À : « la voiture de Julie » ou « la voiture à Julie » ? La préposition à marque normalement l’appartenance après un verbe (cette maison est, appartient à notre ami). On l’emploie avec la même valeur devant un pronom, seule (un ami à nous) ou pour reprendre un possessif (c’est sa manière à lui). Mais on ne peut plus l’employer entre deux noms, comme on le faisait dans l’ancienne langue, sauf dans des locutions figées (une bête à Bon Dieu), par archaïsme ou dans un usage très familier. On dira : la voiture de Julie, les fleurs de ma mère.
À l’attention de, à l’intention de La formule par laquelle, dans le langage de l’administration, on indique le destinataire d’une lettre, d’une communication, d’un envoi, est à l’attention de, pour marquer que l’on attire l’attention du destinataire, que l’on soumet cette lettre, etc., à son attention. La locution à l’intention de (quelqu’un) signifie « pour lui, dans le dessein que cela lui soit agréable, profitable, bénéfique » : Il a acheté ce livre à leur intention, pour le leur offrir. On compose un poème à l’intention d’un ami. On fait dire une messe à l’intention d’un défunt.
À ou chez (établissements commerciaux) Chez – étymologiquement : « dans la maison » – ne se dit qu’en parlant de personnes et, par extension, d’êtres animés ou d’êtres personnifiés : Il habite chez ses parents. Chez les rapaces, le bec est généralement corné. Dans le cas d’établissements commerciaux, quatre cas sont possibles : - la raison sociale est un nom de chose ou un groupe comprenant un tel nom, et l’on utilise à : Aller au Bon Marché ; - on traite comme nom de chose ce qui était autrefois un nom de personne et on utilise à : Aller à la Samaritaine ; - on traite comme nom de personne un nom de chose, un acronyme, etc. et on utilise chez : Aller chez Fiat. Dans le cas où l’usage n’est pas fixé, à ou chez sont possibles : certains auront en tête le nom de personne Leclerc et diront chez Leclerc ; d’autres, par une sorte d’ellipse, diront à Leclerc pour au magasin Leclerc. On dit peut-être plus couramment à Carrefour, à Auchan que chez Carrefour, chez Auchan. On n’utilisera l’article défini que pour désigner un magasin particulier : à l’Auchan de tel endroit, au Carrefour de telle ville.
On ne peut que déplorer que l’usage des accents sur les majuscules soit flottant. On observe dans les textes manuscrits une tendance certaine à l’omission des accents. En typographie, parfois, certains suppriment tous les accents sur les capitales sous prétexte de modernisme, en fait pour réduire les frais de composition. Il convient cependant d’observer qu’en français, l’accent a pleine valeur orthographique. Son absence ralentit la lecture, fait hésiter sur la prononciation, et peut même induire en erreur. Il en va de même pour le tréma et la cédille. On veille donc, en bonne typographie, à utiliser systématiquement les capitales accentuées, y compris la préposition À, comme le font bien sûr tous les dictionnaires, à commencer par le Dictionnaire de l’Académie française, ou les grammaires, comme le Bon usage de Grevisse, mais aussi l’Imprimerie nationale, la Bibliothèque de la Pléiade, etc. Quant aux textes manuscrits ou dactylographiés, il est évident que leurs auteurs, dans un souci de clarté et de correction, auraient tout intérêt à suivre également cette règle.
Aller : quel groupe de verbes ? En tant qu’irrégulier, le verbe aller ne saurait appartenir au « premier groupe », qui ne comporte par définition que des verbes dont la conjugaison est régulière, c’est-à-dire tous les verbes dont l’infinitif est en -er sauf aller et envoyer. Il convient donc de le ranger dans le « troisième groupe » avec tous les verbes irréguliers. Sur ce point, voici une délicieuse anecdote que rapportait Pierre Larousse dans son Grand Dictionnaire universel :
Amour, délice et orgue peuvent être masculins au singulier et féminins au pluriel. Délice est généralement masculin au singulier et féminin au pluriel. Cependant, après des expressions comme un de, un des, le plus grand des, etc., suivies du complément délices au pluriel, le masculin est conservé : un de ses plus suaves délices… Orgue, masculin au singulier, est généralement féminin au pluriel quand il désigne de façon emphatique un seul instrument (les grandes orgues de cette cathédrale), mais reste au masculin quand il s’agit d’un vrai pluriel (les orgues anciens de cette région).
« An deux mil » ou « an deux mille » ? L’Académie n’admet (et ne privilégie) la variante mil de mille, dans les dates, que lorsque le numéral au singulier est suivi d’un ou plusieurs autres nombres. Selon cette règle, on devrait écrire l’an mille, mais la graphie l’an mil est assez fréquente. Elle peut se justifier par l’étymologie : pour un seul millier, le latin employait mille, d’où est issue en ancien français la forme mil ; pour plusieurs milliers, le latin utilisait milia, d’où vient notre mille, autrefois prononcé comme dans famille. En outre, dès les débuts de notre langue, les deux formes mil et mille ont été employées concurremment, au singulier comme au pluriel. La règle actuelle, fixée par Oudin, est donc arbitraire. Mais elle s’est imposée au XVIIIe siècle. En résumé, nous conseillons d’écrire non seulement l’an deux mille, mais aussi l’an deux mille dix, etc.
Anglicismes et autres emprunts Il est excessif de parler d’une invasion de la langue française par les mots anglais. Les emprunts à l’anglais sont un phénomène ancien. Pour en donner quelques exemples : — avant 1700 : ajourner, boulingrin, contredanse, gentleman, gentry, groom, lord, lord-maire, paquebot, yard, yeoman ; Aux emprunts proprement dits, il convient d’ajouter les emprunts sémantiques (qui consistent à donner une nouvelle acception, anglaise en l’occurrence, à des mots français existants comme conventionnel ou négocier), les réintroductions de termes anciennement empruntés au français par l’anglais (comme chalenge, coach), et les calques (traductions terme à terme de l’anglais comme guerre froide, cols blancs et cols bleus, homme de la rue…). Cette extension des emprunts à l’anglais, qui a connu une accélération depuis une cinquantaine d’années, tient au fait que l’anglais est aussi la langue de la première puissance économique, politique et militaire, et l’instrument de communication de larges domaines spécialisés des sciences et des techniques, de l’économie et des finances, du sport, etc. À cela s’ajoute que l’on concède généralement à l’anglais une concision expressive et imagée qui, si elle peut nuire parfois à la précision (surtout dans l’anglo-américain très pauvre qui sert ordinairement de langue internationale commune), s’accorde au rythme précipité de la vie moderne. Langue mondiale d’usage pratique, l’anglais (principalement l’anglo-américain) exerce une forte pression sur toutes les autres langues. Si Étiemble a popularisé, dans son livre Parlez-vous franglais ? paru en 1964, le terme qu’il avait créé en 1959, on rencontre à la même époque japlish « mélange de japonais et d’anglais », puis spanglish « espagnol et anglais », gerglish « allemand et anglais », russglish, chinglish, etc. Dans tous les pays, des inquiétudes se sont manifestées, parfois avec véhémence, des voix ont proclamé que la langue nationale était en danger. Qu’en est-il vraiment ? Un Dictionnaire des anglicismes de 1990 en enregistre moins de 3000, dont près de la moitié sont d’ores et déjà vieillis. Les anglicismes d’usage, donc, représenteraient environ 2,5 % du vocabulaire courant qui comprend 60 000 mots. Un Dictionnaire des mots anglais du français de 1998, plus vaste, évalue les emprunts de l’anglais à 4 ou 5 % du lexique français courant. Si l’on considère les fréquences d’emploi de ces anglicismes, on constate que beaucoup appartiennent à des domaines spécialisés ou semi-spécialisés et sont donc assez peu fréquents dans la langue courante. Quant aux termes purement techniques d’origine anglaise en usage en France, leur pourcentage est du même ordre. Il est en outre à noter que l’on ne considère ordinairement que le lexique pour parler d’une « invasion » de l’anglais. Mais il convient également de veiller à ce que ne soient touchés ni le système phonologique, ni la morphologie, ni la syntaxe, ce à quoi s’emploie l’Académie française. Ainsi suit-elle attentivement l’évolution de certains abus tels que la propension à multiplier les tournures passives, les constructions en apposition et les nominalisations. Comment se comporter vis-à-vis des emprunts ? La question n’est pas neuve : au XVIe siècle, déjà, certains s’inquiétaient des italianismes — quelques centaines de mots italiens introduits en français. Certains emprunts contribuent à la vie de la langue, quand le français n’a pas d’équivalent tout prêt ni les moyens d’en fabriquer un qui soit commode, quand ils répondent à un besoin, et quand leur sens est tout à fait clair. C’est ainsi que Nodier, cité par Littré, remarquait que « Confortable est un anglicisme très-intelligible et très-nécessaire à notre langue, où il n’a pas d’équivalent. » D’autres sont nuisibles, quand ils sont dus à une recherche de la facilité qui ne fait qu’introduire la confusion : on emploie un anglicisme vague pour ne pas se donner la peine de chercher le terme français existant parmi plusieurs synonymes ou quasi-synonymes. C’est le cas, entre autres, de finaliser, performant, collaboratif, dédié à (dans le sens de « consacré à ») ou, pire encore, de cool, speed, fun, etc. D’autres enfin sont inutiles ou évitables, comme la plupart de ceux qui relèvent d’une mode, ceux par exemple qui ont été introduits au XIXe siècle par les « snobs » et les « sportsmen » ou ceux qui, aujourd’hui, sont proposés par des personnes férues de « high tech » ou qui se veulent très « hype » : emprunts « de luxe » en quelque sorte, qui permettent de se distinguer, de paraître très au fait, alors que le français dispose déjà de termes équivalents. Ainsi feedback pour retour, speech pour discours, customiser pour personnaliser ou news pour informations. On remarquera qu’il en va heureusement de ces anglicismes comme de toutes les modes, et qu’ils n’ont parfois qu’une vie éphémère : plus personne ne dit speaker (à la radio), lift (pour ascenseur), ou starter, tea gown, etc., plus récemment des termes comme pitch ou soirées afterwork, un temps très en vogue, semblent passer de mode. De même, on ne dit plus computer mais ordinateur, software mais logiciel, et on opte pour la vidéo à la demande, l’accès sans fil à l’internet, le biocarburant, le voyagiste, le covoiturage, le monospace, la navette, le passe, etc. ; cette évolution a été permise grâce au travail de terminologie et de néologie mené par le dispositif de terminologie et de néologie auquel participe l’Académie française. Il y a donc un tri à opérer. L’Académie française s’y consacre, par son Dictionnaire et ses mises en garde, et par le rôle qu’elle tient dans les commissions officielles de terminologie et de néologie des différents ministères et au sein de la Commission générale (voir l’article Terminologie). Elle contribue à la publication régulière d’équivalents français, répertoriés dans la base de données France Terme, accessible aux professionnels et au grand public.
Apposition : « Les danseuses étoiles regardent des films culte »Au pluriel, dans des syntagmes comme danseuse étoile, film culte, produit phare ou mot clé, qui sont formés d’un nom mis en apposition à un autre nom, le mot apposé suit la règle suivante : il varie uniquement si on peut établir une relation d’équivalence entre celui-ci et le mot auquel il est apposé. Ainsi, on écrira Les danseuses étoiles regardent des films culte, car si l’on considère que les danseuses sont des étoiles (elles ont les mêmes propriétés qu’elles, elles brillent de la même façon), il est évident que les films ne sont pas des cultes, mais qu’ils font l’objet d’un culte.
Si vous souhaitez apprendre le français ou améliorer votre maîtrise de cette langue, le mieux est de vous adresser à l’Alliance française ou à tout autre institut français dépendant des services culturels de l’ambassade de France. Sachez que l’Académie française n’est pas un établissement d’enseignement et ne dispense pas de cours de langue. Toutefois, pour vous aider dans votre apprentissage, vous pouvez consulter la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie française ainsi que la rubrique « Questions de langue », qui traite d’un certain nombre de difficultés propres à la langue française ; l’une et l’autre sont en accès libre sur notre site. Nous vous encourageons par ailleurs à mettre le plus possible en pratique vos connaissances, par exemple en lisant des journaux, magazines ou livres en français (les grandes œuvres francophones libres de droits sont téléchargeables gratuitement sur différents sites de l’internet, comme celui de la Bibliothèque nationale de France, Gallica), en regardant des films français en version originale et, si vous le pouvez, en cherchant à converser dans notre langue avec des personnes francophones. Enfin, vous trouverez sur l’internet de nombreux sites qui vous permettront de perfectionner votre connaissance du français, quel que soit votre niveau. Parmi ceux-ci, on peut citer : L’accès à ces sites est gratuit. Il en existe bien d’autres encore, dont vous trouverez une liste plus complète sur le site de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France. Nous vous souhaitons bonne chance et vous adressons tous nos encouragements dans votre apprentissage de la langue française.
Au jour d’aujourd’hui, particulièrement redondant puisque aujourd’hui comporte déjà deux fois l’idée du « jour où nous sommes » (c’est le sens de hui, qui vient du latin hodie), se trouve parfois dans la langue littéraire, chez de fort bons auteurs, et très bien employé, lorsqu’il y a volonté d’insistance, pour bien marquer soit une étroite limite temporelle, soit une immédiate actualité. Ainsi chez Maurice Genevoix : « Une riche plaine bien de chez nous, aussi belle qu’au jour d’aujourd’hui ». On l’emploie souvent avec une nuance de plaisanterie. L’essentiel est de n’en pas abuser, mais en elle-même, cette tournure n’est pas incorrecte.
Il est impossible de savoir précisément quand et comment est apparue l’expression familière au temps pour moi, issue du langage militaire, dans laquelle au temps ! se dit pour commander la reprise d’un mouvement depuis le début (au temps pour les crosses, etc.). De ce sens de C’est à reprendre, on a pu glisser à l’emploi figuré. On dit Au temps pour moi pour admettre son erreur – et concéder que l’on va reprendre ou reconsidérer les choses depuis leur début. L’origine de cette expression n’étant plus comprise, la graphie Autant pour moi est courante aujourd’hui, mais rien ne la justifie.
Avoir l’air : « Elle a l’air malin » ou « Elle a l’air maligne » ? La neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie française établit à l’article air (partie II, 2) la distinction suivante : - lorsque air conserve son sens plein (l’expression avoir l’air n’étant pas figée, un autre verbe, comme prendre ou se donner, peut alors se substituer à avoir, tandis qu’un air ou des airs peut remplacer l’air), l’adjectif est épithète et s’accorde avec le mot air : avoir l’air noble, l’air guerrier, l’air martial ; Elle a l’air gracieux ; Elles ont l’air niais de leur tante, l’air ingénu propre à certaines adolescentes ; - lorsque avoir l’air est une locution figée dont le sens est « sembler, paraître », l’adjectif qui suit est attribut et s’accorde avec le sujet : Elle a l’air méfiante ; Ils ont l’air imbus de leur personne ; Ces prunes ont l’air bonnes, mauvaises ; Cette maison a l’air abandonnée ; Ces recherches ont l’air sérieuses.
C’est / ce sontC’est, suivi d’un nom au pluriel ou d’un pronom autre que personnel, s’accorde avec celui-ci. Toutefois le singulier se rencontre parfois à l’écrit, particulièrement dans les cas suivants : - lorsque singulier et pluriel sont identiques pour l’oreille : Ce n’était pas des mensonges ; Dans tous ces cas cependant, le pluriel est de meilleure langue. Le singulier est obligatoire dans certains cas :
Ce qui reste ou ce qu’il reste ? Avec les verbes susceptibles d’être construits soit personnellement, soit impersonnellement, on utilise ce qui ou ce qu’il : qui est le sujet du verbe construit personnellement, qu’il apparaît dans la tournure impersonnelle. La nuance entre les deux possibilités est parfois indiscernable. Ainsi : ce qui restait d’élèves… (Pagnol) ; ce qui lui reste de sainteté (Maurois) ; ce qu’il lui restait à faire (R. Rolland) ; ce qu’il vous reste à découvrir (Duhamel). On peut donc écrire aussi bien : nous verrons ce qui se passera ou ce qu’il se passera. L’Académie française a adopté cédérom. Elle a constaté que le sigle américain CD-ROM s’était installé dans l’usage de manière définitive pour désigner un objet d’emploi de plus en plus courant. Mais ce sigle, devenu terme en soi, comme Radar ou Laser, était transcrit d’une façon qui heurtait notre graphie. L’Académie a donc décidé de le franciser en l’alignant sur la prononciation, et d’en admettre l’entrée dans son Dictionnaire.
Ci-annexé, ci-inclus, ci-joint 1. L’accord se fait normalement : - lorsque ces locutions adjectives, avec la fonction d’épithète, suivent immédiatement le nom auquel elles se rapportent : La lettre ci-annexée ; La note ci-incluse apporte les précisions nécessaires ; Veuillez remplir la déclaration ci-jointe ; Ne communiquez à personne les pièces ci-jointes ; - lorsqu’elles sont attributs du sujet : Votre lettre est ci-jointe. 2. Inversement, elles demeurent invariables lorsqu’elles ont une valeur nettement adverbiale (elles sont alors traitées sur le modèle des locutions adverbiales ci-après ou ci-contre), ce qui est le cas notamment lorsqu’elles sont placées : - en tête d’une phrase sans verbe, devant un groupe nominal (avec ou sans déterminant) : Ci-annexé la copie des pièces demandées. Ci-inclus les photocopies du document ; Ci-joint l’expédition du jugement ; Ci-joint les deux quittances exigées. Ou encore : Ci-joint copie du rapport. On écrira cependant : Ci-incluses, ces pièces vous sont communiquées pour information (tour rare, il est vrai), la locution étant ici en apposition ; - à l’intérieur d’une phrase, avec un nom sans déterminant (qu’elles précèdent ordinairement) : Je vous adresse ci-inclus quittance de votre versement ; Vous trouverez ci-joint copie du contrat ; La circulaire dont vous trouverez copie ci-inclus. 3. Dans les autres cas, lorsque ces locutions sont employées, dans le corps de la phrase, avec un substantif accompagné d’un déterminant, l’usage n’est pas fixé. Selon qu’on leur accorde une valeur adjective ou adverbiale — sans qu’il soit jamais possible de trancher —, on fait ou non l’accord. La huitième édition de l’Académie (1935) ne manquait pas de rendre compte d’une telle latitude : vous trouverez ci-incluse la copie que vous m’avez demandée (article ci). Vous trouverez ci-inclus une lettre de votre père (article inclus). On écrira donc : Je vous fais parvenir ci-joint, ou ci-joints plusieurs exemplaires de mon mémoire. Il en va de même lorsque ci-annexé, ci-inclus ou ci-joint peuvent être considérés comme l’attribut d’un pronom antéposé : Retournez-moi les formulaires que vous trouverez ci-joints ; La lettre que vous trouverez ci-incluse. Mais l’invariabilité — Retournez-moi les formulaires que vous trouverez ci-joint ; La lettre que vous trouverez ci-inclus — apparaissant aussi pleinement justifiée, aucune des deux graphies ne saurait être tenue pour fautive. L’incertitude observée dans l’usage, qui ne doit rien, on le voit, à l’hésitation ou à l’arbitraire, peut cependant être levée en fonction de connotations diverses tenant au contexte, ou parfois même à la recherche de tel ou tel effet stylistique. Si Bernanos écrit à l’un de ses correspondants : « Vous trouverez ci-joint les pages dactylographiées de mon roman », Hugo préfère : « Je vous envoie ci-incluses des paroles prononcées ici par moi au moment de la proscription ». On se plaît à relever chez Musset (Nouvelles, « Margot », I) l’exemple suivant : « Je prends la liberté de vous envoyer ci-jointes des rillettes ».
Collections et collectionneursIl existe en français une « collection » de termes pour désigner les divers collectionneurs. Si certains, d’usage courant, comme philatéliste (« collectionneur de timbres ») ou numismate (« collectionneur de pièces de monnaie ») sont connus du public et enregistrés dans les dictionnaires généraux, la plupart de ces termes ne sont guère répandus. Ils relèvent davantage d’un jeu de composition linguistique. On en trouvera un certain nombre dans des ouvrages tels que le Quid. Toutefois, on peut envisager à peu près autant de collections qu’il existe d’objets et même de types d’objets (collections de bouteilles de vin, de bouchons de bouteilles de vin, d’étiquettes de bouteilles de vin, etc.) : il n’y a donc pas de formes spécifiques pour désigner tous les types de collectionneurs. Comme souvent en français, on aura recours à une périphrase : un collectionneur de billes de cartouches d’encre. Voici quelques exemples de noms de collectionneurs :
Couleur : accord de l’adjectif et du nomLes adjectifs simples de couleur s’accordent en genre et en nombre : des costumes noirs, des cheveux blonds, des lacs verdâtres. Toutefois, les noms communs employés comme adjectifs de couleur sont invariables : des chaussures marron, des robes pivoine. On peut en effet considérer ces formes comme des ellipses : des chaussures (de la couleur du) marron, des robes (de la couleur de la) pivoine. Les formes adjectivales complexes sont également invariables. On écrira ainsi : Employées comme noms de couleur et non plus comme adjectifs, les formes ci-dessus ont les pluriels suivants : Par ailleurs, lorsque le nom ou l’adjectif de couleur est formé à partir d’un nom propre, le nom propre conserve sa majuscule et son invariabilité : des châles bleu Nattier (du bleu de certaines toiles de Nattier), des rideaux vert Véronèse (du vert de certaines toiles de Véronèse). Lorsque plusieurs adjectifs de couleur sont associés par la conjonction de coordination et : Par ailleurs, couleur reste toujours invariable dans la locution haut en couleur. Ainsi, on dira : des discussions hautes en couleur (hautes en matière de couleur, pour ce qui est de leur caractère truculent, pittoresque).
Les mots courbatu et courbaturé sont corrects mais, bien que l’on emploie souvent l’un pour l’autre, ils ne sont pas tout à fait synonymes. Le Dictionnaire de l’Académie française (neuvième édition, en cours de publication), donne les définitions suivantes : COURBATU,-UE adj. XIVe siècle. Déformation de court-battu, composé de court, pris adverbialement, et de battu, proprement « battu à bras raccourcis », « bien battu ». COURBATURE n. f. XVIe siècle. Dérivé de courbatu. Raideur musculaire provoquée par la fatigue ou la maladie. Avoir des courbatures. COURBATURER v. tr. XIXe siècle. Dérivé de courbature.
D’origine québécoise, courriel, qui s’est répandu dans l’usage comme équivalent de l’anglais e-mail, désigne le message électronique et peut être, par extension, employé au sens de messagerie électronique : envoyer un courriel ; confirmer sa venue par téléphone ou par courriel. Ce terme a été approuvé par l’Académie française en juin 2003. Toutefois les termes message électronique d’un côté et messagerie électronique de l’autre, peuvent être employés comme synonymes de courriel. En revanche, on ne peut substituer mél. à courriel puisque mél. n’est pas un mot plein, mais l’abréviation de messagerie électronique. Il doit s’utiliser uniquement devant une adresse électronique, de même qu’on utilise tél. uniquement devant un numéro de téléphone. Mél. : untel@voila.fr
En choisissant la forme déchèterie, l’Académie française a marqué sa préférence pour la forme la plus simple et la plus conforme à l’esprit de la langue. Force est de constater en effet que les termes féminins comportant le suffixe -erie et directement dérivés de substantifs en -et ne comptent qu’un seul t : c’est le cas de termes entrés dans l’usage depuis fort longtemps, comme bonneterie (XVe siècle), gobeleterie (XVIIIe siècle), mousqueterie (XVIIe siècle) ou parqueterie (XIXe siècle). Le mot billetterie, créé très récemment (1873), pour remplacer l’anglais ticketting, fait figure d’exception (la graphie billeterie, bien qu’elle ne soit enregistrée par aucun dictionnaire, est d’ailleurs assez largement usitée). D’autre part, l’Académie a tenu à ce que déchèterie comporte un accent grave afin d’en indiquer clairement la prononciation, conformément à l’esprit des Rectifications de l’orthographe de 1990 car, à la différence de la plupart des termes cités ci-dessus où deux prononciations du e sont possibles (è ou eu), le terme déchèterie ne connaît que la prononciation è. Précisons également que le terme déchetterie était à l’origine un nom déposé et que le choix de la forme déchèterie permettait, au moment où elle est entrée dans le Dictionnaire, d’éviter que l’usage de ce terme puisse être limité. Il faut néanmoins reconnaître que la forme déchetterie s’est très largement répandue dans l’usage : il est probable que l’Académie étudiera à nouveau le terme lors de la prochaine édition de son Dictionnaire et réfléchira à la possibilité de signaler les deux graphies.
Longtemps, second a été la forme la plus courante, et certains grammairiens prétendaient réserver l’usage de deuxième aux cas où la série comprenait plus de deux éléments ; lorsque l’emploi de second s’est fait plus rare, on a voulu le réduire aux cas où la série ne comprend que deux éléments. Littré, déjà, contestait cette distinction qui jamais ne s’est imposée dans l’usage, même chez les meilleurs auteurs. L’unique différence d’emploi effective entre deuxième et second est que second appartient aujourd’hui à la langue soignée, et que seul deuxième entre dans la formation des ordinaux complexes (vingt-deuxième, etc.).
Dimanche : premier ou dernier jour de la semaine ? Le dimanche (du latin chrétien dies dominicus, « jour du Seigneur ») était encore défini par la septième édition (1878) du Dictionnaire de l’Académie française comme le premier jour de la semaine. Dans la huitième édition (1932), il devenait le dernier. La neuvième édition, en cours de publication, indique :
Il existe d’ailleurs une recommandation de l’Organisation internationale de normalisation qui définit les normes ISO, allant dans ce sens ; d’autre part, la présentation des agendas en rend compte, le dimanche figurant en fin de page ou de double page.
« En tant que de » ou « autant que de » (besoin, raison) ? La tournure en tant que de (besoin, raison) est un archaïsme, mais elle est tout à fait correcte. En tant que signifie « selon que », « autant que ». Par ailleurs, on disait autrefois qu’une chose était de besoin pour signifier qu’on en avait besoin : elliptiquement, la forme en tant que (cela est) de besoin signifie « dans la mesure où l’on en a besoin ». Par analogie, on dit aussi en tant que de raison, qui signifie « dans la mesure où cela est raisonnable ». Autant que de (besoin, raison) est une forme déformée de en tant que de (besoin, raison), qui est incorrecte.
Dans le sens de « dans le vocabulaire, dans le langage de », en termes de est la seule forme correcte : en termes de marine, de médecine, de jurisprudence, etc.
En termes de au sens de « en matière de » est un anglicisme à proscrire. On emploiera donc les locutions quant à, en matière de ou en ce qui concerne.
Au terme de, quant à lui, signifie « à la fin de » : Au terme de l’année de première, les lycéens passent le baccalauréat de français.
Bien que l’erreur soit fréquemment commise, état s’écrit sans majuscule dans l’expression état de droit, lorsque l’acception de ce mot est « situation » (comme dans état d’urgence ou état de siège…) et non « corps politique » (comme dans État souverain ou État démocratique…). Ainsi écrit-on : Rousseau imagine le passage de l’état de nature à l’état de droit mais La République française est un État de droit.
Être s’emploie parfois dans le sens du verbe aller :
- dans l’usage littéraire au passé simple et au subjonctif imparfait ; - dans l’usage familier aux temps composés. Cet emploi est attesté chez des contemporains tels que F. Mauriac, J. Green, M. Tournier. Il remonte aux origines de la langue ; on le rencontrait déjà en latin. Molière, Bossuet, Montesquieu en offrent des exemples, ainsi que Voltaire, qui pourtant le condamnait chez Corneille.
L’Académie française rappelle que le mot euro prend la marque du pluriel : on écrit un euro, des euros (Cf. Journal officiel du 2 décembre 1997). La centième partie de l’euro doit se dire et s’écrire centime (Communiqué de presse du 13 décembre 2001).
La marque du pluriel n’étant pas la même selon que l’on utilise telle ou telle langue de l’Union européenne, c’est la forme euro qui figure sur les billets et sur les pièces. Elle peut être considérée comme un symbole et non comme l’indication de n unités monétaires. Son abréviation est, selon la norme ISO, EUR.
Si, de fait, les formes faignant ou feignant sont aujourd’hui « populaires », elles sont les premières attestées, et c’est fainéant qui a constitué une altération populaire, d’après fait (forme verbale de faire) et néant, de faignant, feignant, participe présent de feindre, au sens ancien de « se dérober (à la tâche), rester inactif ».
Fautes de langue dans les médias
Les incorrections fréquentes constatées dans les médias sont une source d’agacement bien compréhensible pour tous ceux qui aiment la langue française.
L’Académie française, conformément à sa mission et à ses traditions, n’a de cesse de défendre notre langue par des déclarations officielles et par les mises en garde qu’elle publie régulièrement. D’autre part, elle participe activement aux commissions de terminologie, qui veillent à proposer des équivalents français aux termes étrangers (notamment anglais) ; aucun de ces termes ne peut être recommandé officiellement sans qu’elle ne l’ait auparavant approuvé. Elle s’attache également, au travers de son Dictionnaire, dont la neuvième édition est en cours de rédaction, à prescrire et à guider l’usage de la langue en indiquant les emplois corrects et en formulant un certain nombre de remarques normatives (qui apparaissent en gras dans cette dernière édition). Cependant, il n’est pas du ressort de l’Académie de rappeler à l’ordre les médias. Si vous relevez des erreurs de langue dans les médias, nous vous conseillons de vous adresser au Conseil supérieur de l’audiovisuel (http://www.csa.fr), dont l’une des missions est de veiller à la défense et à l’illustration de la langue française dans la communication audiovisuelle ainsi qu’au respect de la loi Toubon de 1994 (loi qui oblige notamment les organismes d’état à employer, chaque fois qu’ils existent, les équivalents français recommandés par les commissions ministérielles de terminologie et de néologie, en remplacement des termes étrangers).
Le CSA se montre attentif à la qualité de la langue employée dans les programmes des différentes sociétés de télévision et de radio, et publie chaque mois, dans la rubrique « Langue française » de La Lettre du CSA, une mise en garde sur certaines impropriétés ou approximations.
Par ailleurs, pourquoi ne pas vous adresser directement aux journalistes ou aux chaînes concernés, éventuellement en présentant votre requête aux médiateurs ? Vos remarques seront sans doute prises en compte.
Féminisation (des noms de métier, de titres, etc.)
En 1984, le gouvernement a institué une commission « chargée d’étudier la féminisation des titres et des fonctions et, d’une manière générale, le vocabulaire concernant les activités des femmes ». Dans une circulaire datée du 11 mars 1986, le Premier ministre, M. Laurent Fabius, conseille l’application des règles de féminisation recommandées par cette commission.
L’Académie française, qui n’a pas été associée aux travaux de cette commission, n’approuve pas les conclusions que celle-ci a rendues. Dès le 14 juin 1984, elle publie une déclaration, préparée par MM. Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss, qui fait part de ses réserves et met en garde contre une féminisation autoritaire et abusive.
En 1998, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, a demandé à la Commission générale de terminologie et de néologie de rédiger un rapport qui évaluerait les besoins en matière de féminisation des titres et des noms de métier, et qui envisagerait les champs d’action et les limites juridiques en la matière. Parallèlement, l’Institut national de la langue française (INALF), dirigé par M. Bernard Cerquiglini, était chargé d’étudier les possibilités morphologiques offertes par la langue pour procéder à cette féminisation et les problèmes que celle-ci soulevait d’un point de vue linguistique. Le rapport remis par la Commission générale, sans déconseiller formellement le principe de la féminisation, en particulier pour les noms de métier dont le féminin découle de l’usage même, souhaitait que fût préservée la neutralité liée aux titres, aux grades et aux fonctions et montrait les limites d’une féminisation arbitraire et systématique. En dépit de ces recommandations, un inventaire de formes féminisées établi par l’INALF et publié par la Documentation française fut mis à la disposition des administrations.
Le 21 mars 2002, l’Académie française publie une nouvelle déclaration pour rappeler sa position à ce sujet et, en particulier, le contresens linguistique sur lequel repose l’entreprise d’une féminisation systématique. Si, en effet, le français connaît deux genres, appelés masculin et féminin, il serait plus juste de les nommer genre marqué et genre non marqué. Seul le genre masculin, non marqué, peut représenter aussi bien les éléments masculins que féminins. En effet, le genre féminin ou marqué est privatif : un « groupe d’étudiantes » ne pourra contenir d’élèves de sexe masculin, tandis qu’un « groupe d’étudiants » pourra contenir des élèves des deux sexes, indifféremment. On se gardera également de dire les électeurs et les électrices, les informaticiennes et les informaticiens, expressions qui sont non seulement lourdes mais aussi redondantes, les informaticiennes étant comprises dans les informaticiens. De la même manière, l’usage du symbole « / » ou des parenthèses pour indiquer les formes masculine et féminine (Les électeurs/électrices du boulevard Voltaire sont appelé(e)s à voter dans le bureau 14) doit être proscrit dans la mesure où il contrevient à la règle traditionnelle de l’accord au pluriel. C’est donc le féminin qui est le genre de la discrimination, et non, comme on peut parfois l’entendre, le genre masculin.
L’Académie française ne s’oppose pas au principe de la féminisation en tant que tel : ainsi la huitième édition de son Dictionnaire avait-elle donné place à de nombreuses formes féminines correspondant à des noms de métier. Mais elle l’avait fait avec prudence et dans le respect de la morphologie de la langue. Or, si certains noms de métier possèdent une forme féminine bien ancrée dans l’usage et correctement formée, comme c’est le cas pour institutrice, laborantine, écuyère ou chercheuse, certaines formes imposées par la circulaire sur la féminisation, parfois contre le vœu des intéressées, sont contraires aux règles ordinaires de dérivation. Les termes chercheure, professeure, auteure, par exemple, ne sont aucunement justifiés linguistiquement car les masculins en -eur font, en français, leur féminin en -euse ou en -trice (les rares exceptions comme prieure ou supérieure proviennent de comparatifs latins dont les formes féminines et masculines sont semblables).
En revanche, en ce qui concerne les titres, les grades et les fonctions, au nom de la neutralité institutionnelle et juridique qui leur est attachée, l’Académie française recommande d’éviter, dans tous les cas non consacrés par l’usage, les termes du genre dit « féminin » et de préférer les dénominations de genre non marqué.
Une féminisation autoritaire et systématique pourrait aboutir à de nombreuses incohérences linguistiques. Brusquer et forcer l’usage reviendrait à porter atteinte au génie de la langue française et à ouvrir une période d’incertitude linguistique. C’est ce que l’Académie française a toujours voulu éviter et c’est pourquoi, au nom de l’usage, elle se réserve la possibilité d’enregistrer de nouveaux termes pourvu qu’ils soient bien formés et que leur emploi se soit imposé.
Vous pouvez également consulter sur le site de la D.G.L.F., le rapport de la Commission générale de terminologie et de néologie sur ce sujet.
L’expression par laquelle on exprime sa reconnaissance est savoir gré (à quelqu’un) de (ou, plus rarement, pour) quelque chose, non être gré. On écrit donc Je vous saurais gré, non je vous serais gré.
À la deuxième personne du singulier de l’impératif, les verbes du premier groupe ont une terminaison en e, sans s : donne-lui ; regarde-le. Cependant, si le verbe précède le pronom en ou le pronom y, eux-mêmes non suivis d’un infinitif, on lui ajoute un s euphonique afin d’éviter le contact entre deux voyelles : manges-en.
Quant au trait d’union, il se place entre le verbe et le ou les pronoms personnels qui s’y rapportent, à moins qu’on n’ait déjà une apostrophe due à une élision : dites-le-moi ; parle-lui-en ; mettez-m’en dix kilos.
Cependant, si le pronom se rapporte à un infinitif qui le suit, on ne mettra pas de trait d’union : ose le dire (« ose dire cela »).
Enfin, en ou y, employés dans une tournure impérative, se placent toujours après le pronom conjoint, qui est inséparable du verbe. On dira bien mettez-m’en (et non pas, comme on l’entend trop fréquemment, mettez-en-moi).
Jours de la semaine (pluriel et majuscules)Les noms des jours de la semaine, tout comme les noms des mois, sont des noms communs. Ils sont donc variables en nombre et s’écrivent en minuscules. On écrira ainsi : Les membres de l’Académie française se réunissent tous les jeudis.
Le h de haricot est « aspiré », c’est-à-dire qu’il interdit la liaison, impose que ce mot soit prononcé disjoint de celui qui le précède, au singulier comme au pluriel. On écrit et dit : le haricot, non l’haricot ; un beau haricot, non un bel haricot. Tous les dictionnaires indiquent par un signe conventionnel quels h (généralement d’origine germanique) sont aspirés et quels h (généralement d’origine gréco-latine) ne le sont pas. Pour certains mots, l’usage est indécis. Ce n’est pas le cas de haricot : la liaison est incontestablement une faute.
La rumeur selon laquelle il serait aujourd’hui d’usage et admis que l’on fasse cette liaison a été colportée par un journal largement diffusé dans les établissements scolaires, L’Actu (n°8 du jeudi 3 septembre 1998, p.7), qui n’a pas jugé bon de publier de rectificatif.
« Le plus belle » ou « la plus belle »
Devant un adjectif au superlatif relatif (superlatif avec le plus, le moins…), l’article reste invariable lorsqu’il y a comparaison entre les différents degrés ou états d’une même chose, c’est-à-dire lorsque cette chose n’est comparée qu’à elle-même (on peut alors remplacer le superlatif par « au plus haut degré »). On dira donc : C’est le matin que la rose est le plus belle (c’est le matin qu’elle est belle au plus haut degré).
En revanche, l’article varie si la comparaison s’effectue entre deux entités différentes : Cette rose est la plus belle de toutes ; Cette rose est la moins fanée (sous-entendu : « des roses », « des fleurs »).
Leur chapeau ou leurs chapeaux ?
L’usage des meilleurs auteurs hésite entre le singulier et le pluriel (pour le nom et pour le possessif) lorsqu’un nom désigne une réalité dont plusieurs « possesseurs » possèdent chacun un exemplaire : on considère tantôt l’exemplaire de chacun, tantôt l’ensemble des exemplaires. Ainsi : « Mes compagnons, ôtant leur chapeau goudronné [...] » (Chateaubriand) ; « Les deux lords [...] ôtèrent leurs chapeaux » (Hugo) ; « trois avaient déjà retrouvé leur femme » (Chamson) ; « deux de mes amis et leurs femmes » (Arland).
En français, la liaison peut apparaître entre un mot qui se termine par une consonne et un mot qui commence par une voyelle ou un h non aspiré (voir aussi l’article Le haricot), si ces deux mots ne sont séparés par aucune ponctuation ni par aucune pause orale. Selon les cas, elle est obligatoire, facultative ou interdite. Les noms propres sont également soumis à la liaison.
La liaison est obligatoire :
Elle ne se pratique pas :
Dans le reste des cas, on peut choisir de faire ou non la liaison mais celle-ci est plutôt la marque d’un langage soutenu.
On distingue par ailleurs deux types de fautes de liaison :
Majuscules
1. Majuscules en géographie
Les noms communs d’entités géographiques (lac, mer, pic, mont, etc.) individualisés par un nom propre ou un adjectif gardent leur minuscule initiale : c’est le nom propre ou l’adjectif, distinctif pour le lieu, qui prend la majuscule : la baie des Anges ; la forêt Noire ; l’océan Pacifique.
Les noms d’habitants prennent une majuscule. On écrira donc : Les Français aiment leur langue, mais Ma sœur est française.
2. Majuscules avec saint
En revanche, saint prend la majuscule quand il entre dans la composition de noms propres avec trait d’union, de personnes, de lieux et de leurs habitants, de rues, de fêtes et d’ordres : le duc de Saint-Simon ; la Sainte-Chapelle ; la place Saint-Marc ; les feux de la Saint-Jean ; Les Saint-Germanois sont les habitants de Saint-Germain-en-Laye.
3. Majuscules dans les noms d’organismes et d’institutions
4. Majuscules dans les titres d’œuvre
Si le titre commence par un article défini, le premier nom qui suit cet article ainsi que les adjectifs et adverbes le précédant éventuellement prennent la majuscule : Les Très Riches Heures du duc de Berry ; Le Petit Chaperon rouge ; Le Vilain Petit Canard.
L’article défini en tête de l’œuvre ne prend la majuscule que s’il fait intrinsèquement partie du titre, et n’est pas contracté : l’Iliade ; Les Bienveillantes mais un chapitre des Bienveillantes.
Si le titre ne débute pas par un article défini ou s’il consiste en une phrase conjuguée, seul le premier terme prend la majuscule : À la recherche du temps perdu ; Terre des hommes ; Un taxi mauve ; Le train sifflera trois fois.
Si le titre est double ou s’il met en opposition ou en parallèle deux termes, on applique les règles précédemment citées aux deux parties du titre, mais si la deuxième partie est introduite par un article défini, celui-ci perd sa majuscule : Le Rouge et le Noir, Vendredi ou les Limbes du Pacifique.
Les règles typographiques qui régissent l’emploi des majuscules sont bien sûr nombreuses et complexes. On en trouvera le détail dans des ouvrages de typographie tel le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale.
Malgré que s’emploie bien dans la langue soutenue, mais seulement avec le verbe avoir conjugué au subjonctif. Malgré que j’en aie, quelque mauvais gré, si mauvais gré que j’en aie ; en dépit de moi, de ma volonté : Je reconnais les mérites de mon rival, malgré que j’en aie ; Malgré qu’il en ait, nous savons son secret ; Elle ne put cacher son dépit, malgré qu’elle en eût.
En revanche, encore que de nombreux écrivains aient utilisé la locution conjonctive Malgré que dans le sens de Bien que, quoique, il est recommandé d’éviter cet emploi.
Mandature est un néologisme incorrect et totalement inutile, né de l’intime conviction de certains que plus un mot est long, plus il confère d’importance à la chose qu’il désigne. On a toujours dit mandat pour nommer non seulement la fonction, la charge publique conférée par élection, mais aussi la durée d’exercice de cette charge Durant son mandat, et non Durant sa mandature.
En 1999, l’Académie française a proposé le mot magistère pour désigner un diplôme universitaire qui complète des études du premier ou du second cycle, et sanctionne au minimum trois années de formation professionnelle associant enseignements et stages. Le terme fut aussi créé pour donner un équivalent à l’anglais master, de même sens (Master of Arts, Master of Economy) ; il entra dans tous les dictionnaires.
Par ailleurs, toujours en 1999, l’harmonisation des études et des diplômes au sein de l’Union Européenne étant envisagée et ayant rendu souhaitable la création d’un terme pour désigner le grade intermédiaire entre la licence et le doctorat, la forme française « mastaire » a été créée, parfois aussi orthographiée « mastère », à distinguer du magistère.
Aujourd’hui, bien que la forme francisée mastère se trouve employée au Québec, en Algérie, en Tunisie ou en Belgique, force est de constater qu’en France l’usage, pour désigner ce grade, a imposé master, en particulier dans le cadre de la réforme universitaire « licence-master-doctorat ».
Cependant, les dictionnaires continuent de proposer concurremment les termes magistère, mastaire et mastère, avec parfois des nuances de sens, et entérinent master dans l’acception mentionnée ci-dessus.
L’Académie française, qui suit attentivement l’évolution de l’usage en la matière, recommande d’utiliser magistère chaque fois que cela est possible et se réserve le droit, en fonction des évolutions enregistrées, de réexaminer le terme MASTER et la graphie qu’il convient de lui donner.
Midi : « le midi », « ce midi »
On a parfois contesté l’emploi de ce midi pour désigner le milieu du jour où l’on est. Cette tournure, tout à faire analogue à ce matin et ce soir, ne peut être condamnée et se rencontre d’ailleurs chez les meilleurs auteurs (Gide, Giono, Genevoix…).
En outre, midi s’emploie avec divers déterminants : le midi du 10 décembre (Stendhal), chaque midi (Maupassant), l’autre midi (Farrère). On peut aussi dire un midi tout comme on dirait un matin ou un soir.
On peut utiliser l’article avec certaines prépositions : vers le midi (Stendhal, Queneau, Barbey), sur le midi (Sand, Gautier, Taine).
Si vous vous demandez comment un mot nouveau fait son entrée dans le Dictionnaire de l’Académie française, sachez que chaque dictionnaire possède sa politique éditoriale et intègre les mots en fonction de critères qui lui sont propres. Ainsi, l’Académie française n’accepte dans son Dictionnaire que les mots correctement formés, répondant à un véritable besoin linguistique et déjà bien ancrés dans l’usage.
Si vous vous intéressez à la création de néologismes, notamment dans les domaines des sciences et des techniques, vous pouvez émettre vos suggestions dans la boîte à idées de la base de données France Terme (voir l’article Terminologie).
Nom collectif suivi d’un complément au pluriel (accord du verbe)
Ce problème d’accord se présente dans de nombreux cas où le sujet est formé d’un nom et de ce qu’on peut appeler, suivant la terminologie du Bon Usage de Maurice Grevisse, un « pseudo-complément » : l’accord se fait soit avec le nom, soit avec son « pseudo-complément », selon que celui-ci ou celui-là frappe le plus l’esprit, et que l’on considère les êtres ou les objets dont il s’agit, ou bien comme formant essentiellement un ensemble, ou bien en détail, dans leur pluralité. Ainsi : Une foule de malades accourait (c’est une foule qui accourt) mais : Une foule de gens diront qu’il n’en est rien (chacun d’eux dira…). Dans ce dernier cas, la subordination logique l’emportant sur la subordination grammaticale, on parlera d’accord par syllepse. Cet accord par syllepse est parfois obligatoire : après nombre, la plupart, quantité, l’accord se fait avec le « pseudo-complément ». Dans le cas d’ensemble, on écrira aussi bien : l’ensemble des intéressés a ou ont protesté.
L’accord dépend du sens des mots, mais aussi de l’intention de l’auteur. On trouvera donc : Un grand nombre de soldats fut tué dans ce combat (Littré) et Un grand nombre de soldats périrent dans ce combat (Académie).
En particulier dans le cas d’un nom numéral au singulier suivi d’un complément au pluriel, l’accord peut se faire avec ce complément ou avec le terme quantitatif quand la personne qui écrit arrête son attention sur celui-ci plutôt que sur son complément. L’Académie admet les deux possibilités : Une quinzaine de francs suffira ou suffiront pour sa dépense.
Nombre de mots de la langue française
La définition même de « mot » fait difficulté, ce qui vide de sens la question de la « richesse » relative du vocabulaire des diverses langues : les langues dites « agglutinantes », par exemple, peuvent créer une infinité de « mots » dont chacun équivaudrait pour nous à une phrase entière. Est-ce que j’utilise plus de « mots » si je dis melting pot ou rayon de soleil que si je dis creuset ou sunray ?
Si l’on parle de la langue française (ou anglaise), de quoi s’agit-il ? Prend-on en considération tous les domaines, toutes les époques, tous les niveaux de langue ? Il est impossible de fournir un dénombrement de l’ensemble des formes qu’offre une langue : certaines (comme dans le cas de tous les verbes que l’on peut composer avec le préfixe re-) n’ont qu’une existence virtuelle ; chaque jour, d’autres se créent ou disparaissent de l’usage. Le vocabulaire spécialisé des sciences est en constant développement : le Dictionnaire de la chimie de Duval, loin d’être exhaustif puisqu’on distingue plus de 100 000 matières colorantes, comptait déjà 26 400 entrées en 1935, mais plus de 70 000 en 1977 !
Tout ce que l’on peut dénombrer, ce sont les «entrées» constituant les nomenclatures des divers dictionnaires, les formes qu’ils enregistrent, choisies par les éditeurs selon l’idée qu’ils se font des besoins de l’utilisateur et selon des principes qui leur sont propres : une entrée générale pour une même forme ou une par sens, syntagmes composés en plus des formes simples, etc.
Fondés sur des enquêtes de fréquence, le « français fondamental » et le « français élémentaire » comptent respectivement un peu plus de 1 000 à 3 000 entrées. Les dictionnaires scolaires destinés aux élèves de 8 à 14 ans en comptent de 2 000 à 20 000, le Trésor de la langue française environ 100 000 (non compris les dérivés intégrés aux articles), les grands dictionnaires encyclopédiques environ 200 000 (y compris les noms propres).
Quant aux dictionnaires de la langue courante, qui recensent grosso modo le vocabulaire nécessaire à la conversation, à la lecture de la presse générale d’information et à celle des textes littéraires du XVIe siècle à nos jours, en y ajoutant un pourcentage variable des termes spéciaux, de formes rares, archaïques, régionales ou dialectales, ainsi que d’emprunts aux divers pays francophones ou aux langues étrangères, ils comportent environ 60 000 entrées, en français comme en anglais ou en chinois.
Nombres (écriture, lecture, accord)
1. Écriture des nombres en lettres
2. Orthographe des nombres en lettres
Cependant, il est également possible, en accord avec les Rectifications de l’orthographe proposées par le Conseil supérieur de la langue française et parues au Journal officiel du 6 décembre 1990 (partie II), de lier par un trait d’union tous les éléments qui composent le nombre, sans exception. On écrira donc tout aussi bien : elle a cent-trois-ans ; elle aurait cent-quatre-vingt-quatre ans ; quatre-mille-deux-cent-quatre-vingt-dix-huit ; elle a vingt-et-un ans.
Vingt et cent se terminent par un s quand ils sont précédés d’un nombre qui les multiplie, mais ils restent invariables s’ils sont suivis d’un autre nombre ou de mille. On dira ainsi : deux cents euros mais deux cent vingt euros ; quatre-vingts hommes mais quatre-vingt-deux hommes. Ils restent également invariables lorsqu’ils sont employés comme adjectifs numéraux ordinaux : page deux cent ; page quatre-vingt ; l’an mille neuf cent.
En revanche, vingt et cent varient devant millier, million, milliard, qui sont des noms et non des adjectifs numéraux : deux cents millions d’années ; trois cents milliers d’habitants.
Mille (ou mil) est toujours invariable : cinq cent mille euros.
3. Écriture des nombres en chiffres
On écrit en chiffres romains :
Dans un souci de lisibilité, on sépare les milliers par une espace insécable dans les nombres exprimant une quantité : 1 000 m, 342 234 euros, 1 234 °C, etc.
La virgule (et non le point comme chez les anglo-saxons) sépare la partie entière de la partie décimale : π vaut environ 3,14 ; 14,5 est la moitié de 29.
4. Lecture des dates
5. Nombres inférieurs à 2 : accord
Noms géographiques et leurs articles
1. Villes
En dehors de ces noms dont on connaît le genre grâce à leur article, le genre des noms de ville (tout comme celui des noms de pays) ne suit pas de règle précise : il est ordinairement masculin dans l’usage parlé (Paris brûle-t-il ?), mais souvent féminin dans la langue littéraire, sans doute parce que l’on sous-entend la ville (Paris est traversée de parfums d’ambre). Néanmoins, la présence d’un e muet en fin de mot favorise le féminin (Marseille est belle aux lueurs du couchant). Quant au masculin, il prédomine :
Remarque : On ne saurait condamner les tournures en Arles, en Avignon, bien attestées chez les meilleurs auteurs, et qui s’expliquent à la fois comme archaïsme (l’usage de en au lieu de à devant les noms de villes, surtout commençant par une voyelle, était beaucoup plus répandu à l’époque classique) et comme régionalisme provençal. Il semble cependant que cet emploi de en soit en régression. Rien ne justifie qu’on l’applique à d’autres villes : on ne dira pas en Arras, en Amiens, etc.
L’archaïsme (cf. Chanson de Roland : « en Sarraguce » ; La Bruyère : « en Épidaure » ; Racine : « en Argos »…) peut être renforcé par le sentiment qu’Avignon et Arles ont été des États souverains. Quant au régionalisme, le provençal, à l’instar du latin, distingue siéu (« je suis ») en Arle, en Avignoun (qui répond à la question ubi du latin) de vau (« je vais ») a(n) Arle, a(n) Avignoun (qui répond à la question quo du latin), évitant le hiatus a/a par l’introduction du n euphonique. Pour les francophones habitués à une forme unique à pour les deux questions, en et an, compris l’un et l’autre comme destinés à éviter le hiatus, se sont trouvés confondus dans le en français.
2. Départements
S’ils sont employés en complément, il est recommandé d’omettre l’article : le département de Meurthe-et-Moselle. Mais si le département commence par une voyelle, ce qui implique une élision, l’article est toléré : département de l’Eure-et-Loir, les villes d’Eure et Loir.
Par ailleurs, ces noms de département formés de deux termes coordonnés par et, à l’inverse des autres noms qui s’emploient avec la préposition « dans » et l’article (dans la Seine-Maritime, dans la Charente), s’emploient avec la préposition en et sans article : le département de Seine-et-Marne, de Loir-et-Cher ; aller en Seine-et-Marne ; en Loir-et-Cher. Il en va de même pour le département de Vaucluse parce que celui-ci tire son nom de Fontaine de Vaucluse.
3. Pays
L’article disparaît toujours avec la préposition « en » (en France). Il disparaît également après la préposition « de » indiquant l’origine : un tapis d’Iran, un vase de Chine. C’est surtout une question d’usage, et il n’y a pas de règle absolue, bien qu’il existe parfois une nuance de sens plus ou moins nette : par exemple, dans le gouvernement de la France ou l’économie de la France, la France est désignée à un moment de son histoire, tandis que dans l’ambassade de France, elle, est prise dans un sens intemporel.
Toutefois, l’article se maintient généralement lorsque le nom qui précède le pays est accompagné d’un adjectif : l’Histoire de France mais l’Histoire économique de la France.
1. Le pronom indéfini on, qui désigne un sujet dont on ignore le sexe ou le nombre, exige, en principe, un attribut ou un participe au genre non marqué, c’est-à-dire au masculin, et au singulier.
C’est le sens qui commande, et le goût. On s’était fâchés ; On s’est séparés à regrets ; On est allés ensemble jusqu’au bout du chemin… ne sont donc pas des tournures fautives.
Littré relevait déjà chez Corneille, Molière, Racine, La Bruyère, Marivaux ou Rousseau de nombreux exemples de cet accord selon le sens, qui caractérise la syllepse, et se retrouve d’ailleurs dans d’autres tournures telles que La plupart comprennent, Bon nombre sont venus, Quantité ont disparu.
2. Avec les pronoms personnels nous et vous, verbes, participes et adjectifs s’accordent en genre et portent normalement la marque du pluriel : Nous sommes vêtues de belles robes ; Vous êtes vêtus de beaux costumes.
Cependant, si nous ou vous est employé comme pluriel de majesté ou de modestie à la place des pronoms je, tu ou moi, toi, le verbe se conjugue normalement avec nous et vous, mais l’accord des éventuels adjectifs et participes se fait toujours au singulier (on fait bien l’accord en genre) : Pour notre part, nous sommes convaincue que notre point de vue finira par l’emporter (si le locuteur est une femme) ; Vous êtes très belle, ce matin.
Il en va de même lorsque nous s’emploie à la place des pronoms personnels tu, il ou elle, pour exprimer la bienveillance, la condescendance ou l’ironie : On lui a souvent fait remarquer qu’elle se trompait, mais nous sommes opiniâtre, nous ne voulons pas nous corriger ; Nous faisons le difficile, maintenant ?
La langue française est une langue indo-européenne, comme l’allemand, l’anglais ou le russe. Mais c’est une langue romane, issue du latin, comme l’italien, l’espagnol, etc., tandis que l’allemand et l’anglais appartiennent au groupe des langues germaniques (plus précisément, au germanique occidental), bien que l’anglais doive une bonne part de son vocabulaire au français.
Le serment de Strasbourg (842) marque la fin des luttes entre les petits-fils de Charlemagne. Après avoir vaincu Lothaire, Charles le Chauve et Louis le Germanique se rencontrent à Strasbourg afin de confirmer leur alliance, devant leurs troupes, par ce serment. Charles et les soldats de Louis le prononcent en langue tudesque (qui est déjà de l’allemand) ; Louis et les soldats de Charles le prononcent en langue romane (qui est déjà du français). Les formules de ce serment, consignées par l’historien Nithard, constituent donc les plus anciens textes qui nous soient parvenus en langue française et en langue allemande.
Condamnée par Littré d’après une remarque de Voltaire, la locution adverbiale Par contre a été utilisée par d’excellents auteurs français, de Stendhal à Montherlant, en passant par Anatole France, Henri de Régnier, André Gide, Marcel Proust, Jean Giraudoux, Georges Duhamel, Georges Bernanos, Paul Morand, Antoine de Saint-Exupéry, etc.
Elle ne peut donc être considérée comme fautive, mais l’usage s’est établi de la déconseiller, chaque fois que l’emploi d’un autre adverbe est possible.
Ce n’est pas toujours le cas. Gide remarquait à ce propos : Trouveriez-vous décent qu’une femme vous dise : « Oui, mon frère et mon mari sont revenus saufs de la guerre ; en revanche j’y ai perdu mes deux fils » ?
« Par moments », mais « trois fois par jour »
Par est suivi du singulier quand il indique vraiment une répartition, une distribution, c’est-à-dire quand on considère chacun à part tous les éléments d’un ensemble. Prendre un médicament trois fois par jour, chaque jour ; Une production de n tonnes par hectare, pour chaque hectare ; Payer tant par personne ; Avoir une filiale par secteur de marché, etc. Le pluriel sera préférable et plus courant, en revanche, si l’on considère non plus chaque élément, mais certains d’entre eux : Par endroits, par places, la neige a fondu, à certains endroits ; Par moments, on ne comprend plus, à certains moments.
1. Conjugué avec l’auxiliaire « être » ou avec un verbe d’état, ou employé comme adjectif, le participe passé des verbes non pronominaux s’accorde comme un adjectif : Elle est arrivée ; Elles semblent découragées ; des habits brodés ; des élèves dissipés. Le participe passé placé en tête de phrase s’accorde le plus souvent avec le nom qu’il complète (cf. la section Finies, les vacances ! de cette même page).
En revanche, les participes approuvé, attendu, certifié, communiqué, entendu, excepté, ôté, ouï, passé, lu, reçu, supposé, vu, ainsi que non compris, y compris, étant donné, excepté que, ci-joint, etc., placés immédiatement avant le nom précédé ou non d’un article, sont invariables : Toutes ses filles sont mariées, excepté la plus jeune, mais Toutes ses filles sont mariées, la plus jeune exceptée.
Pour l’accord du participe passé avec les verbes pronominaux, voir l’article « Pronominaux (verbes, accord du participe passé) ».
2. Employé avec l’auxiliaire avoir, le participe passé s’accorde en genre et en nombre avec le complément d’objet direct quand cet objet le précède : les crêpes qu’elle a mangées. Si le complément d’objet direct le suit ou s’il n’y a pas de complément d’objet direct, il ne varie pas : Elle a mangé des crêpes. Elle a mangé.
Le participe des verbes intransitifs, transitifs indirects et impersonnels, n’ayant pas de complément d’objet direct, reste toujours invariable : Ces romans nous ont beaucoup plu, nous avons beaucoup ri à leur lecture.
La plupart des cas considérés comme particuliers relèvent en fait de cette règle : il est seulement plus difficile de repérer leur complément d’objet direct. En voici les principaux exemples :
- les participes passés comme couru, coûté, régné, valu, vécu sont invariables quand ils sont employés au sens propre, car leur complément est alors un complément de mesure et non un complément d’objet direct : pendant le quart d’heure que nous avons couru ; les 87 ans qu’elle a vécu. Mais ils peuvent varier au sens figuré, où ils deviennent transitifs : les dangers que nous avons courus ; la folle époque qu’elle a vécue ; - le participe passé suivi d’un attribut du complément d’objet direct s’accorde avec ce complément lorsque celui-ci précède le participe : Je les avais crus médecins ; Ces gens que j’ai trouvés charmants. On rencontre parfois l’invariabilité, mais il est préférable de faire l’accord ;
- le participe passé suivi d’un infinitif s’accorde uniquement si le complément d’objet direct, placé avant le participe, fait l’action exprimée par l’infinitif : La cantatrice que j’ai entendue chanter (c’est elle qui chante : J’ai entendu la cantatrice chanter) ; Les chansons que j’ai entendu chanter (j’ai entendu la cantatrice chanter ces chansons) ;
- le participe passé fait suivi d’un infinitif est quant à lui toujours invariable : Elle s’est fait refaire le nez.
- suivi d’un infinitif sous-entendu, le participe passé ne varie pas : Je leur ai prêté toutes les économies que j’ai pu (leur prêter) ; Ils ont pris les mesures qu’il a fallu (prendre) ;
- le participe passé des verbes impersonnels ou employés impersonnellement ne varie pas : Que de force il lui a fallu pour soulever cette pierre ! Par ailleurs, on se souviendra que :
- le participe passé dont l’objet direct est en ne varie pas : Ces bonbons, en avez-vous mangé ? Des erreurs de grammaire, qui n’en a jamais fait .
En français, on utilise l’article partitif (du, de la, des) devant un nom désignant un tout qu’on ne peut dénombrer ou qu’on renonce à dénombrer, pour dire qu’on prélève une quantité indéterminée de ce tout : manger du chocolat, de la tarte, des épinards.
En tournure négative, on accompagne le partitif du déterminant (élidé ou non) uniquement lorsque l’on oppose deux compléments : Je ne prends pas du thé, mais du café (mais seul : Je ne prends pas de thé). Cette opposition peut être sous-entendue, lorsque la négation n’est que partielle : On ne mange pas du caviar tous les jours (mais on mange autre chose).
Par analogie, on appliquera la même règle à une phrase comme : Je ne fais pas du ski, mais de la luge (mais seul : Je ne fais pas de ski).
Cependant, lorsqu’un verbe à l’infinitif est le complément de verbes ou de locutions verbales, c’est généralement l’usage qui décide du maintien de l’article en tournure négative. Ainsi, on dira plutôt avec l’article : Il n’aime pas faire du ski ; Il n’a pas envie de manger de la choucroute. Mais on pourra dire indifféremment, avec ou sans article : Elle ne souhaite pas manger de choucroute ou Elle ne souhaite pas manger de la choucroute ; Elle ne veut pas avoir de chien ou Elle ne veut pas avoir un chien, etc.
N.B. : Il en va différemment de jouer de suivi du nom d’un instrument de musique : l’instrument sera toujours introduit par un déterminant : Je joue (ne joue pas) du piano ; Je joue (ne joue pas) de l’orgue ; Je joue (ne joue pas) des castagnettes, de la clarinette.
Personnel : singulier ou pluriel ?
En 1998, la Commission du dictionnaire de l’Académie française s’est prononcée sur l’utilisation du nom personnel au pluriel.
Personnel est un nom collectif qui désigne toujours un ensemble d’individus. Aucun dictionnaire, aucune grammaire n’en mentionne l’emploi au pluriel, sinon Le Bon Usage de Grevisse, qui le signale comme fâcheux.
Il est fautif de dire l’ensemble des personnels pour l’ensemble du personnel, les personnels militaires pour le personnel des armées et, surtout, un personnel pour un membre du personnel.
Personnel n’est acceptable au pluriel que si l’on veut désigner plusieurs catégories distinctes d’individus, par exemple : les personnels civil et militaire des armées, c’est-à-dire le personnel civil et le personnel militaire des armées.
On ne saurait considérer la tournure il y a pire comme fautive, elle est simplement moins littéraire que il y a pis. En effet, on constate que dans la plupart des emplois, pis, comparatif de supériorité de mal, est supplanté dans l’usage par pire, comparatif de supériorité de l’adjectif mauvais, ou par plus mal :
- comme adverbe : De mal en pire, de pire en pire, généralement condamnés, se rencontrent cependant chez de bons auteurs, à commencer par Nerval ;
- comme adjectif : C’est pire, ce sera pire, bien pire, etc., sont employés par Barbey d’Aurevilly, Taine, Gide, Cocteau, Mauriac, Montherlant, le général de Gaulle, et le Dictionnaire de l’Académie, dans sa huitième édition (1935), à l’article Pis, indique : « Il s’emploie encore substantivement et signifie Ce qu’il y a de pire ». Comme attribut d’un nom, pis a d’ailleurs toujours été rare ;
- comme nom ou, sans article, faisant fonction de nom (quelque chose de pis) : Le pire est que ; en mettant les choses au pire ; faire pire, redouter bien pire, etc., se trouvent chez Péguy, Martin du Gard, Malraux, Mauriac, le général de Gaulle…
Si l’expression battre son plein a naguère encore suscité quelques controverses, tous les spécialistes s’accordent aujourd’hui à donner raison à Littré. Dans cette expression empruntée à la langue des marins, son est bien un adjectif possessif et plein un substantif, les meilleurs auteurs se rangent à ce point de vue. Le plein, c’est la pleine mer, et l’on dit que la marée bat son plein lorsque, ayant atteint sa plénitude, elle demeure un temps stationnaire. On dit donc bien les fêtes battent leur plein.
Dans les tours avec pour cent ou pour mille, on accorde le verbe (ou l’adjectif) concerné soit avec l’expression du pourcentage, soit avec le complément qu’elle introduit.
On écrit donc, au choix : Seules 14% des productions écrites en 2006 à la Commission européenne ont été initialement rédigées en français (accord avec le complément du pourcentage productions…) ou Seuls 14% des productions écrites en 2006 à la Commission européenne ont été initialement rédigés en français (accord avec 14%, expression du pourcentage).
Si le pourcentage ne possède pas de complément, l’accord se fait avec l’expression du pourcentage, au singulier si celui-ci est inférieur à 2, sinon au pluriel : 1,9% a voté contre la motion ; 97,1% ont voté pour la motion ; 1% s’est abstenu.
Pronominaux (Verbes, accord du participe passé) Concernant l’accord du participe passé des verbes pronominaux, on peut distinguer deux cas.
1. Le cas où se ne peut pas être analysé comme un complément d’objet : que le verbe pronominal soit de sens passif (la partie s’est jouée en trois manches équivaut à la partie a été jouée …), qu’il s’agisse d’un verbe essentiellement pronominal (comme s’absenter, s’abstenir, s’écrier, se souvenir ou se repentir), ou de l’emploi pronominal d’un verbe présentant par ailleurs des formes transitive ou intransitive (s’apercevoir de quelque chose), l’accord du participe se fait en genre et en nombre avec le sujet. On écrira : La propriété s’est vendue à bas prix (a été vendue à bas prix) ; Ils se sont souvenus, ils se sont repentis ; Elle s’est aperçue qu’elle s’était égarée ; Les cigognes se sont nichées dans les peupliers.
Seul le verbe s’arroger est une exception et relève de la catégorie 2.
2. Le cas où se peut être analysé comme un complément d’objet : l’accord suit la règle qui s’applique aux participes employés avec l’auxiliaire avoir, c’est-à-dire que le participe s’accorde uniquement si son complément d’objet direct le précède : Elles se sont lavées, ils se sont battus (le complément d’objet direct est le pronom réfléchi se). Si le complément d’objet direct est placé après le participe ou si se est un complément d’objet indirect, le participe ne varie pas : Elles se sont lavé les mains (le complément d’objet direct est les mains) ; Elles se sont parlé (parler n’introduit pas un complément d’objet direct mais un complément d’objet indirect : elles se sont parlé à l’une et à l’autre) ; Ils se sont succédé (l’un a succédé à l’autre).
Suivi d’un infinitif, le participe passé d’un verbe pronominal suit la règle qui s’applique aux participes des verbes simples dans le même cas (voir article Participe passé (accord)). Avec se voir, l’accord du participe passé se fait si le sujet de se voir est aussi le sujet de l’infinitif qui suit : Ils se sont vu accorder des congés (on leur a accordé des congés) mais Ils se sont vus accorder des congés à tous les employés (ils ont accordé des congés à leurs employés).
Prononciation : « é » ou « è »
Voici les indications sur la prononciation que fournissent les ouvrages normatifs comme Le Bon Usage de Grévisse :
En ce qui concerne les verbes conjugués, Grévisse admet la prononciation en « é » ou « è » pour le verbe avoir à la première personne du présent de l’indicatif (j’ai). Il recommande la prononciation « é » pour le passé simple et le futur simple à cette même personne (je mangeai, je mangerai), afin d’éviter la confusion avec l’indicatif imparfait ou le conditionnel présent dont la terminaison se prononce « è » (je mangeais, je mangerais).
Contrairement à ce que semble indiquer la graphie, dans les formes avec inversion du sujet se rapportant à un verbe au présent de l’indicatif comme me trompé-je, é se prononce « è » (Grévisse). La forme écrite me trompè-je a d’ailleurs été avalisée par les Rectifications de l’orthographe de 1990.
La conjonction de coordination « et » se prononce en principe « é », tandis que -et en fin de mot (comme dans fouet ou tabouret) se prononce « è ».
Pour les adjectifs possessifs mes, ses, tes, de même que pour les articles des ou les, des ouvrages comme Le Petit Robert, Le Grand Larousse de la langue française ou le Trésor de la langue française (sauf les pour lequel la prononciation « lè » est aussi donnée dans le TLF) donnent la prononciation « é ».
Toutefois, force est de constater que la prononciation des groupes de voyelles ai, et, es en fin de mot varie selon les individus. Il s’agit davantage d’usages personnels ou régionaux, et les dictionnaires de prononciation (Warnant et Martinet-Walter), qui prennent en compte l’usage réel, indiquent presque toujours les deux prononciations.
Rectifications de l’orthographe
Un ensemble de rectifications orthographiques proposées par le Conseil supérieur de la langue française ont été approuvées par l’Académie française et publiées en décembre 1990 dans les « Documents administratifs » du Journal officiel. Ces rectifications ont pour but de résoudre les problèmes graphiques importants, d’éliminer les incertitudes ou les incohérences et de permettre la formation correcte des mots nouveaux qu’appelle le développement des sciences et des techniques. Elles rendront de surcroît l’apprentissage du français plus aisé et plus sûr.
L’Académie n’a pas souhaité donner un caractère impératif à ces rectifications ni se limiter à une simple tolérance orthographique : elle a choisi la voie prudente de la recommandation. Ainsi, elle a décidé de soumettre à l’épreuve du temps ces simplifications et ces ajustements – qui ne concerneront pas plus de trois mille mots sur les cinquante cinq mille que comportera la neuvième édition de son dictionnaire – et se propose de juger, après une période d’observation, des graphies et emplois que l’usage aura retenus : c’est la règle qu’elle a toujours suivie, même lorsque, au cours des XVIIIe et XIXe siècles, elle a changé à deux reprises l’orthographe de plusieurs milliers de mots.
Dans la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie française, ne sont inscrites à titre définitif que les modifications qui visent principalement à harmoniser l’accentuation de certains mots, tel allègement ou allègrement, avec leur prononciation habituelle. Chaque fois que l’usage paraissait hésitant, a été indiquée l’existence ou la possibilité de deux graphies (évènement ou événement).
L’Académie signale par un losange (◊) et répertorie, dans ce volume ainsi que dans les fascicules publiés depuis dans les « Documents administratifs » du Journal officiel, les orthographes modifiées qu’elle n’introduit pas en entrée.
Les rectifications de l’orthographe, qui ne concernent que les noms communs, portent sur cinq points précis :
1) Le trait d’union :
2) Le singulier et le pluriel des noms composés comportant un trait d’union :
3) Les accents :
4) L’accord du participe passé :
5) Les autres cas :
Pour connaître plus en détail toutes les rectifications proposées, vous pouvez consulter le rapport détaillé en version pdf.
L’usage ne tranche que peu à peu entre les deux orthographes. La lecture de la presse montre une fréquence variable selon les titres, mais élevée, de formes comme évènement, cèdera ou révolver. D’autres modifications apparaissent çà et là, mais moins systématiquement. L’Académie observe l’évolution de l’usage et se réserve de confirmer ou d’infirmer les recommandations proposées.
L’usage veut que la réponse à une question négative soit introduite par si quand la réponse est positive, par non quand la réponse est négative :
« L’habit des Académiciens n’est-il pas vert ?
« L’habit des Académiciens n’est-il pas bleu ?
« Résidant » ou « résident » ?
On s’accorde à écrire les membres résidants et les membres correspondants d’une académie, et les résidents français au Canada, en Australie. Mais force est de constater que dans d’autres cas, et chez les meilleurs auteurs, l’unanimité n’a pas toujours régné.
Dans la huitième édition de son Dictionnaire, publié en 1935, l’Académie française faisait de Résidant un adjectif ; mais elle ajoutait : « On écrit aussi Résident ». Elle faisait de Résident un nom mais elle ajoutait : « Il s’emploie aussi adjectivement ».
En 1994, la Commission du Dictionnaire, interrogée sur ce point, a constaté que la graphie résident l’emportant décidément, dans l’usage, pour le nom, tout flottement pouvait être éliminé : résidant est un adjectif, résident est un nom. Et aux acceptions anciennes du nom, elle a ajouté celle-ci : « Personne qui habite une résidence, qui vit habituellement dans une résidence ou y est hébergée », avec ces exemples : « Les résidents d’un foyer, d’une maison de retraite. Les résidents de la Cité universitaire de Paris ».
En 2007, cette distinction entre résident, nom, et résidant, adjectif, est considérée par l’Académie française comme entérinée par l’usage.
Dans les expressions médecin résident ou pharmacien résident (celle-ci d’ailleurs, se rencontrant souvent avec le trait d’union), résident doit s’interpréter comme un nom en apposition, et non pas comme un adjectif, au même titre que dans ministre résident : on a toujours dit indifféremment le ministre résident ou le résident.
« Sabler » ou « sabrer le champagne » ?
Le verbe sabler signifiait entre autres, au XVIIe siècle, « couler dans un moule fait de sable ». C’est probablement par allusion à la matière en fusion versée dans le moule que sabler a pu prendre le sens de « boire d’un trait » (1615).
Le Dictionnaire de l’Académie française (8e édition, 1935) indique, à l’article Sabler : « Boire tout d’un trait, fort vite. Sabler un verre de vin. Sabler le champagne ».
Puis sabler le champagne s’est employé pour signifier, par extension, « célébrer un évènement en buvant du champagne ».
Sabrer une bouteille de champagne ou sabrer le champagne, absent du Dictionnaire de l’Académie française (8e édition), est toutefois attesté dans certains dictionnaires récents au sens de : « ouvrir une bouteille de champagne en tranchant le goulot d’un coup de sabre ». L’expression et l’action elle-même, opération dangereuse qu’il est sans doute judicieux de laisser à qui sait manier un sabre, semblent d’apparition récente : probablement au début de notre siècle.
Il résulte de ces indications que les expressions Sabler le champagne et Sabrer le champagne ne peuvent être considérées comme équivalentes ; leurs sens sont même très différents.
Sans peut, selon le sens, être suivi du singulier ou du pluriel. On écrira toujours au singulier les noms dits abstraits : Être sans pitié. Cela se comprend sans peine. Un orateur est sans passion quand il n’est pas animé par la passion. Cet homme est sans passions s’il ignore les passions. On opposera un couteau sans manche, qui devrait en avoir un, mais un seul, à un gilet sans manches, qui en aurait deux, s’il en avait. Il est sorti sans chapeau ni chaussures. Dans de nombreux cas, cependant, la nuance de sens est si mince que l’on trouvera aussi bien le singulier que le pluriel : C’est un acteur sans défaut ou sans défauts (Littré). De même : Cet homme est mort sans enfant, sans héritier, ou sans enfants, sans héritiers. Pourtant, dès lors que ce dont on parle peut suggérer l’idée de pluralité, c’est le pluriel qui est le plus fréquent. On écrira : un devoir sans fautes, en jugeant qu’un tel devoir aurait d’ordinaire comporté plusieurs fautes (qu’une faute ne vient jamais seule), plutôt qu’un devoir sans faute, sauf si l’on veut insister sur le caractère exceptionnel de la chose, comme on dirait : sans aucune faute, sans la moindre faute.
Vous vous interrogez sur une des bizarreries les plus célèbres de la langue française. Pourquoi en effet dire soixante-dix, quatre-vingts, quatre-vingt-dix, alors que les formes septante, octante, nonante, en accord tout à la fois avec le latin et le système décimal, sont plus ou moins largement usitées dans divers pays francophones ?
Notre vocabulaire porte ici la trace d’un usage très ancien et aujourd’hui disparu : au Moyen Âge, on avait coutume en France de compter de vingt en vingt. Aussi trouvait-on les formes vint et dis (30), deux vins (40), trois vins (60), etc. Saint Louis fonda, par exemple, l’hospice des Quinze-vingts (des 300 aveugles). Ce système, dit « vicésimal », était utilisé par les Celtes et par les Normands, et il est possible que l’un ou l’autre de ces peuples l’ait introduit en Gaule.
Dès la fin du Moyen Âge, les formes concurrentes trente, quarante, cinquante, soixante se répandent victorieusement. Pourquoi l’usage s’arrête-t-il en si bon chemin ? Aucune explication n’est vraiment convaincante. Peut-être a-t-on éprouvé le besoin de conserver la marque d’un « calcul mental » mieux adapté aux grands nombres (70=60+10, 80=4×20, 90=80+10). Reste la part du hasard et de l’arbitraire, avec laquelle tout historien de la langue sait bien qu’il lui faut composer…
C’est au XVIIe siècle, sous l’influence de Vaugelas et de Ménage, que l’Académie et les autres auteurs de dictionnaires ont adopté définitivement les formes soixante-dix, quatre-vingts, quatre-vingt-dix au lieu de septante, octante, nonante. Il est à noter pourtant que les mots septante, octante, nonante figurent dans toutes les éditions du Dictionnaire de l’Académie française. Encore conseillés par les Instructions officielles de 1945 pour faciliter l’apprentissage du calcul, ils restent connus dans l’usage parlé de nombreuses régions de l’Est et du Midi de la France, ainsi qu’en Acadie. Ils sont officiels en Belgique et en Suisse (sauf, cependant, octante, qui a été supplanté par quatre-vingts et huitante – en Suisse – tant dans l’usage courant que dans l’enseignement ou les textes administratifs). Rien n’interdit de les employer, mais par rapport à l’usage courant en France, ils sont perçus comme régionaux ou vieillis.
Sigles et acronymes (différence, genre, pluriel)
L’Académie française distingue les acronymes, qui se prononcent comme des mots ordinaires et s’écrivent en majuscules et sans points (UNESCO, ENA, OTAN), des sigles, dont chaque lettre est épelée et dans lesquels on place des points après chaque lettre (S.A.R.L., R.A.T.P., O.G.M., P.-D.G.).
Le genre d’un sigle ou d’un acronyme est déterminé par le genre du noyau du groupe nominal que le sigle ou l’acronyme formait avant la réduction. Ainsi, on parle de la S.N.C.F (Société nationale des chemins de fer) puisque société, noyau du groupe nominal, est un nom féminin.
Par ailleurs, sigles et acronymes ne prennent pas d’accent et sont invariables. La liaison devant les sigles se fait selon l’usage ordinaire (voir l’article « liaisons »).
Notez qu’un acronyme lexicalisé (delco, sida) se comporte comme un nom commun : il perd ses majuscules et s’accorde en nombre.
Devinette : Un sot sur un cheval tient de la main gauche un seau. Dans sa main droite, il porte le sceau du roi. Le cheval fait un saut et les trois… (?) tombent à terre. Comment écrit-on « les trois s… ? » Par définition, il est impossible d’orthographier (de la même façon) des homonymes non homographes. On peut recourir à la transcription phonétique [so], mais évidemment, ce ne sont pas des sons qui sont censés tomber.
Soudure
Dans les mots formés d’un nom noyau précédé d’un élément préfixal, les éléments sont soudés entre eux si la soudure n’entraîne aucun problème de lecture. On écrira, par exemple : antiabolitionniste, coaccusé, oligoélément ou socioprofessionnel.
En revanche, pour éviter les erreurs de lecture dues à la réunion de certaines voyelles (la réunion de o et i pourrait se prononcer « oi », la réunion de o et de u pourrait se prononcer « ou », la réunion de a et u pourrait se prononcer « au », etc.), on séparera les éléments dans des mots comme génito-urinaire, néo-impressionnisme ou intra-utérin.
La tournure suite à, qui appartient au langage commercial, n’est pas de bonne langue dans l’usage courant. Dans la correspondance, on dira plutôt comme suite à ou pour faire suite à lorsqu’on se réfère à une lettre qu’on a écrite soi-même antérieurement ; on emploiera en réponse à dans les autres cas. Pour faire allusion à un évènement, à une conversation, on dira par exemple : après ou à la suite de.
Par ailleurs, la locution de suite, souvent employée à tort à la place de tout de suite, signifie en réalité « l’un après l’autre, sans interruption » : Il ne saurait dire deux mots de suite. Il faudra donc se garder de dire Je reviens de suite, qui n’a guère de sens.
Après s’être répandu dans la langue populaire ou familière, l’usage de la préposition « sur » où l’on attendrait la préposition « à » est aujourd’hui fréquente dans les médias (travailler sur Paris ; déménager sur Brest). Si, avec un verbe de mouvement, cette construction peut éventuellement se justifier par sa connotation dynamique (ainsi de déménager sur Toulouse qui rappelle marcher sur Rome), elle ne peut en revanche être acceptée avec un verbe qui n’a pas cette connotation (j’habite à Paris et non j’habite sur Paris).
Voici d’ailleurs ce qu’écrivait en 2002 M. Maurice Druon, Secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie française :
L’accord de tel introduisant un ou plusieurs exemples ou une comparaison suit la règle suivante :
Les temps dits surcomposés servent à marquer des faits antérieurs et accomplis par rapport à des faits qui, eux-mêmes antérieurs par rapport à d’autres faits, s’exprimeraient par les temps composés correspondants. À la voix active, on forme l’indicatif passé surcomposé en ajoutant le présent de l’auxiliaire avoir au participe passé de l’auxiliaire avoir ou de l’auxiliaire être (selon les verbes) du passé composé : elle a fait cela donne quand elle a eu fait cela ; ils ont fait cela donne quand ils ont eu fait cela ; elle est partie donne quand elle a été partie, ils sont partis donne quand ils ont été partis.
À l’indicatif plus-que-parfait surcomposé, temps d’emploi assez rare marquant l’antériorité par rapport au plus-que-parfait, on ajoute dans les mêmes conditions l’imparfait de l’auxiliaire avoir : quand elle avait eu fait cela, quand ils avaient eu fait cela ; quand elle avait été partie, quand ils avaient été partis.
Le futur antérieur surcomposé, d’emploi également assez rare, marque l’antériorité par rapport au futur antérieur et se forme avec l’auxiliaire avoir au futur : quand elle aura eu fait cela ; quand elle aura été partie.
Le passé antérieur surcomposé, qui est très rare, marque l’antériorité par rapport au passé antérieur et se forme avec avoir au passé simple : quand elle eut eu fait cela ; quand elle eut été partie.
Tout aussi rares sont les autres temps : conditionnel passé surcomposé (quand elle aurait eu fait cela ; quand elle aurait été partie) ; subjonctif passé surcomposé (avant qu’elle ait eu fait cela ; avant qu’elle ait été partie) ; subjonctif plus-que-parfait surcomposé à valeur de conditionnel (si elle eût eu fait cela ; si elle eût été partie) ; participe passé surcomposé (ayant eu fait cela ; ayant été partie) ; infinitif passé surcomposé (après avoir eu fait cela ; après avoir été partie).
La voix passive se forme selon les mêmes procédés à partir des passifs correspondants : quand cela a été fait (passé composé passif) donne quand cela a eu été fait (passé surcomposé passif).
Les formes surcomposées sont inusitées pour les verbes pronominaux.
Bien qu’ils appartiennent principalement au langage parlé, les temps surcomposés se rencontrent chez les meilleurs auteurs, de Stendhal à Mauriac en passant par Balzac, Hugo, Renan ou Proust.
C’est surtout dans le Midi que l’on emploie le passé surcomposé au lieu du passé composé pour insister sur le caractère révolu et lointain des faits évoqués : « Je l’ai eu su » (sous-entendu : il y a bien longtemps, et j’ai tout oublié). Chez l’humoriste F. Raynaud : « Ça a eu payé » (et non, comme on le voit parfois écrit, « ça eut ou eût payé »). On considère généralement cet emploi comme dialectal.
L’éminente linguiste Henriette Walter signale enfin un malaise assez répandu vis-à-vis de ces temps et remarque à propos du passé surcomposé :
Devant les développements considérables des sciences et des techniques et afin d’éviter l’emploi en trop grand nombre de termes étrangers, le plus souvent anglo-saxons, les pouvoirs publics ont souhaité se doter d’un dispositif de terminologie et de néologie, qui a été institué par le décret du 3 juillet 1996, conformément à l’esprit de la loi sur la langue française dite « loi Toubon » du 4 août 1994 ; il vise à enrichir la langue française en maintenant sa vitalité et en lui conservant sa vocation universelle. Au sein de ce dispositif, l’Académie française s’est vu attribuer un rôle éminent qui confirme le magistère qu’elle exerce sur la langue. Ainsi, elle est présente aux différentes étapes du processus d’élaboration des termes. Elle participe aux travaux des commissions spécialisées, qui proposent, dans des domaines variés (transports, télécommunications, internet, économie et finances, ingénierie nucléaire, etc.), des termes français pour désigner les notions et les réalités nouvelles. Elle est membre de droit de la Commission générale qui examine les propositions de ces commissions spécialisées. Enfin, elle donne son aval pour la publication au Journal officiel des termes, accompagnés de leurs définitions. L’emploi des équivalents français devient alors obligatoire au sein des administrations et des services publics, en remplacement des termes étrangers.
Chaque année, sont ainsi publiés trois à quatre cents termes correspondant à une quinzaine de listes relevant des domaines les plus divers. À titre d’exemple, en 2007, six cent cinquante-neuf termes ont été examinés par la Commission générale ; au terme de la procédure, trois cent dix-sept termes, approuvés par l’Académie française, ont été publiés. Par ce biais, l’Académie est en mesure d’orienter l’évolution de l’usage dans des domaines où il est le plus vivant, tels que l’audiovisuel, l’informatique ou le sport. Pour la plupart, les termes issus du dispositif, utiles mais très spécialisés, ne figureront pas dans le Dictionnaire de l’Académie française, qui est un dictionnaire d’usage courant et n’a pas vocation encyclopédique. La Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), qui anime et coordonne ce dispositif d’enrichissement du français, assure la diffusion de ce vocabulaire. Vous pourrez ainsi le retrouver dans son intégralité dans la base de données France Terme, ou sous la forme de fascicules thématiques qui sont mis à disposition des professionnels concernés et du grand public, sur demande adressée à la Délégation (6 rue des Pyramides, 75001 Paris). Par ailleurs, les commissions spécialisées organisent régulièrement des rendez-vous avec la presse pour faire connaître leurs travaux.
Si vous désirez en apprendre davantage sur les commissions de terminologie et de néologie, nous vous invitons à consulter la rubrique « Vocabulaire et terminologie » du site internet de la Délégation à la langue française et aux langues de France ainsi que le rapport annuel de la Commission générale que la Délégation met en ligne.
Tout étonnée, mais toute surprise
La variabilité de Tout, adverbe, devant un mot féminin commençant par une consonne, constitue une singularité bien révélatrice de la résistance de l’usage, produit d’une histoire, à une « logique » grammaticale qui ne souffrirait pas d’exceptions.
Dans l’ancienne langue, qui traitait les mots selon leur nature, Tout employé adverbialement, mais considéré dans sa « nature » d’adjectif indéfini, s’accordait ordinairement avec l’adjectif qu’il modifiait.
À l’époque classique, cet ancien usage survit, mais se voit concurrencé par une tendance à l’invariabilité que les grammairiens s’efforcent de généraliser, non sans difficultés ni contradictions.
Dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie française (1694), il était dit : « En ce sens, Tout se décline lorsque l’adjectif qui le suit est féminin […] Quelques-uns cependant ne déclinent point Tout devant les adjectifs féminins qui commencent par une voyelle. » Le sentiment de l’Académie paraît donc être, à la fin du XVIIe siècle, que l’usage dominant oppose le masculin invariable tout, prononcé [tut] devant la voyelle et [tu] devant la consonne, au féminin variable toute-toutes, prononcé [tut] dans tous les cas, ce qui revient à dire que le e du féminin se fait entendre. Le problème devient alors : faut-il noter graphiquement cette marque du féminin ? Et, si oui, peut-on noter une variation de genre sans noter la variation de nombre ?
Dans les commentaires joints aux Remarques de Vaugelas publiées par elle en 1704, l’Académie établit la règle actuelle : « Il faut dire et écrire elles furent tout étonnées […] quoiqu’on demeure d’accord qu’il faut mettre toute et toutes devant les adjectifs qui commencent par une consonne : Cette femme est toute belle, ces étoffes sont toutes sales ».
Cette position est confirmée dans la deuxième édition (1718) et reprise ensuite par toutes les grammaires et tous les dictionnaires. Elle représente un sage compromis entre la « bizarrerie » de l’usage et la « logique » grammaticale puisque :
Ce compromis était sans doute assez judicieux, puisqu’il a survécu au temps, et permet de prendre en compte la survivance effective d’un usage fort ancien dans la langue parlée d’aujourd’hui. Tout au plus peut-on noter, curieusement, et chez de bons auteurs, la marque du féminin devant voyelle : Elle en est toute étonnée, mais au singulier seulement, car on sent bien qu’au pluriel, la liaison ferait comprendre Elles en sont toutes étonnées comme Toutes en sont étonnées. |
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14 février 2009
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