Féminisation (des noms de métier, de titres, etc.)
En 1984, le gouvernement a institué une commission « chargée d’étudier la féminisation des titres et des fonctions et, d’une manière générale, le vocabulaire concernant les activités des femmes ». Dans une circulaire datée du 11 mars 1986, le Premier ministre, M. Laurent Fabius, conseille l’application des règles de féminisation recommandées par cette commission.
L’Académie française, qui n’a pas été associée aux travaux de cette commission, n’approuve pas les conclusions que celle-ci a rendues. Dès le 14 juin 1984, elle publie une déclaration, préparée par MM. Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss, qui fait part de ses réserves et met en garde contre une féminisation autoritaire et abusive.
En 1998, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, a demandé à la Commission générale de terminologie et de néologie de rédiger un rapport qui évaluerait les besoins en matière de féminisation des titres et des noms de métier, et qui envisagerait les champs d’action et les limites juridiques en la matière. Parallèlement, l’Institut national de la langue française (INALF), dirigé par M. Bernard Cerquiglini, était chargé d’étudier les possibilités morphologiques offertes par la langue pour procéder à cette féminisation et les problèmes que celle-ci soulevait d’un point de vue linguistique. Le rapport remis par la Commission générale, sans déconseiller formellement le principe de la féminisation, en particulier pour les noms de métier dont le féminin découle de l’usage même, souhaitait que fût préservée la neutralité liée aux titres, aux grades et aux fonctions et montrait les limites d’une féminisation arbitraire et systématique. En dépit de ces recommandations, un inventaire de formes féminisées établi par l’INALF et publié par la Documentation française fut mis à la disposition des administrations.
Le 21 mars 2002, l’Académie française publie une nouvelle déclaration pour rappeler sa position à ce sujet et, en particulier, le contresens linguistique sur lequel repose l’entreprise d’une féminisation systématique. Si, en effet, le français connaît deux genres, appelés masculin et féminin, il serait plus juste de les nommer genre marqué et genre non marqué. Seul le genre masculin, non marqué, peut représenter aussi bien les éléments masculins que féminins. En effet, le genre féminin ou marqué est privatif : un « groupe d’étudiantes » ne pourra contenir d’élèves de sexe masculin, tandis qu’un « groupe d’étudiants » pourra contenir des élèves des deux sexes, indifféremment. On se gardera également de dire les électeurs et les électrices, les informaticiennes et les informaticiens, expressions qui sont non seulement lourdes mais aussi redondantes, les informaticiennes étant comprises dans les informaticiens. De la même manière, l’usage du symbole « / » ou des parenthèses pour indiquer les formes masculine et féminine (Les électeurs/électrices du boulevard Voltaire sont appelé(e)s à voter dans le bureau 14) doit être proscrit dans la mesure où il contrevient à la règle traditionnelle de l’accord au pluriel. C’est donc le féminin qui est le genre de la discrimination, et non, comme on peut parfois l’entendre, le genre masculin.
L’Académie française ne s’oppose pas au principe de la féminisation en tant que tel : ainsi la huitième édition de son Dictionnaire avait-elle donné place à de nombreuses formes féminines correspondant à des noms de métier. Mais elle l’avait fait avec prudence et dans le respect de la morphologie de la langue. Or, si certains noms de métier possèdent une forme féminine bien ancrée dans l’usage et correctement formée, comme c’est le cas pour institutrice, laborantine, écuyère ou chercheuse, certaines formes imposées par la circulaire sur la féminisation, parfois contre le vœu des intéressées, sont contraires aux règles ordinaires de dérivation. Les termes chercheure, professeure, auteure, par exemple, ne sont aucunement justifiés linguistiquement car les masculins en -eur font, en français, leur féminin en -euse ou en -trice (les rares exceptions comme prieure ou supérieure proviennent de comparatifs latins dont les formes féminines et masculines sont semblables).
En revanche, en ce qui concerne les titres, les grades et les fonctions, au nom de la neutralité institutionnelle et juridique qui leur est attachée, l’Académie française recommande d’éviter, dans tous les cas non consacrés par l’usage, les termes du genre dit « féminin » et de préférer les dénominations de genre non marqué.
Une féminisation autoritaire et systématique pourrait aboutir à de nombreuses incohérences linguistiques. Brusquer et forcer l’usage reviendrait à porter atteinte au génie de la langue française et à ouvrir une période d’incertitude linguistique. C’est ce que l’Académie française a toujours voulu éviter et c’est pourquoi, au nom de l’usage, elle se réserve la possibilité d’enregistrer de nouveaux termes pourvu qu’ils soient bien formés et que leur emploi se soit imposé.
Vous pouvez également consulter sur le site de la D.G.L.F., le rapport de la Commission générale de terminologie et de néologie sur ce sujet.
6 juin 2009 à 12 12 11 06116
Je soutiens entièrement la position de l’Académie. Je suis avocat femme et je lutte pour qu’on ajoute pas un « e » arbitraire dans mon titre. C’est une question de culture linguistique et du respect de la langue.