« Le mal du siècle ».
« Le classicisme, c’est la santé; le romantisme, c’est la maladie », dit Goethe. Des pâles figures alanguies de poètes lunatiques et de jeunes filles guettées par la phtisie hantent en effet les pages de la littérature romantique. Chateaubriand aperçoit dans ce « vague des passions » un symptôme essentiel du désenchantement propre à une génération dont les «facultés, jeunes actives, entières, mais renfermées, ne se sont exercées que sur elles-mêmes, sans but et sans objet.» (Le Génie du Christianisme). Le mal sera ravageur, inspirant plus tard le spleen baudelairien comme l’ironie flaubertienne.
Alfred de Musset (1810-1857)
La Confession d’un enfant du siècle, II, (1836)
[L’inspiration autobiographique de cette Confession est évidente, Musset y transposant les trois années orageuses vécues avec George Sand. Mais l’intérêt de l’œuvre tient aussi à son essai de psychologie sociale de la jeune génération : «Ils avaient dans le tête tout un monde; ils regardaient la terre, le ciel, les rues et les chemins; tout cela était vide, et le cloches de leurs paroisses résonnaient seules dans le lointain.»]
Trois éléments partageaient donc la vie qui s’offrait alors aux jeunes gens : derrière eux un passé à jamais détruit, s’agitant encore sur ses ruines, avec tous les fossiles des siècles de l’absolutisme; devant eux l’aurore d’un immense horizon, les premières clartés de l’avenir; et entre ces deux mondes… quelque chose de semblable à l’Océan qui sépare le vieux continent de la jeune Amérique, je ne sais quoi de vague et de flottant, une mer houleuse et pleine de naufrages, traversée de temps en temps par quelque blanche voile lointaine ou par quelque navire soufflant une lourde vapeur; le siècle présent, en un mot, qui sépare le passé de l’avenir, qui n’est ni l’un ni l’autre et qui ressemble à tous deux à la fois, et où l’on ne sait, à chaque pas qu’on fait, si l’on marche sur une semence ou sur un débris.
Voilà dans quel chaos il fallut choisir alors; voilà ce qui se présentait à des enfants pleins de force et d’audace, fils de l’Empire et petits-fils de la Révolution.
Or, du passé ils n’en voulaient plus, car la foi en rien ne se donne; l’avenir, ils l’aimaient, mais quoi ! comme Pygmalion Galatée : c’était pour eux comme une amante de marbre, et ils attendaient qu’elle s’animât, que le sang colorât ses veines.
II leur restait donc le présent, l’esprit du siècle, ange du crépuscule qui n’est ni la nuit ni le jour; ils le trouvèrent assis sur un sac de chaux plein d’ossements, serré dans le manteau des égoïstes, et grelottant d’un froid terrible. L’angoisse de la mort leur entra dans l’âme à la vue de ce spectre moitié momie et moitié foetus; ils s’en approchèrent comme le voyageur à qui l’on montre à Strasbourg la fille d’un vieux comte de Sarvenden, embaumée dans sa parure de fiancée : ce squelette enfantin fait frémir, car ses mains fluettes et livides portent l’anneau des épousées, et sa tête tombe en poussière au milieu des fleurs d’oranger.
Comme, à l’approche d’une tempête, il passe dans les forêts un vent terrible qui fait frissonner tous les arbres, à quoi succède un profond silence; ainsi Napoléon avait tout ébranlé en passant sur le monde; les rois avaient senti vaciller leur couronne, et, portant leur main à leur tête, ils n’y avaient trouvé que leurs cheveux hérissés de terreur. Le pape avait fait trois cents lieues pour le bénir au nom de Dieu et lui poser son diadème; mais Napoléon le lui avait pris des mains. Ainsi tout avait tremblé dans cette forêt lugubre de la vieille Europe, puis le silence avait succédé. [...]
Un sentiment de malaise inexprimable commença donc à fermenter dans tous les jeunes cœurs. Condamnés au repos par les souverains du monde, livrés aux cuistres de toute espèce, à l’oisiveté et à l’ennui, les jeunes gens voyaient se retirer d’eux les vagues écumantes contre lesquelles ils avaient préparé leurs bras. Tous ces gladiateurs frottés d’huile se sentaient au fond de l’âme une misère insupportable. Les plus riches se firent libertins; ceux d’une fortune médiocre prirent un état, et se résignèrent soit à la robe, soit à l’épée; les plus pauvres se jetèrent dans l’enthousiasme à froid dans les grands mots, dans l’affreuse mer de l’action sans but. Comme la faiblesse humaine cherche l’association et que les hommes sont troupeaux de nature, la politique s’en mêla. On s’allait battre avec les gardes du corps sur les marches de la chambre législative, on courait à une pièce de théâtre où Talma portait une perruque qui le faisait ressembler à César, on se ruait à l’enterrement d’un député libéral. Mais des membres des deux partis opposés, il n’en était pas un qui, en rentrant chez lui, ne sentît amèrement le vide de son existence et la pauvreté de ses mains. [...]
Qu’on ne s’y trompe pas : ce vêtement noir que portent les hommes de notre temps est un symbole terrible; pour en venir là, il a fallu que les armures tombassent pièce à pièce et les broderies fleur à fleur. C’est la raison humaine qui a renversé toutes les illusions; mais elle porte en elle-même le deuil, afin qu’on la console.
21 mai 2009 à 3 03 29 05295
Questions :
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Par quels procédés différents Musset exprime-t-il le désarroi de cette jeune génération ? En portant votre attention sur les rythmes imposés à la phrase et sur le choix des images, vous caractériserez la prose romantique.
Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup
21 mai 2009 à 23 11 26 05265
C’est plutôt bizarre parce que j’ai justement ce devoir à rendre et cette page vient de se créer aujourd’hui même ^^
1 avril 2013 à 18 06 13 04134
Qu elle est la réponse a cette question svp