GERMINAL
Sixième partie chapitre 4
De « Jeanlin se ramassa … » à « …pour les riches! »
Introduction
1. Présenter l’œuvre et l’auteur : Emile Zola.
2. Situer le passage
3. Présenter ses axes de lecture
Germinal fait partie des Rougon-Macquart publiés par Zola en 1885. Germinal relate de manière naturaliste la lutte ouvrière dans le nord de la France au XIXème siècle. Le texte se trouve dans la 6ème partie de Germinal, dans le chapitre 4. Etienne, le meneur de la grève vient d’être témoin du meurtre d’un soldat par Jeanlin, fils de Maheu. Ce passage met en scène la confrontation de ces 2 personnages. Nous verrons en quoi Jeanlin démontre la thèse du déterminisme et nous étudierons ensuite l’aspect pathétique de cette scène.
Lecture
Jeanlin se ramassa, se traîna sur les mains, avec le renflement félin de sa maigre échine; et ses larges oreilles, ses yeux verts, ses mâchoires saillantes, frémissaient et flambaient, dans la secousse de son mauvais coup.
- Nom de Dieu! pourquoi as-tu fait ça?
- Je ne sais pas, j’en avais envie.
Il se buta à cette réponse. Depuis trois jours, il en avait envie. Ca le tourmentait, la tête lui en faisait du mal, là, derrière les oreilles, tellement il y pensait. Est-ce qu’on avait à se gêner, avec ces cochons de soldats qui embêtaient les charbonniers chez eux? Des discours violents dans la forêt, des cris de dévastation et de mort hurlés au travers des fosses, cinq ou six mots lui étaient restés, qu’il répétait en gamin jouant à la révolution. Et il n’en savait pas davantage, personne ne l’avait poussé, ça lui était venu tout seul, comme lui venait l’envie de voler des oignons dans un champ.
Etienne, épouvanté de cette végétation sourde du crime au fond de ce crâne d’enfant, le chassa encore, d’un coup de pied, ainsi qu’une bête inconsciente. Il tremblait que le poste du Voreux n’eût entendu le cri étouffé de la sentinelle, il jetait un regard vers la fosse, chaque fois que la lune se découvrait. Mais rien n’avait bougé, et il se pencha, il tâta les mains peu à peu glacées, il écouta le coeur, arrêté sous la capote. On ne voyait, du couteau, que le manche d’os, où la devise galante, ce mot simple: « Amour », était gravée en lettres noires.
Ses yeux allèrent de la gorge au visage. Brusquement, il reconnut le petit soldat: c’était Jules, la recrue, avec qui il avait causé, un matin. Et une grande pitié le saisit, en face de cette douce figure blonde, criblée de taches de rousseur. Les yeux bleus, largement ouverts, regardaient le ciel, de ce regard fixe dont il lui avait vu chercher à l’horizon le pays natal. Où se trouvait-il, ce Plogof, qui lui apparaissait dans un éblouissement de soleil? Là-bas, là-bas. La mer hurlait au loin, par cette nuit d’ouragan. Ce vent qui passait si haut, avait peut-être soufflé sur la lande. Deux femmes étaient debout, la mère, la soeur, tenant leurs coiffes emportées, regardant, elles aussi, comme si elles avaient pu voir ce que faisait à cette heure le petit, au-delà des lieues qui les séparaient. Elles l’attendraient toujours, maintenant. Quelle abominable chose, de se tuer entre pauvres diables, pour les riches!
Annonce des axesEtude
I. Thèse du déterminisme
1) Influence de l’hérédité
- Utilisation de la métaphore filée (qu’on retrouve à plusieurs endroits du texte) : animalité :
- » Renflement félin «
- » Etienne le chassa encore d’un coup de pied ainsi qu’une bête inconsciente «
- » Maigre échine » : Corps d’un animal
- » Mâchoires saillantes » : Corps d’un animal
- » Jeanlin se ramassa et se traîna sur les mains » : Attitude physique d’un animal
Jeanlin est traité par Etienne comme un animal, il fait partie de l’espèce animale. Jeanlin est identifié physiquement à un animal.
Jeanlin suit son » envie » : » Il en avait envie » et » J’en avais envie » ainsi que » Ca lui était venu tout seul « . Le mot envie est répété. Il est incapable d’expliquer ses actes et ses paroles : » Il se buta à cette réponse « .
- » Ca le tourmentait, la tête lui en faisait du mal, là, derrière les oreilles » : Douleur physique. Mauvais style, utilisation du discours indirect libre et de la focalisation 0.
- » Etienne, épouvanté de cette végétation sourde du crime au fond de ce crâne d’enfant » : Pensées et interprétation d’Etienne. Etienne est soumis à la même fatalité (Chaval)Conclusion du 1. : L’influence de l’hérédité est marquée par le caractère animal de Jeanlin et le caractère moral (prédominance de l’instinct). Dégénérescence physique et morale de Jeanlin. Les raisons qui poussent Jeanlin à tuer sont inscrites dans ses gènes (fatalité).
2) Influence du milieu
- Imitation des adultes
- » Des discours violents dans la forêt, des cris de dévastation et de mort hurlés au travers des fosses, cinq ou six mots lui étaient restés, qu’il répétait en gamin jouant à la révolution «
- » Et il n’en savait pas davantage, personne ne l’avait poussé, ça lui était venu tout seul, comme lui venait l’envie de voler des oignons dans un champ » : Absence d’éducation et de sens moral de la part de ses parents. - Le lieu
Jeanlin vit sous terre comme un animal dans un terrier, seul. Il ne peut devenir qu’un animal, un marginal. Il ne suit plus les règles sociales. La vie sous terre (obscurité) évoque le côté symbolique de la noirceur de son âme et ses pensées (comportement).
Conclusion partielle : Jeanlin n’est pas montré comme responsable de son crime mais victime du milieu où il vit. Jeanlin est un personnage emblématique de la thèse du déterminisme dans la mesure où son comportement criminel est fatal.
II. Une scène pathétique Le personnage de Jeanlin est utilisé comme un argument par Zola pour montrer que l’état d’abêtissement dans lequel les mineurs sont maintenus ne peut que compromettre le succès de la grève. C’est par une scène à tonalité pathétique que le sentiment d’échec ressenti par Etienne est communiqué aux lecteurs.
1) La mort d’un innocent
- Le couteau
- » On ne voyait, du couteau, que le manche d’os, où la devise galante, ce mot simple: « Amour », était gravée en lettres noires. » : Contraste entre la 1ère destination du couteau (l’amour) et l’usage qu’en fait Jeanlin (donner la mort) ; Contraste visuel entre la couleur blanche du manche en os et les lettres noires. - La caractérisation de la victime
- Innocence, jeunesse, douceur : » douce figure blonde « , » criblée de tâches de rousseur « , » yeux bleus « . Stéréotype de l’innocence ; Contraste avec le caractère sauvage : » mâchoires saillantes « . - La désignation du soldat
- » la sentinelle » : neutre
- » le petit soldat » : terme affectif
- » Jules, la recrue … » : Nom propre à Connaissance personnelle
- » le petit » : terme affectif
Conclusion du 1. : Le meurtre d’un innocent prouve que cette scène est pathétique.2) L’évolution d’Etienne : la désillusion
- Les sentiments d’Etienne
- Colère, juron : » Nom de Dieu ! «
- Indignation : » Quelle abominable chose, de se tuer entre pauvres diables, pour les riches! «
- Peur : » épouvanté « , » il tremblait « . Il a peur d’être pris comme responsable de ce crime.
- Pitié : » Une grande pitié le saisit » (dite explicitement), dite implicitement par diverses images : Procédé : discours indirect libre, à travers les pensées d’Etienne (Images : 2 femmes qui espèrent, registre affectif, stéréotype accentué par les toques bretonnes ) - La nature
- Contraste entre 2 paysages : le soleil (rêve) et la nuit (pleine lune et ouragan)
- Personnification de la mer : » la mer hurlait » (jeu d’homophonie avec mère)
- » Les éléments se déchaînent «
- » Le vent souffle » : annonciateur du malheur La nature est compatissante. La nature et Etienne ressentent les mêmes sentiments. Les éléments se déchaînent.
Conclusion partielle : Zola communique le sentiment de pitié aux lecteurs grâce à des images. La pitié est renforcée par ces images (tendresse et nature).
Conclusion Le passage montre l’échec de la grève, la révolte et amène à la fusillade. Il a besoin de tuer.
4 février 2009
1.Lu pour vous