Victor Hugo : Le dernier jour d’un condamné, préface (1832)
Mais vous, est-ce bien sérieusement que vous croyez faire un exemple quand vous égorgillez misérablement un pauvre homme dans le recoin le plus désert des boulevards extérieurs ? En Grève, en plein jour, passe encore ; mais à la barrière Saint-Jacques ! mais à huit heures du matin ! Qui est-ce qui passe là ? Qui est-ce qui va là ?
Qui est-ce qui sait que vous tuez un homme là ? Qui est-ce qui se doute que vous faites un exemple là ? Un exemple pour qui ? Pour les arbres du boulevard, apparemment. Ne voyez-vous donc pas que vos exécutions publiques se font en tapinois ? Ne voyez-vous donc pas que vous vous cachez ? Que vous avez peur et honte de votre œuvre ? Que vous balbutiez ridiculement votre discite justitiam moniti? Qu’au fond vous êtes ébranlés, interdits, inquiets, peu certains d’avoir raison, gagnés par le doute général, coupant des têtes par routine et sans trop savoir ce que vous faites ? Ne sentez-vous pas au fond du cœur que vous avez tout au moins perdu le sentiment moral et social de la mission de sang que vos prédécesseurs, les vieux parlementaires, accomplissaient avec une conscience si tranquille ? La nuit, ne retournez-vous pas plus souvent qu’eux la tête sur votre oreiller ? D’autres avant vous ont ordonné des exécutions capitales, mais ils s’estimaient dans le droit, dans le juste, dans le bien. Jouvenel des Ursins se croyait un juge; Élie de Thorette se croyait un juge ; Laubardemont, La Reynie et Laffemaseux-mêmes se croyaient des juges; vous, dans votre for intérieur, vous n’êtes pas bien sûrs de ne pas être des assassins.
posez les questions dont vous avez l’habitude (qui parle ? à qui ? de quoi ?). Vous repérez dans les deux textes une première différence : alors que la première personne du singulier domine le premier texte, elle est absente du second. Pourquoi ? Vous répondrez bien sûr en montrant que le premier est bâti sur la défense, l’autre sur l’attaque. Voici une différence essentielle : le plaidoyer (texte 1) est un discours que l’on prononce en faveur d’une personne ou d’une idée (on parle de plaidoyer pro domo lorsque l’on plaide pour soi-même, ce qui est le cas de Zola); le réquisitoire (texte 2) est un discours dans lequel, au contraire, on accumule des chefs d’accusation.
Montrez les différences des deux textes dans leur manière de s’adresser à l’auditoire.
- quelle est, dans les deux textes, la thèse adverse ? quelle est la thèse soutenue ? Montrez que les auteurs ont tous deux soin de la rappeler et de la présenter de manière à la dévaloriser. Comment ? Dans lequel de ces deux textes néanmoins, le vocabulaire est-il le plus péjoratif ? Pourquoi ?
- Si les émotions que trahit le texte 2 sont plutôt celles de la colère et de l’indignation, il n’en est pas de même du texte 1. Quels sentiments veut faire naître Zola dans son autoportrait ?
- Repérez maintenant dans la forme des deux textes les mêmes effets oratoires : longues phrases, souvent commandées par des oppositions; anaphores ; interrogations oratoires…
Pour vous aider à récapituler les points communs et les différences présentés par le plaidoyer et le réquisitoire, voici un tableau qui les recense schématiquement :
PLAIDOYER |
RÉQUISITOIRE |
|
Qui parle ? | Nous, je (forte implication de l’émetteur) | Nous, je (implication de l’émetteur) |
A qui ? | Implication de l’auditoire à convaincre | Forte implication de l’auditoire à convaincre |
De qui, de quoi ? |
D’un sujet considéré comme victime | D’un sujet considéré comme coupable |
Vocabulaire | Mélioratif | Péjoratif |
Registre | Pathétique | Polémique |
Procédés oratoires | Effets pathétiques et déploratifs, longues phrases rythmées | Interrogations oratoires, injonctions, exclamations exprimant la colère, l’indignation ; longues phrases rythmées |
Stratégie | Appel à la pitié | Ironie, appel à la raison |
21 mai 2009
1.LECTURE, Victor Hugo