Eléphant et Grenouille vont faire la cour aux belles (2e partie)
Résumé de la 1re partie n Monsieur Grenouille traite son ami Eléphant de baudet auprès des belles que tout les deux courtisent…
Alors Eléphant a vu rouge. Il a fulminé, tempêté, il est parti en fouettant de la queue. Les rires des demoiselles l’ont escorté loin dans la brousse ; il se sentait petit, tout petit, bien plus petit que Grenouille.
Le lendemain matin, il est parti à la recherche de son ami. Il l’a cherché partout, partout, et pour finir il l’a trouvé qui batifolait dans le fleuve. Grenouille l’a appelé, tout joyeux :
— Hé, salut, vieux ! Viens, elle est bonne ! On fait la course ?
Mais Eléphant n’a pas pipé. Il a allongé la trompe et tiré Grenouille hors de l’eau. Et il l’a laissé tomber. Flop ! dans les herbes. Il a penché vers lui son grand front et lui a dit sans bégayer, encore tout frémissant de colère :
— Dis voir un peu, microbe ! C’est vrai que tu as raconté aux filles que je te servais de baudet ?
Grenouille a sauté sur ses pieds.
— Quoi, quoi ? Qu’est-ce que tu me chantes là ? Eh, calme-toi, vieux, calme-toi ! (Il s’avançait, poings en avant, l’air menaçant.) Répète un peu, voir ! On n’accuse pas les gens comme ça, quoi ! Eléphant a reculé d’un pas. Son ami l’impressionnait. Il a voulu arranger les choses.
— Bon, bon, ça va, demi-portion. Mais c’est ma bien-aimée. Elle a dit que tu avais juré que je tenais lieu de baudet !
— Quelle idée ! C’est de la folie. Tiens, viens avec moi, vieux frère ! Allons de ce pas remettre les choses au point.
Grenouille est parti en avant, mais il s’est bientôt retrouvé à la traîne. Eléphant était pressé d’aller régler l’affaire, mais d’un autre côté, ce n’était pas la peine d’arriver là-bas seul. Alors il a marqué le pas pour attendre Grenouille.
— Alors, quoi, moustique, tu te dépêches ?
Grenouille l’a rattrapé enfin, traînant la patte, à bout de souffle.
— Oooh, cette piste ! Et j’ai dû me prendre une écharde dans le pied. Ma pauvre patte ! Elle n’en peut plus. Pas question de te suivre, vieux. Je rentre à la maison, il faut que je me soigne.
— Hein, quoi ? a tonné l’éléphant. Tu ne vas pas renoncer maintenant, moucheron ! Ecoute, les filles vont te le soigner, ton pied. Dès que notre affaire sera réglée. Allez, tiens, grimpe sur mon dos. Au moins, nous arriverons ensemble. Il n’y en a plus pour longtemps.
— Oh, merci, vieux, tu es bien brave, mais je ne voudrais pas abuser. Si je te pèse un tant soit peu…
— Ne dis donc pas de bêtises.
Alors Grenouille n’a fait qu’un bond sur le dos de l’éléphant.
Le dos d’un éléphant, c’est large – le grand confort pour voyager – et la piste ne cahotait guère. Pourtant Grenouille ballottait de-ci, de-là, et il lançait les pattes en tous sens comme pour se retenir de tomber. Bientôt il a crié dans l’oreille de son ami :
— Vieux frère ! Eh, vieux frère ! A ce train-là, ce n’est pas seulement mal à une patte que j’aurai en arrivant, mais mal partout, si je suis encore de ce monde ! Il me faudrait des rênes, que je puisse m’y cramponner !
Eléphant a fait halte, il s’est agenouillé, Grenouille a sautillé à terre. Eléphant était pressé, il a aidé son ami à arracher trois longues lianes à un vieux figuier banyan. Grenouille a tressé les lianes pour en faire une bonne corde, qu’il a passée comme un mors en travers de la bouche de l’éléphant. Après quoi, toujours boitillant, il est remonté sur son dos. (à suivre…)
Contes d’Afrique noire Ashley Bryan
29 mai 2009
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