Alphonse DAUDET (1840-1897)
Les contes du lundi
1.
C’est en l’honneur de cette dernière classe qu’il avait mis ses beaux habits du dimanche, et maintenant je comprenais pourquoi ces vieux du village étaient venus s’asseoir au bout de la salle. Cela semblait dire qu’ils regrettaient de ne pas y être venus plus souvent, à cette école. C’était aussi comme une façon de remercier notre maître de quarante ans de bons services, et de rendre leurs devoirs à la patrie qui s’en allait…
2.
Alourdis par la fatigue, les nuits passées, les uniformes pleins d’eau, ils se serrent les uns contre les autres pour se réchauffer, pour se soutenir. Il y en a qui dorment tout debout, appuyés au sac d’un voisin, et la lassitude, les privations se voient mieux sur ces visages détendus, abandonnés dans le sommeil. La pluie, la boue, pas de feu, pas de soupe, un ciel bas et noir, l’ennemi qu’on sent tout autour. C’est lugubre…
3.D’habitude, sitôt la forge éteinte, le soleil couché, il s’asseyait sur un banc devant sa porte pour savourer cette bonne lassitude que donne le poids du travail et de la chaude journée, et, avant de renvoyer les apprentis, il buvait avec eux quelques longs coups de bière fraîche en regardant la sortie des fabriques. Mais, ce soir-là, le bonhomme resta dans sa forge jusqu’au moment de se mettre à table ; et encore y vint-il comme à regret.
Alphonse Daudet – Les contes du lundi
17 avril 2009
1.Extraits