Le système du récit, outre le couple de base passé simple / imparfait, utilise quatre autres temps principaux de l’indicatif : le plus-que-parfait, le passé antérieur, le conditionnel présent, le conditionnel passé — on peut ne pas considérer le conditionnel comme un mode. On peut ajouter à cette liste les temps du subjonctif.
Le temps de base du discours est le présent, accompagné surtout du passé composé et du futur simple ou périphrastique (Je vais vous raconter comment…) ; on peut y trouver tous les autres temps sauf le passé simple. Le discours ne perd jamais le contact avec le temps de référence que constitue l’énonciation.
Discours |
Histoire |
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Temps verbaux |
Présent Passé composé |
Passé simple (i.e. l’aoriste de Benveniste) |
Imparfait |
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Futur | Conditionnel (comme temps : futur dans le passé) | |
Personnes |
Première personne Deuxième personne |
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Troisième personne |
||
Adverbes |
Ici, maintenant etc. (déictiques référant à la situation d’énonciation) | Là, alors, ce jour-là etc. (non déictiques) |
Valeur de temps et valeur aspectuelle
L’usage des temps verbaux permet de situer le procès, c.a.d. l’action exprimée par le verbe, dans une époque donnée — le passé, le présent, le futur — par rapport au moment de l’énonciation ; mais la conjugaison exprime aussi des valeurs d’aspect : elle indique ainsi comment le locuteur envisage le déroulement du procès.
Par exemple, les temps du passé comme le passé simple, l’imparfait ou le passé composé désignent tous les trois des faits passés au moment où l’on parle, ils renvoient à la même strate temporelle, mais selon le temps mobilisé la manière de considérer les faits passés diffère.
De même, un futur simple (Je travaillerai.) et un futur antérieur (J’aurai travaillé.) représentent deux temps verbaux différents, si l’on prend le mot « temps » au sens de série grammaticale ou morphologique, mais ces deux « temps » évoquent une même période ou époque, celle d’un futur, à venir au moment où l’on parle. La différence exprimée par leur emploi ne touche donc pas l’époque mais bien l’aspect : le futur simple indique un futur non accompli et le futur antérieur un futur accompli ou achevé. On notera bien qu’une action présentée comme accomplie n’est pas forcément une action passée
Cette distinction accompli / non accompli est opérée dans tous les modes par l’opposition des formes simples et des formes composées, qu’elles soient construites avec l’auxiliaire être ou avoir et le participe passé. L’accompli envisage le procès comme achevé au moment de l’énonciation ou de la narration ; l’inaccompli l’envisage comme encore en cours.
Tous les temps composés ou surcomposés en français sont ainsi des accomplis, mais
- Le passé composé est un accompli du présent : le procès est envisagé comme accompli par rapport au moment présent de l’énonciation.
- Le plus-que-parfait et le passé antérieur sont des accomplis du passé : le procès est envisagé comme accompli, achevé par rapport à un moment du passé plus récent.
- Le maître avait terminé son travail quand les enfants arrivèrent.
- Il avait terminé son déjeuner comme les élèves arrivaient.
- Lorsque les élèves arrivèrent, le maître était déjà sorti.
- Il partit lorsqu’il eut fini son travail.
Le plus-que-parfait note ainsi une action achevée et exprime l’antériorité par rapport au passé simple ou l’imparfait. Utilisé seul, il note une action achevée et la présente dans sa durée :
- La ville avait changé. Il ne reconnaissait plus son quartier natal.
À l’inverse, l’imparfait a plutôt tendance à fonctionner comme un inaccompli, puisque l’idée d’achèvement est étrangère à sa valeur aspectuelle.
- Le maître terminait son travail quand les enfants arrivèrent.
- Les enfants arrivèrent. Le maître terminait son travail.
28 mai 2009
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