Les compagnons du prophète
Abou Abdoullah Salman al-Farisi
Abou Abdoullah Salman al-Farisi (radhia Allahou anhou) était un compagnon particulièrement proche du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Il se démarquait par sa grande dévotion et sa chasteté, de même que par son savoir, sa sagesse et sa bonne compréhension de la religion ; toutes les écoles de pensée islamiques reconnaissent ces qualités chez lui. La déclaration suivante du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) constitue le plus grand témoignage du savoir et de l’intelligence de Salman : « Salman a beaucoup de savoir. »
Une fois, on interrogea Ali (radhia Allahou anhou) au sujet de Salman et il répondit : « Le savoir et la science de Salman sont équivalents à ceux de Louqman, le Hakim (le Sage). ». À une autre occasion, il déclara : « Salman connaît le Premier (i.e. l’Ancien et le Nouveau Testaments) et le Dernier (i.e. le Coran). Son savoir est tel une rivière qui ne tarit jamais. » Enfin, Mouadh bin Jabal al-Ansari (radhia Allahou anhou) conseilla à l’un de ses disciples d’apprendre la religion de quatre personnes, et Salman en faisait partie.
Comme en témoigne l’histoire, Salman était en quête de Vérité dès son plus jeune âge. Longtemps avant la venue de l’islam, habitait à Ji, un village d’Ispahan (en Perse), une famille d’adorateurs du feu. Le chef de ce village était Bou Zakhshan bin Morsalan Abdoul Maleki. Non seulement était-il un important propriétaire terrien et l’administrateur d’un grand temple du feu, mais il avait ses entrées à la Cour du roi de Perse. Bien que son fils unique, Maba, qu’il aimait plus que tout, fût élevé dans du coton, il n’était point un enfant gâté. Il était plutôt doux, calme et obéissant. Il n’aimait pas s’amuser avec les garçons de son âge ; il préférait s’occuper du temple du feu et tout ce qui importait pour lui était de faire en sorte que le feu ne s’éteigne jamais.
Un jour, alors que Bou Zakhsan était occupé à autre chose, il demanda à son fils, Maba, d’aller s’occuper des champs de céréales. Sur le chemin menant aux champs se trouvait une église chrétienne. Et au moment où Maba passait devant, un service religieux avait lieu. Maba entendit une chanson glorifiant Dieu et décida d’entrer dans l’église. Il fut grandement impressionné par la façon dont les chrétiens adoraient Dieu et pensa que leur religion était supérieure à la sienne. Il aborda directement le prêtre de l’église et lui dit : « J’aime beaucoup votre religion et j’aimerais devenir chrétien et abandonner ma religion. » Ils l’acceptèrent volontiers parmi eux et le baptisèrent.
En apprenant la conversion de son fils, Bou Zakhsan devint furieux. L’amour et l’affection qu’il éprouvait pour son fils se changèrent en sévérité et en cruauté ; il retint son fils captif dans une chambre isolée, avec les pieds enchaînés. Mais il était difficile d’arrêter la quête de Dieu qui s’était emparée du cœur de Maba ; il se débrouilla donc pour faire parvenir un message aux chrétiens, leur demandant d’organiser sa fuite en Syrie, ce qu’ils firent de bon cœur.
Arrivé en Syrie, Maba rencontra l’évêque et lui demanda de lui transmettre son savoir sur la chrétienté, car c’était là l’unique but de son voyage. L’évêque lui accorda sa requête et Maba commença donc à vivre avec lui et à apprendre de lui. L’évêque, cependant, était un hypocrite. En apparence, il menait une vie très religieuse, mais en réalité, il n’avait d’autre intérêt que d’accumuler les richesses et de jouir de plaisirs somptueux. Maba eut tôt fait de déceler cette hypocrisie chez l’évêque mais il ne pouvait rien faire ou dire contre lui, car l’évêque était aimé et respecté du peuple ; il était donc risqué pour lui de le démasquer. Mais après la mort de ce dernier, Maba révéla au peuple tout ce qu’il savait et leur montra les nombreuses richesses que l’évêque avait accumulées. Cela enragea les gens à tel point qu’ils allèrent lapider le corps de l’évêque.
Le nouvel évêque que l’on désigna pour remplacer le précédent était un homme véritablement pieux et Maba l’aimait beaucoup. Dans les années qui suivirent, Maba se rendit à quatre ou cinq endroits différents où les hommes du clergé le reçurent à bras ouverts, mais chaque fois, celui avec qui il étudiait décédait peu de temps après son arrivée. Le dernier endroit où se rendit Maba était une ville nommée Amourya. Le vieil évêque d’Amourya était un homme pieux et fort respectable. Il aimait profondément Maba et lui transmis tout son savoir sur la chrétienté. Maba devint un érudit et, comme l’évêque, passait ses journées et ses nuits à prier et à adorer Dieu. Il fit aussi l’acquisition de quelques chèvres dont le lait lui servait de nourriture.
Mais après quelque temps, l’évêque d’Amourya, comme les autres, se trouva à l’article de la mort. Avant de mourir, il dit à Maba : « Ô mon fils, toi qui es en quête du Droit Chemin, le monde se trouve dans un moment critique. Les gens se noient dans le profond océan des péchés et du mal. Je n’ai aucune idée chez qui je devrais t’envoyer maintenant. Mais tu ne dois pas être déçu, car je crois que le moment où le Dernier Messager de Dieu doit apparaître est proche. Il doit apparaître dans le désert d’Arabie et il fera renaître la véritable religion de Dieu. De son lieu de naissance, il émigrera à l’endroit où se trouvent des dattiers en abondance. Entre ses deux épaules, se trouvera le Sceau de la Prophétie. Il acceptera les cadeaux qui lui sont offerts, mais refusera les aumônes, car il les considérera comme illicites pour lui-même. Si tu es encore en vie au moment où ce Prophète apparaîtra, alors tu devras le suivre. » Sur ces mots, l’évêque expira.
Maba partit donc à la recherche du Dernier des Prophètes (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Il apprit qu’une caravane de Banou Kalb passait par Amourya pour se rendre en Arabie. Il alla voir le chef de la caravane et, lui offrant son bétail, lui demanda s’il pouvait voyager avec eux. Le chef accepta et, prenant les vaches et les chèvres qui lui étaient offertes, fit signe à Maba de prendre place parmi eux.
Quand la caravane atteignit Wadioul Qoura, les gens de la caravane, qui étaient malintentionnés, abusèrent de sa confiance et le vendirent à un juif. Maba vécut avec ce juif pendant quelque temps et fut vendu une nouvelle fois à un autre juif qui lui habitait à Yathrib (ancien nom de Médine). À Yathrib, Maba vit qu’il y avait beaucoup de dattiers et il se dit que c’était peut-être là l’endroit où, selon l’évêque d’Amourya, le Dernier Messager de Dieu allait émigrer. Alors il attendit patiemment son arrivée.
Un jour, alors qu’il était entrain de grimper à un dattier dans le jardin de son maître, un juif qui revenait de la ville passa par là et s’écria : « Les gens de la tribu de Qouba se sont pris d’un enthousiasme aveugle pour un homme qui est arrivé de la Mecque et qui prétend être le prophète de Dieu ; ils croient ce qu’il dit et même leurs femmes et leurs enfants y croient. »
Cette incroyable nouvelle provoqua une vive émotion chez Maba. Il avait la certitude que cet homme qui était venu à Yathrib en provenance de la Mecque n’était nul autre que le Dernier Messager de Dieu. Il descendit aussitôt de l’arbre et demanda au juif : « Que se passe-t-il ? »
Voyant sa curiosité, son maître se fâcha et, le giflant au visage, lui dit : « Tu n’as pas à te mêler de ces choses. Va-t-en et mêles-toi de ce qui te regarde. » Maba, cependant, ne tenait plus en place et il était plus que jamais déterminé à rencontrer cet homme qui se disait le Dernier des prophètes d’Allah. Un jour qu’on l’avait envoyé au marché pour acheter de la nourriture, il aperçut le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et lui dit : « Ô l’élu d’Allah, j’ai acheté cette nourriture pour l’offrir en charité aux pauvres, mais ayant appris que toi et tes compagnons êtes des étrangers ici, j’aimerais vous l’offrir et vous prie de l’accepter. »
Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) prit la nourriture que lui tendait Maba, la distribua aux gens qui étaient présents, mais n’en garda pas pour lui-même et n’en mangea pas. Maba pensa alors que le premier signe dont lui avait parlé l’évêque, au sujet du Prophète, s’avérait exact. Mais il lui restait à vérifier les deux autres signes. Un autre jour, Maba alla de nouveau voir le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Ayant apporté de la nourriture avec lui, il la tendit au Prophète et lui dit : « Ceci est un cadeau pour toi. » Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) accepta le cadeau, en mangea un peu et partagea le reste avec les gens autour de lui. Maba comprit que le deuxième signe indiquant que cet homme était le Dernier des prophètes s’avérait exact également. Il lui restait maintenant à voir le Sceau de la Prophétie entre ses épaules. Quelques jours plus tard, lorsque le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) se rendit au cimetière d’al-Baqie pour enterrer un mort, Maba l’accompagna. Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) comprit que ce dernier essayait de voir quelque chose sur son dos, alors il fit intentionnellement glisser sa chemise de ses épaules de façon à ce que Maba puisse voir distinctement le signe de la prophétie entre ses épaules. En l’apercevant, Maba put à peine se retenir d’embrasser ce signe qui confirmait que c’était bel et bien le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) qui se tenait devant lui. Il prononça immédiatement la shahada et devint musulman. Maintenant, il ne s’appelait plus Maba, le Prophète ayant changé son nom pour Salman al-Farisi Alkhair.
Salman (radhia Allahou anhou) avait enfin trouvé la voie de son Créateur. Un grand changement s’opéra dans sa vie. Il n’avait plus qu’un seul désir, c’était de consacrer toute sa vie au service d’Allah et de Son Messager. Malheureusement, cela ne lui était pas possible, car il n’était pas un homme libre. Il était l’esclave d’un juif cruel et il ne lui était pas facile de recouvrer sa liberté. Les batailles de Badr et d’Ouhoud eurent lieu alors qu’il était déjà musulman, mais il ne put y participer. Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), voyant son impuissance, suggéra un jour à Salman de tenter de recouvrer sa liberté en la rachetant au juif. Salman demanda donc au juif combien d’argent il voulait pour sa liberté. Le juif demanda 40 ouqias d’or et lui demanda aussi de planter 300 dattiers sur ses terres. Lorsque le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) fut mis au courant, il dit à ses compagnons : « Vous devriez aider Salman à se libérer du joug d’un ennemi de l’islam. »
Les compagnons du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) acceptèrent de bon cœur et tous se mirent à la tâche de rassembler les plants de dattiers, chacun selon ses capacités ; et c’est ainsi que 300 plants furent rassemblés. Puis, les musulmans, accompagnés du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) lui-même, se rendirent sur les terres du juif et plantèrent eux-mêmes les dattiers. Il ne resta donc plus que les 40 ouqias d’or à payer et c’est le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) qui les paya après avoir reçu de l’or provenant d’un butin de guerre. Salman alla trouver le juif et lui donna l’or ; il était libre. Après avoir recouvré sa liberté, Salman passa la majeure partie de son temps à escorter le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) partout où ce dernier allait, qu’il fût chez lui ou en voyage.
Il aimait profondément le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et c’est pourquoi il désirait passer le plus de temps possible en sa compagnie. De cette façon, il acquit beaucoup de savoir. Aisha (radhia Allahou anha), la mère des croyants, rapporte que parfois, le soir, Salman restait si tard en compagnie du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) que ses femmes (au Prophète) se disaient que le Prophète allait peut-être passer toute la nuit à parler avec lui.
Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) avait aussi beaucoup d’affection pour lui. Il aimait tellement Salman qu’il l’inclut dans sa propre famille. Ibn Abdoul Barr rapporte qu’une fois, le Prophète affirma : « Allah m’a demandé d’aimer quatre personnes parce que Lui-même les aime. » On lui demanda : « Et qui sont ces quatre personnes ? » Il répondit : « Ce sont Ali, Miqdad, Salman et Abou Dharr. »
Un jour, lorsque Salman vint rendre visite au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), il le trouva assis, appuyé sur un coussin. Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) offrit son coussin à Salman et dit : « Salman, si un musulman rend visite à un autre musulman et que ce dernier lui offre son coussin par respect, alors Allah lui pardonne ses péchés. »
Une fois, Salman rendit visite à Omar (radhia Allahou anhou) et ce dernier lui offrit son coussin par respect. Salman, content de ce geste, lui rapporta ce que le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) lui avait dit à ce sujet.
Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) avait donné le titre de « Salman Alkhair » (Salman le vertueux) à Salman et lui avait dit : « Le Paradis aime beaucoup Ali, Ammar et Salman ».
Au cours du mois de Dhul-Qaada de la cinquième année de l’Hégire, le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) fut informé qu’une très grosse armée de polythéistes s’apprêtait à envahir Médine. Il convoqua ses compagnons afin de les consulter sur la façon dont ils devaient s’y prendre pour se défendre contre l’ennemi et triompher de lui. Salman (radhia Allahou anhou), qui connaissait les stratégies de guerre de l’Iran, dit : « Ô Messager d’Allah, numériquement, nous ne faisons pas le poids contre l’ennemi. Il ne serait donc pas sécuritaire, pour nous, de combattre sur un terrain découvert. Dans ces circonstances, il serait préférable que nous creusions des tranchées autour de Médine afin de la protéger contre l’ennemi. »
Cette suggestion plut beaucoup au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) ; les musulmans commencèrent donc à creuser des tranchées autour de la ville. Le Prophète lui-même et près de trois milles de ses compagnons s’attelèrent à la tâche et le travail fut terminé en quinze jours. Les tranchées avaient cinq pieds de largeur et cinq pieds de profondeur. Lors de la distribution du travail, les Mouhadjirin et les Ansar se disputèrent au sujet de Salman, voulant savoir à quel groupe ce dernier devait appartenir. Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) mit un terme à cette dispute en déclarant : « Salman fait partie de ma famille. » Non seulement cette déclaration trancha-t-elle la question, mais elle fit également un grand honneur à Salman. Les polythéistes de la Mecque venaient envahir Médine avec l’intention de détruire une fois pour toutes le siège de l’islam, mais lorsqu’ils virent les tranchées, ils n’osèrent s’en approcher. De plus, Allah créa chez eux une telle détresse et une telle désorganisation qu’ils furent forcés de faire marche arrière sans avoir pu mettre à exécution leurs funestes intentions. Cette bataille est connue dans l’histoire de l’islam comme la Bataille des Ahzab (des coalisés) ou la Bataille de al-Khandaq (des tranchées). Salman (radhia Allahou anhou) participa à toutes les batailles après celle-là.
Comme Salman avait été inclus dans la famille du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), il refusa, à partir de ce jour, toute charité. Durant le règne d’Omar (radhia Allahou anhou), Salman quitta Médine pour l’Iraq où il s’installa de façon permanente. Au moment de l’invasion de l’Iran, il fut inclus dans l’armée musulmane et participa à plusieurs batailles au cours desquelles il combattit vaillamment. Après la conquête de Madayen, Omar nomma Salman gouverneur de Madayen et lui fixa un salaire d’environ cinq milles dirhams qu’il n’utilisa jamais pour ses besoins. En effet, tout ce qu’il recevait comme salaire, il le distribuait aux pauvres et subvenait à ses propres besoins en tissant des matelas ; et même une partie de ce qu’il gagnait ainsi allait aux pauvres. Il prononçait ses sermons vêtu d’un manteau fait d’un tissu des plus ordinaires. Pour se déplacer, il utilisait une ânesse qu’il montait sans selle et il portait toujours une chemise trop courte pour lui. Les gens qui le voyaient riaient de lui. Mais ça lui était égal et il disait : « Vous pouvez bien rire, aujourd’hui, tant que vous le voulez, mais la valeur du vice et celle de la vertu ne seront connues qu’après cette vie. »
Il avait une vieille couverture faite de poils de chameau qu’il gardait sur ses épaules durant le jour et qu’il utilisait pour se couvrir la nuit. Lorsqu’il sortait ainsi accoutré, les gens de Madayen s’écriaient : « Gourg Aamad ! Gourg Aamad ! (le loup arrive ! le loup arrive !). Un jour qu’il passait par un bazar de Madayen, un étranger le prenant pour un ouvrier lui demanda de porter ses bagages. Salman (radhia Allahou anhou) prit les bagages de l’étranger et le suivit. Les gens, en l’apercevant ainsi, portant les bagages d’un autre comme un serviteur, se mirent à dire : « Ô compagnon du Prophète, Gouverneur de Madayen, que t’arrive-t-il ? Pourquoi portes-tu ces bagages sur tes épaules ? Donne-les-nous que nous les portions à leur destination. »
En entendant ces paroles, l’étranger, d’abord abasourdi, fut pris d’une grande honte. S’excusant à Salman, il dit : « Pardonnez-moi, monsieur, je ne vous avais pas reconnu. » Il voulut reprendre ses bagages des mains de Salman, mais ce dernier lui dit : « Mon frère, tu m’as demandé de porter tes bagages, alors laisse-moi les porter jusqu’à l’endroit où tu veux aller. »
Un jour, un homme vint visiter Salman chez lui et le trouva en train de pétrir de la pâte. Il lui demanda : « Où est ton serviteur ? » « Je l’ai envoyé à l’extérieur accomplir un autre travail alors je pétris cette pâte moi-même. » répondit Salman avant de poursuivre : « Je ne crois pas qu’il soit très juste de confier à un homme deux tâches à la fois. »
Une fois, un homme insulta Salman. Ce dernier lui dit : « Mon frère, s’il s’avère que je suis un pécheur, au Jour du Jugement, alors je serai encore pire que ce dont tu m’as traité aujourd’hui. Et s’il s’avère que mes péchés sont beaucoup moindres que ce dont tu m’accuses, et bien ce que tu viens de dire m’importe peu. »
Un de ses amis suggéra un jour à Salman : « Comme tu ne possèdes pas de maison dans laquelle tu puisses vivre, j’aimerais faire construire une maison pour toi. » Mais cette offre ne plut pas à Salman. L’homme, cependant, insista tant que Salman finit par lui dire : « Puisque tu souhaites tellement faire construire une maison pour moi, alors je n’accepterai qu’à la condition que lorsque je dormirai dans la chambre, mes jambes puissent toucher les murs et que lorsque je me tiendrai debout, ma tête touche le plafond. »
Son ami n’eut d’autre choix que de faire construire la maison telle que la voulait Salman. En bref, Salman (radhia Allahou anhou) vécut une vie des plus simples et des plus ordinaires à l’époque où il était gouverneur d’une province. Salman al-Farisi avait épousé une femme de la tribu de Kinda, qui était une tribu très respectable et très riche. Après le mariage, lorsqu’il revint chez lui, le soir, il vit qu’on avait installé de grands rideaux sur les murs. Ne pouvant tolérer un tel luxe, il demanda : « Cette maison souffre-t-elle de la fièvre pour qu’on l’ait couverte de draps ? Ou cette maison est-elle la Kaaba que l’on a transféré de la Mecque à la tribu de Kinda pour être ainsi couverte de draps ? »
Sur ce, il ordonna qu’on enlève tous les rideaux des murs, sauf celui de la porte. Lorsqu’il entra dans la chambre, il la trouva pleine de meubles de grande valeur. « D’où viennent toutes ces choses ? » demanda-t-il. On lui répondit : « Ces choses sont pour toi et ta femme. »
« Mais je n’ai pas besoin de toutes ces choses ! » dit Salman. « Mon maître, le Messager d’Allah, m’a dit : « Ô Salman, tu ne devrais jamais garder avec toi plus de choses qu’un voyageur n’en garde avec lui. »
Une fois, alors qu’en compagnie de ses compagnons il entrait dans une ville après sa conquête, ils virent plusieurs aliments éparpillés çà et là sur la route. Un de ses compagnons, en voyant cela, dit gaiement : « Oh, quelle bénédiction venant d’Allah ! » Salman l’interrompit : « Mon frère, pourquoi es-tu si content ? Crois-tu que nous ne devrons pas rendre des comptes à Allah pour ces choses aussi ? »
Un jour, à l’époque où il était gouverneur, un homme le vit alors qu’il montait une ânesse sans selle et qu’il portait un vêtement rapiécé. L’homme lui demanda : « Ô Amir, comment se fait-il que tu te trouves dans une situation si désespérée ? » « Mon frère, le vrai repos et le véritable confort se trouvent dans la prochaine vie. », répondit Salman.
Cela ne signifie pas que Salman était devenu une sorte de moine ou d’ermite. Il n’allait pas à contre-courant de la société. Son seul but était de suivre le chemin tracé par le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). En effet, ce dernier avait strictement interdit à ses fidèles de se tenir à l’écart de la vie en société et de vivre en solitaire. C’est d’ailleurs pourquoi Salman (radhia Allahou ahnou) détestait la solitude et il interdisait même aux autres de mener une vie solitaire. On rapporte que son frère en islam, Abou ad-Darda al-Ansari, était un fervent croyant qui passait ses jours à jeûner et ses nuits à prier. Sa dévotion prit une ampleur telle que sa femme en devint agacée. Salman vit que la femme d’Abou ad-Darda était malheureuse à cause de l’ascétisme et de l’abstinence démesurés de son mari. Lorsque Abou ad-Darda revint chez lui et trouva Salman qui l’attendait, il lui offrit à manger. Mais Salman lui dit : « Si tu ne manges pas, alors je ne mangerai pas non plus. »
Abou ad-Darda (radhia Allahou anhou) lui répondit qu’il ne pouvait manger parce qu’il jeûnait. Salman garda le silence mais quand, le soir venu, Abou ad-Darda se leva pour prier, Salman se leva également et, l’attrapant par la main, lui dit : « Abou ad-Darda, tout comme tu dois remplir tes devoirs envers Allah, tu dois aussi les remplir envers toi-même et envers ta femme. Rompre le jeûne est nécessaire après avoir jeûné, et dormir est aussi nécessaire après s’être réveillé et avoir fait la prière de la nuit. »
Le matin venu, ils allèrent tous deux voir le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) afin qu’il règle la question. Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) les écouta patiemment tous les deux et dit ensuite à Abou ad-Darda : « Salman a plus de savoir que toi en matière religieuse. »
Après la mort du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), Abou ad-Darda (radhia Allahou anhou) partit pour la Syrie où il s’installa de façon permanente. Il était très heureux là-bas et vivait plutôt à l’aise. Il écrivit à Salman : « Je suis très heureux ici. Allah m’a accordé des richesses et des enfants et je vis dans la terre bénie. » En réponse, Salman écrivit : « Ce n’est pas une vertu que de vivre dans une terre bénie ou d’avoir des enfants et des richesses ; la véritable vertu se trouve dans tes actions qui seules peuvent t’être profitables dans l’au-delà. » Salman tremblait constamment par crainte de l’au-delà et rappelait toujours aux autres leurs responsabilités à cet égard. Il disait : « Je m’étonne de trois types de personnes. Les premières sont constamment à la poursuite des choses d’ici-bas alors que la mort est à leur poursuite. Les deuxièmes sont celles qui ont oublié la mort alors que la mort ne peut les oublier. Et les troisièmes sont celles qui rient tout haut alors qu’elles ignorent si Allah est satisfait d’elles ou non. »
Il disait souvent : « Il y a trois choses dont la pensée m’attriste et m’effraie à la fois : la séparation d’avec mon maître, le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), et d’avec ses compagnons, les tourments de la tombe et le Jour de la Résurrection. »
Il conseillait toujours aux gens d’être humble et leur disait : « Celui qui adopte l’humilité, ainsi qu’une attitude de soumission envers Allah, sera honorable aux yeux d’Allah au Jour de la Résurrection. »
Salman al-Farisi (radhia Allahou anhou) mourut en l’an 35 de l’Hégire, au cours du règne du troisième calife, Othman bin Affan (radhia Allahou anhou). Les historiens diffèrent quant à l’âge auquel il est mort ; certains croient qu’il est mort à l’âge de quatre-vingts ans, alors que d’autres prétendent qu’il serait mort à l’âge de cent cinquante ans.
Saad bin Abi Waqqas (radhia Allahou anhou) vint voir Salman alors que les jours de ce dernier étaient comptés. En le voyant, Salman se mit à pleurer amèrement. « Pourquoi pleures-tu, Abou Abdoullah ? », demanda Saad, « tu devrais plutôt être content, en ce moment, car tu es sur le point d’aller rencontrer le Prophète au Paradis. »
Salman répondit : « Par Allah, je n’ai pas peur de la mort pas plus que je n’ai quelque désir pour ce monde. Je pleure parce que le Prophète m’a fait prêter le serment de ne pas amasser des biens de ce monde et de quitter ce monde les mains vides comme il l’a fait lui-même. Mais maintenant, je me rends compte que certaines choses d’ici-bas se sont accumulées autour de moi. Alors je crains d’être privé de la rencontre avec mon maître. »
Et les choses de ce monde qui faisaient tant pleurer Salman n’étaient autres qu’une casserole, une tasse, un plat et une vieille couverture. Sur son lit, deux briques lui servaient d’oreiller. Il recommanda à Saad et aux autres qui étaient présents de se rappeler Allah à chaque instant et leur dit qu’ils ne devaient pas mourir en gens malhonnêtes, mais qu’ils devaient plutôt faire leur possible pour mourir en accomplissant le Hajj ou en participant au Jihad, ou encore en récitant le Coran.
Par ses actions et par sa pratique religieuse, Salman al-Farisi demeurera toujours une lumière et un guide pour tous les musulmans.
Qu’Allah soit satisfait de lui.
25 mai 2009
Religion