Eléphant et Grenouille vont faire la cour aux belles a cheminée (3e partie et fin)
Résumé de la 2e partie n M. Grenouille s’en va sur le dos de M. Eléphant pour soi-disant rétablir la réalité auprès des belles qu’ils courtisent…
Et là, bien droit, les rênes en main, il s’est écrié aussitôt :
— Ah, voilà qui est mieux ! Beaucoup mieux ! Tu n’as pas idée, vieux frère, de la différence que ça peut faire.
Ils sont repartis d’un bon pas.
Mais ils n’avaient pas fait une lieue que tout à coup Grenouille s’est mis à mouliner des bras comme s’il avait perdu la raison.
— Nom d’une panthère, vieux frère, nous traversons une nuée de moustiques ou quoi ? Jamais autant vu de ces sales bêtes ! Laisse-moi me tailler une badine, ou elles vont nous dévorer vivants !
Une fois de plus, ce bon Eléphant a mis le genou à terre. Grenouille s’est laissé glisser en bas, il s’est traîné jusqu’à un buisson. Là, il s’est taillé une badine, et l’a fait siffler dans les airs en regagnant le dos de son compère.
Tout le restant du trajet, Grenouille a tenu les rênes bien lâches et ne s’est guère servi de sa badine. Ils sont arrivés bientôt à la lisière de la brousse. Là-bas, derrière le fromager, se dressait la case des demoiselles.
— Et maintenant, a dit l’éléphant, ouste, moucheron ! Descends de là, nous arrivons.
Mais Grenouille a fait la sourde oreille. Bien pis, au lieu de descendre, il a tiré un bon coup sur les rênes. Fou de douleur, la bouche en feu, Eléphant a lancé une ruade, a piqué du nez en avant. Mais Grenouille tenait bon ; il a seulement tiré un peu plus fort. Eléphant est parti au galop.
Les demoiselles, à ce remue-ménage, ont couru sur le pas de la porte. Juste à temps pour voir passer, sur le dos de l’éléphant, M. Grenouille tout fringant, les rênes dans une main, la badine dans l’autre.
Sitôt passé la maison, Grenouille a tiré sur une rêne d’un coup sec et l’éléphant a fait volte-face pour repartir au grand galop. Ils sont repassés devant la maison, et les demoiselles ont applaudi. Jamais encore elles n’avaient vu si fier cavalier, ni monture aussi guillerette. Et l’éléphant fonçait, fonçait, tête baissée, sur le sentier d’où il était venu. Comme ils passaient sous des branches basses, hors de la vue des demoiselles, Grenouille a lâché les rênes pour empoigner une liane au passage. Il s’est hissé dans la feuillée, en coassant à son ami :
— Allez, salut, mon brave baudet ! Au revoir et merci, c’était une belle balade ! Alors Eléphant s’est rué sur les arbres, pour les secouer à grands coups de trompe. Il les a secoués, malmenés, battus. Il a tordu les troncs, brassé les feuillages, fait descendre une pluie de bananes, de figues, de mangues, de noix de coco… Il n’a pas fait descendre Grenouille. Il a fini par renoncer. Sur le chemin du retour, les oiseaux chantaient, mais Eléphant avait le cœur lourd. Il entendait comme s’il y était les demoiselles répéter entre elles : «C’était donc vrai. La pure vérité. Grenouille est un grand cavalier, Eléphant est sa monture.»
Voilà, mon conte est terminé. Qu’il vous fasse rire ou soupirer, je n’ai rien à y ajouter.
Contes d’Afrique noire Ashley Bryan
29 mai 2009
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