RSS

Le rôle du narrateur

21 mai 2009

Non classé

objectif : la dissertation littéraire  Émile Zola écrit dans Le naturalisme au théâtre :
« [Le roman naturaliste] est impersonnel, je veux dire que le romancier n’est plus qu’un greffier, qui se défend de juger et de conclure. »
Le roman naturaliste que vous avez lu vous permet-il de justifier cette affirmation ?

  • mise en place du sujet : ce propos est constant dans les écrits théoriques de Zola : à l’en croire, le vrai romancier doit se borner à l’observation qui fait la qualité du savant et proscrire de ses œuvres l’imagination qui l’égarerait dans des conclusions menteuses. Le réel porte en lui ses propres leçons, et Zola va jusqu’à remettre en cause les privilèges de la création qui assimilent traditionnellement le romancier au démiurge : l’imagination n’a plus d’emploi, l’intrigue importe peu au romancier, qui ne s’inquiète ni de l’exposition, ni du nœud ni du dénouement ; j’entends qu’il n’intervient pas pour retrancher ou pour ajouter à la réalité, qu’il ne fabrique pas une charpente de toutes pièces selon les besoins d’une idée conçue à l’avance.
    Le libellé du sujet vous invite à examiner la citation à la lumière du roman que vous aurez lu, et la question posée vous oriente vers un plan dialectique où vous aurez soin de nuancer les propos de Zola. Chacun de ses romans pourrait, bien sûr, être utilisé ici puisque Zola a manifesté un attachement invariable à ces principes ; nous choisirons quant à nous, pour cette dissertation, L’Assommoir.

  • position de la problématique : L’impersonnalité souhaitée par Zola est-elle compatible avec l’écriture romanesque ?
  • organisation du plan :

1ère partie : les garants de l’impersonnalité

Le rôle du narrateur puce2 C’est au terme d’enquêtes minutieuses que Zola entreprenait l’écriture de ses romans, et L’Assommoir est nourri d’une observation directe du quartier de La Goutte d’Or à Paris.
puce2  L’utilisation constante du discours indirect libre par le narrateur laisse croire à son absence : les propos des personnages semblent continuer au-delà de leurs échanges. Une voix anonyme qui pourrait être celle du peuple semble être la vraie narratrice du roman.
puce2  L’attitude du narrateur à l’égard de ses personnages se garde de toute appréciation : nulle connivence, aucune trace d’ironie et peu de condamnation morale. Il est difficile de démêler ce qui dans leur histoire en fait tour à tour des victimes ou des coupables. La vie seule, et une certaine logique du milieu auquel ils appartiennent, nous laissent tirer les conclusions qui s’imposent.
puce2  Il arrive souvent que ce soient les personnages qui tirent eux-mêmes la leçon des faits, sans commentaire explicite du narrateur ; ainsi la remarque du docteur à Gervaise : « Vous aussi vous buvez. Un jour, vous finirez comme ça ».
Ainsi Zola réalise pour L’Assommoir le vœu de Flaubert en tant que narrateur : « être présent partout, visible nulle part ».

2ème partie : les exigences de la création romanesque

puce2  Maupassant l’établit clairement dans la préface de Pierre et Jean : le romancier doit nécessairement choisir, faute de pouvoir tout raconter. Il doit aussi retenir des faits multiples de la vie ceux qui seront les plus significatifs. Ainsi, dans L’Assommoir, la chute de Coupeau, le retour de Lantier, la pluie qui force Gervaise à entrer dans le bistrot, sont autant de circonstances par lesquelles le romancier donne « un coup de pouce » au réel.
puce2  La durée romanesque n’est pas celle de la vie. La compression des événements, nécessaire à la narration comme à la lecture, les transforme en histoires et les vies les plus banales en destins. L’art organise un récit démonstratif où le caractère fortuit des événements s’efface au profit d’anecdotes signifiantes (symboles prémonitoires, images de mort).
puce2  L’instruction des faits laisse transparaître le romancier qui les organise et le procès-verbal devient réquisitoire : les maigres salaires, les logements sordides, l’omniprésence du bistrot, l’incapacité de toute réflexion politique ou esthétique due à une extrême ignorance. Parfois la narration ne peut se déprendre de remarques navrées sur l’avachissement de Gervaise.
puce2 Le style de Zola est loin de correspondre à l’idéal du greffier ! (voir supra) Métaphores animistes (l’alambic), grandissements épiques (le repas de Gervaise), personnages mythifiés (Goujet) donnent au roman une puissance imaginative qui ne doit rien au procès-verbal. Même le langage ouvrier est, à bien des égards, une création littéraire.
Les théories de Zola semblent donc bien en-deçà de la richesse de ses œuvres. Mais l’ambition du naturaliste est-elle pour autant un échec ?

3ème partie : « un coin de la création vu à travers un tempérament »

puce2   Zola appréciait la définition du roman proposée par Alphonse Daudet : « un coin de la création vu à travers un tempérament ». Il reconnaissait ainsi la dimension nécessairement subjective de la création romanesque, sans pour autant y voir une entorse aux principes naturalistes :
puce2  Il importe en effet de saisir la différence entre le réel et le vrai (Hugo ainsi disait du théâtre qu’il
« n’est pas le pays du réel : il y a des arbres de carton, des palais de toile, un ciel de haillons, des diamants de verre, de l’or de clinquant, du fard sur la pêche, du rouge sur la joue, un soleil qui sort de dessous terre. C’est le pays du vrai…» (Tas de pierres, III, 1830-1833). Si Zola s’éloigne de la vérité brute du réél, il réussit néanmoins à être vrai, d’une vérité supérieure qui est celle de l’art. Le procès-verbal du greffier serait informe et, pour tout dire, illisible. Le roman prête son ordre et la chair vivante des personnages à la leçon. « Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable », écrit aussi Maupassant, citant Boileau. Ainsi quoi de moins vraisemblable que la visite du Louvre au chapitre III de L’Assommoir ? Zola a vu néanmoins, en baladant son troupeau d’ahuris parmi les chefs-d’œuvre, l’occasion de faire saisir une vérité profonde, qui est leur exclusion  du monde de l’art et de la culture.
puce2  L’ambition humaine et sociale de Zola ne pouvait s’accommoder d’un procès-verbal impassible. Agir sur les milieux, lutter contre leurs déterminismes suppose qu’on ait identifié les causes et qu’on propose des solutions. En ce sens, L’Assommoir a été compris dès sa parution comme un réquisitoire contre l’alcoolisme. C’est la conviction sensible de Zola, sa pitié et sa colère, qui donnent au « document » sa force évocatrice.
puce2 L’Assommoir n’a rien pour autant du pamphlet ni du roman à thèse. C’est qu’il est plus habile de laisser le lecteur découvrir, après lui avoir révélé ce qui importait à la découverte. Il n’appartient pas à l’artiste seul de formuler la conclusion unique mais de donner à connaître la complexité des faits humains et d’aider à suggérer les conclusions simultanées qu’ils commandent.

 

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

Voir tous les articles de Artisan de l'ombre

S'abonner

Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir les mises à jour par e-mail.