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Œuvres de Khadra : un continuum d’horreurs ?

27 janvier 2009

LITTERATURE

Œuvres de Khadra : un continuum d’horreurs ?

               Publié en 1989 aux éditions Enal, ce roman, Le Privilège du Phénix fait partie d’une trilogie dont la trame se déroule dans un cadre historique de l’Algérie des premières années de la conquête coloniale au temps de la dépossession des terres aux guillotines de Serkadji durant la guerre de libération. De Mohammed Moulessehoul à Yasmina Khadra qui redevient avec L’Ecrivain Mohammed Moulessehoul, l’Algérie n’a pas plutôt recouvert d’encre le sang des victimes de Bugeaud que, la revoilà, inondée de nouveau du sang  des victimes de la barbarie intégriste.

              Du génocide colonial à l’islamisme armé, ce « palimpseste de sang » dont parle Rachid Boudjedra ne finit pas de recueillir les cris des suppliciés des enfumades de Zaâtchas auxquels se joignent ceux des enfants égorgés dans leur couche par les monstres de Zouabri. Le privilège du Phénix, La fille du Pont et El Kahira, La Cellule de la mort revêtent plus de force sémantique depuis la publication de Les Agneaux du seigneur et A quoi rêvent les loups. Des uns aux autres, c’est un continuum de violences inédites dans l’histoire de l’humanité : la conquête de colonisation de peuplement et les carnages pour l’instauration de l’Etat théocratique. Flen, le personnage de Le Privilège du Phénix est autant dépossédé de son identité piétinée que ne l’est l’horrible Nafaâ, le tueur du GIA, plus d’un siècle après.

              A la différence de Rachid Boudjedra, qui, dans La vie à l’endroit, rapproche les deux tragédies entre les séquelles actives du passé et les assassinats terroristes qui hantent la vie du jeune couple personnage Rac et Yol, Yasmina Khadra opte pour une approche littéraire chronologique, passant de la touche romanesque où l’on décèle l’implication de l’auteur notamment dans les descriptions paysagistes très émouvantes à un style événementiel que l’on qualifierait de « photographique », expression de William Faulkner plus visible dans la syntaxe dépouillée d’expansions du roman urbain et froid de Tahar Djaout Les Vigiles.

             Mais Khadra suggère les racines du mal qui vont loin dans le passé et s’enchevêtrent dans le présent des massacres intégristes. N’est-ce pas dans la ferme des Xaviers, lieu d’enracinement des colons que les premiers appels intégristes au meurtre ont pris au village de Ghachimat dans Les Agneaux du Seigneur, un village décimé par ses propres habitants revenus de la « guerre sainte » d’Afghanistan. Ce village au nom comme prédestiné à l’hécatombe des hordes islamistes locales ressemble à celui, fantomatique, de Hawachine où Flen est laissé pour mort par un bandit d’honneur : Bouziane II. Mais Khadra n’use que d’évocations pour suggérer la parenté entre l’horreur de Bugeaud si présente dans La Fille du Pont et l’horreur islamiste qu déferle dans ses derniers romans, totalement. Tragiquement.

            C’est l’écrivain pionner du roman maghrébin moderne, Mohammed Dib qui a su, dans une métaphore ciselée, mettre dans le même temps narratif ces deux tragédies au terme de plus d’un demi-siècle d’écriture depuis sa trilogie historique. Dans Si Diable veut, en effet, le lecteur retrouve, synthétisés, le style imaginatif et l’intertexte de Boudjedra se référant à l’histoire documentaire (des passages d’historiens décrivant, par exemple, dans La Vie à l’endroit, les enfumades de Zaâtchas), le style événementiel de Yasmina Khadra sous le symbolisme des chiens d’Ibliss qui s’attaquent au village le jour de l’Aid Tamuqrant affolées, comme les jeunes illuminés de Ghachimat qui égorgent leurs parents.

            Mais le nain, Llaz (un terme berbère qui signifie la famine), l’irréductible compagnon de Flen, qui force ce dernier à retrouver son identité et à s’éveiller à la dignité humaine et, donc à le sauver de la déchéance, n’a aucune paternité avec cet être vil, l’effroyable Zane, l’autre « nain », ce double face de Ghachimat où il est le seul survivant du génocide. « Zane (le nain) a passé sa vie à le concevoir, à le souhaiter, à lui préparer une plate-forme assez large pour le contenir en entier » dit Khadra de son nain inspiré des réalités des carnages des GIA. Tout au contraire, Llaz, s’est employé à concevoir l’amitié, à la souhaiter, à la vivre. Contrairement au genre « polar » attribué à ses derniers romans, allusion faites à la série du commissaire Llob, Yasmina Khadra use d’un sens aigu d’humanisme en décrivant l’horreur dans sa nudité. La cacher, l’enjoliver, la suggérer, c’est la trahir. C’est en ce sens que son écriture emprunte à la pédagogie la force de l’observation et du symbole.

     

 

 

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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