. La pièce était faiblement éclairée par une bougie et l’ogre reconnaissable à ses ronflements. Ahmed s’approcha de sa tête et d’un geste précis lui enfonça dans la gorge la lame du poignard. Il trancha les chairs avec vivacité et la tête se détacha du cou. Le sang gicla violemment et la couche conjugale en fut entièrement inondée. Détrempée, la femme se réveilla en sursaut. Se croyant une fois de plus victime des fâcheux oublis nocturnes de son époux, elle marmonna des insultes à l’adresse de ce dernier :
— Imbécile d’ogre, tu n’as pas honte de m’arroser de ton urine, chaque nuit ? Réveille-toi et va te soulager au-dehors.
Comme l’ogre ne bronchait pas, la femme, excédée, se tourna vers lui, bien décidée à le rudoyer, et sa main tomba sur le cou gluant, séparé de la tête. Elle poussa un cri d’effroi et, regardant autour d’elle, aperçut le prince Ahmed, à présent débarrassé de son accoutrement de Boussaâdia. Sa surprise ne dura qu’un instant. Elle bondit hors de sa couche et, feignant la joie de retrouver son cousin, partit dans un long youyou pour saluer son retour. Elle ouvrit les bras pour l’étreindre, mais Ahmed la repoussa avec violence. Après quoi, il l’attacha avec une corde, puis alluma un grand feu et se mit en devoir de lui faire manger sa propre chair qu’il faisait griller et saler abondamment. Ainsi périt donc la perfide cousine.
Sa soif de vengeance apaisée, le prince Ahmed retourna auprès de sa mère adoptive. Il continua à s’adonner au plaisir de la chasse et vécut heureux.
1. Musicien, chanteur et danseur itinérant.
29 mai 2009
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