1. Le nombre
Les communes dont le nom commencent par un article défini pluriel sont en général au pluriel : Les Andelys sont dans l’Eure, Les Lilas sont en Seine-Saint-Denis, Les Pavillons-sous-Bois aussi, Les Pennes-Mirabeau se trouvent dans les Bouches-du-Rhône.
Les autres éléments pluriels ne déterminent pas un nombre pluriel : Dammary-les-Lys est en Île-de-France, L’Haÿ-les-Roses de même, tout comme Issy-les-Moulineaux.
Il convient d’éviter certaines confusions :
– La préposition lès (parfois écrite lez) n’est pas un article défini. Elle se trouve à l’intérieur de toponymes et signifie « à côté de » (du latin, latus) comme dans Villeneuve-lès-Avignon.
– Des Moines, capitale de l’Iowa, ne comporte pas d’article défini. C’est la ville de Des Moines et non la ville des Moines.
– Les noms qui se terminent par un -s ne sont pas obligatoirement des pluriels en français même s’ils ont pu l’être en latin. Ces noms dérivent souvent d’un nom de peuple gaulois utilisé à l’ablatif pluriel : Reims, chez les Rèmes. Dans d’autres cas, le s provient du radical et non de la désencence, Paris, chez les Parisii (Parisiis).
– Les articles définis étrangers non traduits ne suivent pas la première règle : Los Angeles est en Californie, Los Alamos est célèbre. L’article n’est jamais contracté, il est écrit avec majuscule et est classé à la lettre L, contrairement aux Andelys.
2. Genre
Le genre des noms de villes est difficile à déterminer. On peut le déduire à la présence d’un article défini singulier :
– L’article masculin semble décider le genre : Le Caire, Le Havre, Le Mans, le Grand-Quevilly, le Creusot. Cela se vérifie en cas de contraction, on arrive au Mans et non à Le Mans qui est si belle.
– L’article féminin aussi : La Seyne-sur-Mer, La Havane, La Nouvelle-Orléans, L’Isle-sur-la-Sorgue,La Tour-du-Pin paraissent féminines.
On peut aussi le déduire à partir d’un élément qui possède son genre parmi les noms communs : Forges-les-Eaux, Les Sables-d’Olonne. Mais les erreurs sont possibles : Saintes ne doit rien aux saintes, mais à un peuple de Gaulois (et aussi de Gauloises).
Les « saints » permettent de se faire une idée : Saint-Louis et Sainte-Menehould n’ont de commun que la canonisation. Cela fonctionne aussi pour les saints de deux genres : Saint-Claude est réputé pour ses pipes.
Le déterminant final a peu de poids si c’est un substantif : Alfortville peut être masculin au contraire de Mantes-la-Ville. Remiremont est souvent féminin alors que c’est le mont de Rémy. Strasbourg peut être féminine à l’image de Bourg-la-Reine. Et l’on s’égare dans Villeneuve-le-Roi, la ville neuve du roi, avec absence de préposition comme en ancien français. Château-Thierry même pourrait faire croire à un nom masculin alors que, dans les faits, ce n’est pas aussi évident.
En revanche, Annecy-le-Vieux, Morschwiller-le-Bas, Lons-le-Saunier, Mantes-la-Jolie, Paray-le-Monial, Pierre-Bénite, Le Blanc-Mesnil, Villiers-le-Bel donnent leur genre par l’adjectif. Encore convient-il de ne pas le confondre avec un substantif comme dans Ozoir-la-Ferrière, le second élément est un complément de détermination sans préposition. Et il ne faut pas se laisser égarer par l’ancienne forme de l’adjectif grand qui était régulière au féminin : La Grand-Combe. Attention ! Belleville – quartier certes, mais ancienne commune – peut être beau.
En l’absence d’élément clairement marqué, on pourrait fabriquer une règle en se fondant sur les terminaisons : les noms s’achevant par un e caduc dans la dernière syllabe seraient féminins, les autres noms seraient masculins. On aurait le e comme marque du féminin. Cette règle ne résiste pas à l’examen : Le Kremlin-Bicêtre est masculin, La Paz est féminine. En fait, le genre des villes peut être influencé par une telle terminaison à l’oral et plus fréquemment à l’écrit. Cette attraction est similaire à celle exercée par les substantifs présents dans le nom.
3. Les implicites
Dans d’autres cas, on peut avoir affaire à un accord par syllepse : un élément déterminant est sous-entendu. Ce peut être le fort, le port, l’aéroport, une société, le siège d’un gouvernement ou d’une autorité par périphrase.
– Sedan paraissait sûr à Napoléon III (c’est le fort). Sedan paraissait sûre à Napoléon III (c’est la citadelle, la place fortifiée).
– Bruxelles est attentif à la question linguistique (c’est le gouvernement fédéral belge). Bruxelles reste circonspecte à propos de Paris (c’est la commission exécutive européenne).
La syllepse peut s’étendre aux notions de ville, de bourg, de commune ou de village. Yonville est fictif dans Madame Bovary. Saint-Quentin-en-Yvelines est récente. Le masculin réduit le lieu aux idées de bourg ou de village, le féminin agrandit la commune à la taille d’une ville. Cet implicite peut aussi être renversé car il s’agit souvent d’une question de registre de langue et si des éléments clairs dans l’énoncé ne montrent pas cette réduction ou cette hyperbole, on ne peut savoir.
Les écrivains privilégient le féminin ; le français courant et le langage parlé préfèrent le masculin. Le féminin est ancien pour les noms de villes, on l’utilisait en ancien français, il provient directement du latin où les villes étaient à de rares exceptions du genre féminin, cela concerne surtout des emprunts du latin (Ilion, neutre, Troie ; Bibracte, neutre, mont Beuvray). Les noms en-us étaient aussi féminins comme Tyrus, Corinthus. Un nom était féminin pluriel : Athenæ, Athènes. Le masculin résulte d’une évolution de l’usage, il n’est pas la règle.
Lorsque le toponyme est utilisé pour désigner une équipe ou un club sportifs, le masculin est de rigueur (même s’il s’agit d’une équipe féminine) : La Havane a été battu à La Paz, Rome s’est désisté. Cet usage me paraît plus que discutable !
Les villes italiennes sont demeurées attachées à leur genre. Pourquoi ? Le genre des noms de villes est féminin en italien, même en l’absence d’une terminaison spécifiquement féminine : la nuova Turino (le nouveau Turin), la vecchia Firenze (le vieux Florence). L’importance des villes dans la culture et l’histoire italienne, la mode italianisante en France à partir de la Renaissance ont fait le reste. On écrit ainsi : la Florence des Médicis mais le Florence de Foster dans A Room with a View, la Rome antique ou des papes mais le Rome de Fellini ou de Pasolini, la Milan des Visconti mais le Milan de Gadda. Qu’est-ce à dire ? Le féminin dépayse, nous renvoie à une époque antérieure – à la fois superbe, figée dans le marbre blanc, immarcessible, mais superbement morte… Le masculin renvoie à une image contemporaine, plus sordide ou plus banalisée. La Rome de César est plus belle que le Rome de Berlusconi.
4. Syntaxe
Lorsqu’elles sont déterminées par des adjectifs antéposés (grand, ancien, haut, vieux, nouveau, tout), les villes deviennent plus aisément masculines.
– Le vieux Châlons a été détruit par des spéculateurs et des architectes.
– L’ancien Paris est mort.
– Lorsque l’Empire allemand occupait l’Alsace, il existait le grand Mulhouse et le grand Strasbourg.
– Le nouveau Belleville accueillera des bobos.
C’est aussi vrai pour les adjectifs posposés ou substantifs employés comme adjectifs ainsi :
– Reims-centre est devenu la victime d’une bruxellisation. (Il s’agit du centre de Reims.)
– Paris-ouest est idéal pour les catégories supérieures. (C’est l’ouest de Paris.)
Il convient de faire un sort à tout. Lorsque les noms de villes sont précédées de tout, tous les noms renoncent au féminin, y compris ceux qui comprennent un article défini féminin : tout La Rochelle en était troublé. Tout est un neutre sous la forme du masculin singulier, il vaut à la fois pour la ville, la population et pour les gens, les habitants. Le tout-Paris n’est pas différent. Bien sûr, il s’agit d’une hyperbole, une de plus, et l’on aurait tort de condamner des formes comme : Tout Londres est en flamme, Tout Paris est dans les rues. Est-ce que l’on va compter le nombre d’habitants de chacune de ces villes et chercher à savoir si ce sont bien des habitants du lieu ?
Toute grande localité masculine peut prendre le genre du mot ville ou du mot cité. Les petites peuvent se rabattre sur la bourgade ou la commune.
5. Écriture des noms de villes
L’article initial s’écrit avec une majuscule, sauf s’il est contracté : Le Mans, La Nouvelle-Orléans, La Rochelle, Les Sables-d’Olonne, Le Touquet, Le Plessis-Robinson. Le train arrive en gare du Mans, le voyageur se rend au Touquet et ensuite aux Sables-d’Olonne.
Les toponymes et les patronymes sont soumis à des règles de classement différentes. Le classement alphabétique des localités ne tient pas compte de l’article défini initial : Mans (Le), Rochelle (La). Les patronymes sont, en revanche, classés en tenant compte de l’article défini s’il fait partie du nom ou d’un pseudonyme reconnu : Le Bihan, Le Corbusier, Le Goff… Mais le Lorrain (Claude Gellée, dit), le Primatice… Il serait possible d’écrire l’article des toponymes sans la capitale, comme cela se pratiquait – comme cela se pratique sur les cartes Michelin.
Les articles initiaux ne sont jamais liés au nom par un trait d’union : La Garenne-Colombes, Le Plessis-Trévise, Des Moines.
Les articles intérieurs s’écrivent sans capitale : Baume-les-Dames, Vitry-la-Brûlée, Vitry-le-François. Cette règle s’étend aux prépositions : Châlons-sur-Marne, Châlons-en-Champagne, Aulnay-sous-Bois, Villeneuve-lès-Avignon, Bois-d’Arcy, La Valette-du-Var. Cela vaut aussi pour la conjonction et : Les Istres-et-Bury.
Les adjectifs, les substantifs du toponyme prennent tous une capitale : Six-Fours-les-Plages, Tassin-la-Demi-Lune.
Les toponymes s’écrivent en liant tous les mots par des traits d’union, sauf les articles initiaux. Cela peut donner des noms très longs comme celui-ci : Saint-Rémy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Isson. Une règle pour l’expédition du courrier par La Poste veut que l’on n’accentue pas les toponymes, qu’on n’emploie pas de trait d’union, que l’on écrive tout en capitales. En réalité, l’impératif technique ne tient pas et La Poste n’est pas une autorité en matière de toponymie ou d’orthotypographie.
Les noms de villes étrangères ne suivent pas cette règle du trait d’union si ce ne sont pas des noms intégrés : on écrit New York, San Francisco, Little Rock. Et cela vaut aussi pour d’anciens noms français : Baton Rouge. En revanche, les noms francisés suivent la règle générale : Bois-le-Duc
(‘s Hertogenbosch) s’écrit comme Bois-le-Roi en France.
Attention ! Ne pas confondre le nom propre composé (avec trait d’union) et le surnom (pas de trait d’union) : Luxeuil-les-Bains, Mantes-la-Jolie et Alger la Blanche, Lille la Rose ou la Rouge. Les premiers sont les vrais noms, les seconds des noms forgés récemment, tout aussi légitimes mais qui ne possèdent pas d’existence légale malgré l’origine identique. Il existe encore des noms de fantaisie que l’on peut confondre avec le vrai nom : Hyères n’est pas Hyères-les-Pins, Saint-Dié n’est pas Saint-Dié-des-Vosges, mais Châlons-en-Champagne fut longtemps un nom faux alors que c’était le nom exact bien avant la Révolution et qu’il fut employé durant vingt ans récemment pour qu’on l’écrive comme tel, c’est depuis un épisode historique qui a donné lieu à controverses, mais certains enfants sont nés à Châlons-en-Champagne et d’autres à Châlons-sur-Marne selon leur heure. Il convient de distinguer entre le nom que la commune veut donner d’elle sur ses documents et puis son nom réel…
14 février 2009
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