Paul FÉVAL (1816-1887)
Le bossu
1.
Ce devait être un bossu de beaucoup d’esprit, malgré l’extravagance qu’il commettait en ce moment. Il avait l’oeil vif et le nez aquilin. Son front se dessinait bien sous sa perruque grotesquement révoltée, et le sourire fin qui raillait autour de ses lèvres annonçait une malice d’enfer.
Un vrai bossu! Quant à la bosse elle-même, elle était riche, bien plantée au milieu du dos, et se relevant pour caresser la nuque. Par-devant, son menton touchait sa poitrine. Les jambes étaient bizarrement contournées, mais n’avaient point cette maigreur proverbiale qui est l’accompagnement obligé de la bosse, Cette singulière créature portait un costume noir complet, de la plus rigoureuse décence, manchettes et jabots de mousseline plissée d’une éclatante blancheur. Tous les regards étaient fixés sur lui, et cela ne semblait point l’incommoder.
2.
Tous les yeux se tournèrent à la fois vers les fenêtres du pavillon. Sur les rideaux blancs, la silhouette de Philippe d’Orléans se détachait ; il marchait. Une autre ombre indécise, placée du côté de la lumière, semblait l’accompagner. Ce fut l’affaire d’un instant : les deux ombres avaient dépassé la fenêtre. Quand elles revinrent, elles avaient changé de place en tournant. La silhouette du régent était vague, tandis que celle de son mystérieux compagnon se dessinait avec netteté sur le rideau ; quelque chose de difforme ; une grosse bosse sur un petit corps, et de longs bras qui gesticulaient avec vivacité.
Paul Féval – Le bossu
16 avril 2009
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