« Tirer au flanc / au cul »
Éviter le travail, les corvées
Ceux qui s’amuseraient à utiliser un flan comme munition d’un lance-pierres ou d’un canon auraient certainement de graves déconvenues ou bien pourraient en rester comme deux ronds de flan
devant le résultat obtenu. Et pourtant, dans certaines lectures, l’orthographe de l’expression pourrait laisser croire que c’est bien de cela qu’il s’agit[1].
Cette expression nous viendrait du milieu militaire à la fin du XIXe siècle.
Dans une armée en ordre de bataille, il y a l’avant de la troupe, le front, là où ça chauffe, où il est possible de faire preuve d’héroïsme et/ou de mourir très rapidement, et les flancs (dénomination utilisée dans ce contexte depuis le XVIe siècle), lieux généralement plus calmes où il vaut mieux se trouver si on n’a trop l’intention de mourir bêtement pour une cause qui nous dépasse (sauf, bien entendu, quand un ennemi belliqueux décide d’attaquer aussi par les flancs, l’imbécile).
Celui qui se trouvait au front et qui, pris d’un besoin pressant (de se mettre à l’abri, pas d’autre chose), se déportait vers le flanc était quelqu’un qui cherchait à échapper aux principaux risques et qui était plutôt mal vu par ses petits camarades.
Par extension, celui qui se faufile en douce vers le côté pour éviter quelque chose de déplaisant, le paresseux qui veut en faire le moins possible, qui cherche à échapper aux corvées, est devenu le tire-au-flanc, sens qui s’est ensuite répandu très largement hors du monde militaire.
Et si, tirer au flanc, c’est essayer d’échapper à la corvée en s’échappant sur un côté, tirer au cul autre version plus vulgaire, c’est aussi se dérober, mais vers l’arrière cette fois.
Maintenant, j’en imagine bien certains qui se disent « j’ai bien compris pourquoi on parle ici du flanc ou du cul, mais pourquoi ‘tirer’ » ?
Eh bien cela ne vient pas du fait qu’on est à l’origine dans le milieu militaire et que celui-ci se fait un plaisir d’utiliser des armes à feu !
Pensez plutôt au verbe « se tirer » qui veut dire « s’éloigner » ou bien « s’enfuir ». Il n’est pas aussi argotique qu’on pourrait le croire, puisque ‘tirer’ a eu le sens de « aller vers » ou « s’acheminer vers », comme Molière l’utilise dans L’étourdi, par exemple (« Tirons de ce côté ») ou comme on le trouvait dans les locutions « tirer de long » ou « tirer de large » qui voulaient dire « s’enfuir ».
[1] Cherchez un peu « tirer au flan » sur un moteur de recherche Internet, pour voir…
« - Vous pensez qu’il sort le soir ?
- Non pas lui, en tous cas, il n’en a pas la réputation. Disons qu’il a un côté tire-au-flanc et passe beaucoup de temps près du distributeur de boissons. »
Gérard Faure – Les innocents de Roc’h Tredudon
Certains dictionnaires anciens proposent une autre explication pour le ‘flanc’ en faisant un lien avec les animaux qui se couchent sur le flanc pour se reposer. Qui dit repos, dit aussi parfois paresse. Et qui dit paresse, dit usage de moyens pour éviter les choses fatigantes comme les corvées, par exemple.
Cette expression s’est rapidement substantivée en « tire-au-flanc » pour désigner celui qui tire au flanc. |
28 janvier 2009
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