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Maïssa Bey

27 janvier 2009

LITTERATURE

 Maïssa Bey dans LITTERATURE doc massabeyromans.doc

 

Maïssa Bey

      Maissa Bey est le pseudonyme de Samia Benameur, née à Ksar el Boukhari (Médéa) en 1950, petit village au sud d’Alger ; après des études de français, elle devient enseignante. Elle est également fondatrice et présidente d’une association de femmes algériennes paroles et écriture . Elle vit et écrit dans l’Ouest algérien.



Commentaire

       » Je marche dans les rues de la ville. J’avance, précédée ou suivie, je ne sais pas, je ne sais pas, mais quelle importance, suivie ou précédée d’un épais nuage de poussière et de cendres intimement mêlées. Je traverse des rues, des avenues, des boulevards, des impasses, des allées, des venelles qui sont à présent chemins de pierres et de terre. Et le présent, démesurément dilaté, se fait stridence, espace nu où s’abolit le temps. [...] Il paraît que j’ai poussé un grand cri, un seul, juste avant d’ouvrir les yeux. Je n’en ai aucun souvenir. « 
Amina, une jeune fille jusqu’alors sans histoire, profondément ébranlée par le tremblement de terre survenu dans son pays, décide brusquement de rejoindre la cohorte des victimes du séisme. Elle se défait ainsi de son identité, de ses racines, de sa vie même, et va découvrir, au contact d’une humanité ravagée, au milieu du désordre, de la misère, de la précarité – et de la violence aussi -, des aspects encore inconnus d’elle-même… et de cette même humanité. Maïssa Bey, romancière confirmée, poursuit inlassablement sa quête identitaire et nous emmène, cette fois encore, à la découverte de son Algérie et de ses femmes, faites de lumière et de violence. Un texte d’une rare intensité.



      Prix Marguerite-Audoux, Grand Prix de la nouvelle de la Société des gens des lettres, Maïssa Bey a fait remarquablement irruption dans le champ littéraire algérien, optant pour un style aéré et sobre où la femme tient une place particulière. Rencontre…

Liberté : Dans Sous le jasmin la nuit, on sent, tout comme dans Cette fille-là, où encore dans Au commencement c’était la mer, les mêmes préoccupations qui tournent autour de la femme. Est-ce un choix thématique ou l’inspiration du moment ?
Maïssa Bey : Je ne peux parler que de ce que je ressens, de ce qui me touche. Je ne peux pas aller vers un thème juste parce qu’il est à la mode. Cela ne veut pas dire non plus que je me mets à ma table et commande un texte sur la femme… en tant que femme, je me sens si concernée. J’ai envie d’en parler, de lui donner la parole, lui restituer plutôt cette parole trop longtemps confisquée. Je me dis : je vais écrire une histoire, et je laisse l’inspiration me prendre, en mettant en évidence mes propres expériences en tant que femme et mes rencontres avec les autres femmes. Vous savez, ma vie a été très riche en rencontres, j’ai évolué dans un milieu féminin, côtoyant tellement de détresse, de courage, de souffrance et, surtout, d’espoir, cela m’a donné envie d’écrire car j’avais assez de matériaux pour le faire.

Cela ne réconforte-il pas dans leur opinion ceux qui disent que vous êtes le porte-parole des femmes…
Je ne me reconnais pas dans cette classification et je ne veux pas non plus de cette catégorisation. En vérité, je n’aime pas les étiquettes qui font beaucoup de tort et ont été très dommageables pour l’humanité. Puis porte-parole des femmes ! de quel droit ? J’ai une vie, une voix qui est portée par d’autres vies, d’autres voix et c’est cela l’essentiel pour moi.

Et si on dit de vous que vous êtes un auteur engagé, n’est-ce pas là une autre classification ?
Si on pense la même chose et si on parle de mon écriture comme d’un engagement, c’est donc un engagement contre le silence trop longtemps imposé et qui continue d’être imposé aux femmes. C’est un engagement alors contre tous les silences à ce moment-là et seulement dans cette suite d’idées, je peux être un auteur engagé.

Vous parlez de silence imposé aux femmes, de situation donc des femmes à ce moment-là. Comment vous situez-vous par rapport au code de la famille ?
Le code de la famille, je n’y échappe pas. non seulement parce que je suis une femme mais aussi parce qu’on me pose très souvent, trop souvent des questions qui sont relatives au code de la famille, surtout en France où la plupart de mes interlocuteurs ne connaissent rien de son contenu. Il y a peu de temps, on m’affirmait dans une rencontre que j’ai animée en France que la femme algérienne ne pouvait pas voyager sans autorisation de son mari. J’ai affirmé le contraire en prenant mon propre exemple, j’ai failli être “lynchée” par une algérienne établie en France, m’accusant presque de complaisance avec l’état. Même chez nous, il y a une espèce de battage qui fait qu’on a dévié de la réalité. J’ai fait, il y a quelque temps, une enquête à Sidi Bel-Abbès auprès d’étudiantes. La plupart d’entre elles n’en savaient rien. Notre rôle, nous les femmes, aurait dû se baser d’abord sur l’information et la communication pour renforcer les rangs. Les gens refusent ce qu’ils ne comprennent pas. Ce ne sont, en réalité, que les femmes qui ont été confrontées à ce code lors de procédures de divorce ou autres qui savent de quoi elles parlent. Il fallait faire la part des choses, expliquer les injustices qu’il y a dans ce code, ne pas se laisser entraîner par la passion de la lutte. Ensuite, je suis contre toute forme d’extrémisme ; cela aboutit inexorablement à la violence.

Pour revenir à la littérature, pensez-vous que la femme peut écrire sur tout… sur la mort, le sexe ?
Absolument, il n’y a pas de frontière dans la littérature ni dans la créativité. Pour ma part, je n’ai pas été confrontée à cela, ni me suis posée des questions à ce sujet. Je ne rends de comptes à personne, ni aux lecteurs ni aux autres. Je sais que dans notre société, on peut vous brandir à tout moment ce spectre de la “hourma”, on peut rappeler à l’ordre un auteur, ce qui fait qu’il y a une censure, plutôt une autocensure dès le départ. Pour moi, ce qui importe c’est de bien écrire, de bien raconter l’histoire. Si je dois parler du corps de la femme, du plaisir, du sexe, je le ferai car cela s’intègre dans un ensemble. Je n’irai pas non plus dans l’autre sens, c’est-à-dire écrire des choses pour choquer où pour plaire à une certaine société.

Cela nous renvoie à un autre choix d’écriture, le “je” narratif est très peu utilisé par les écrivains femmes, est-ce par pudeur ? Par crainte du dévoilement ?
Je ne sais pas s’il y a des moments où ce “je” est utilisé volontairement ni quand il s’impose ? Enfin, à mon avis, tout dépend de l’histoire. Pour ma part, en écrivant : “Entendez-vous dans les montagnes”, qui est pourtant une autobiographie, j’ai fait appel au “elle”, une distanciation était nécessaire. Ce qui est certain, c’est que le “elle” permet d’aller jusqu’au bout du récit, de prendre des distances parfois nécessaires. Peut-être que le “Je” narratif peut amener à un amalgame entre l’auteur et l’héroïne…

Beaucoup de femmes écrivent sous un pseudonyme pour ne citer qu’Assia Djebbar où Aïcha Lemsine, sauf peut-être Leïla Sebbar, qui s’est réapproprié le nom de son père par besoin identitaire. Le choix d’un pseudonyme peut-il se traduire par une sorte de “voile” ?
Pour les autres, je ne sais pas mais pour moi, un pseudonyme ne s’impose pas comme un choix ; c’est plutôt une question de vie. à l’époque où je commençais à me faire publier (les années 1990), c’était écrire sous son nom et partir ou choisir l’anonymat et rester. Il n’y avait pas d’alternative, c’était une question de vie ou de mort, donc le choix n’y était pas et c’était cela qui m’avait motivé en premier pour l’option du pseudonyme. Aujourd’hui, j’assume les deux personnages qui sont en moi, Maïssa l’écrivain et Samia la femme, la mère ; une double personnalité qui correspond bien à mon signe astral du gémeaux. C’est ma mère qui a pensé à ce prénom qu’elle avait déjà voulu me donner à la naissance. et en me donnant ce pseudonyme, ma mère m’a donné une deuxième fois la vie et c’est très beau.

Il y a beaucoup de colère dans Entendez-vous dans les montagnes, est-ce la frustration d’avoir perdu trop tôt votre père ?
Oui, peut-être, certainement, mais c’est surtout le fait de n’avoir pas trouvé de réponses à mes questions. Tout le temps, j’étais à la recherche de réponses, sur les violences, les tortures, en écoutant tous ces gens, à l’image d’Aussaresses ou ceux qui avaient, dans les camps de concentration nazis, usé de violences extrêmes, parler de torture qu’ils ont pratiquée sur des hommes, je me demandais comment ils ont pu être amenés à cela. Le problème c’est que personne n’arrive à comprendre cette part de l’inhumain dans l’humain et cela me fait très peur. C’est une colère générale.

Avez-vous ressenti une sorte de transgression en écrivant cet ouvrage qui est une sorte de lettres à l’absent ?
Non pas de la transgression, je n’aime pas ce mot. Cette écriture m’a ramenée à ces instants que je n’ai pas vécus. Mon père a été enlevé, puis torturé et je n’avais que sept ans et à cet âge-là, la mort est abstraite. Ce livre m’a confronté donc à cette réalité. ce retour sur un événement, sur lequel j’avais essayé de faire l’impasse pour pouvoir vivre avec cette absence, a été très difficile. Il m’a fallu plus de quarante ans et deux ans pour écrire ce livre, et en écrivant la dernière ligne, j’ai pleuré pour la première fois mon père. Je l’ai fait comme on pleure un absent, je n’ai pas fait le deuil, je n’aime pas cette expression non plus. Mais cela m’a permis de vivre cet événement douloureux.

L’édition en Algérie, qu’en pensez-vous ?
Elle a le mérite d’exister, c’est déjà énorme au regard des difficultés. Elle a ses qualités et ses défauts et elle est partie de zéro. Il y a des insuffisances et des lacunes, il y a aussi les gens sincères qui aiment le livre, qui font de l’édition par conviction, et il y a les “commerçants”. bien sûr, les tendances se dessinent et on a besoin de repères. Il n’y a pas de complexe à imiter, à apprendre des autres, à faire comme eux et peut-être mieux.

Comment s’est fait la transition du professeur vers l’écrivain et comment vivez-vous ce nouveau métier d’écrivain ?
Il n’y a pas eu de transition, ni de clivage. être professeur m’a permis de m’investir dans ce que j’aime le plus : la langue et la transmission et les deux sont essentielles pour l’écriture. Le métier d’écrivain se fait dans la solitude et la création, et le métier de professeur devant un auditoire à qui on a la charge d’apprendre quelque chose, j’ai choisi ce métier de professeur par vocation, bien que cela fasse sourire les gens. Dire que le mot vocation ne signifie plus rien en Algérie. Pour ce qui est de la deuxième question, je ne considère pas l’écriture comme un métier. quand on pense métier, on pense salaire et obligations. J’assume, certes, le fait d’être écrivain, j’assume cette chose qui m’est tombée dessus déjà comme lectrice. Je ne peux pas me passer de lire et passer un jour sans livre, c’est terrifiant pour moi. Pour moi, lectrice et écrivain, c’est étroitement lié. Être écrivain m’a beaucoup apporté, cela a changé ma vie, m’a permis de rencontrer des auteurs que j’aime, comme Nancy Houston, Assia Djebbar, René Brik que je n’aurais jamais rencontré sans cette opportunité de devenir écrivain. ce que je peux dire c’est que l’écriture est mon ultime rempart, elle me sauve de la déraison et c’est en cela que je peux parler de l’écriture comme d’une nécessité vitale.

N. B.

Horizons 7 décembre 2004
Maissa Bey, écrivaine
Un foisonnement de création littéraire

      Maïssa Bey possède le don de l’écriture. Cette écrivaine de talent met à profit ce privilège pour s’exprimer et aussi pour être le miroir de son temps dans son analyse de la société et de l’identité algérienne.
De nouvelles publications viennent compléter la riche création littéraire de Maîssa Bey. Ses derniers livres portent le titre de ‘’Au commencement était la mer’’, un roman, et ‘’L’ombre d’un homme qui marche au soleil ‘’contenant des réflexions sur Albert Camus. «Au commencement était la mer» constitue un témoignage vivant de la jeunesse algérienne dans les évènements douloureux qui ont marqué cette dernière décennie.
Avec des images fortes et des expressions puissantes, le lecteur est impressionné par le courage de cette jeunesse qui s’efforce de retrouver ses valeurs et se créer des raisons de vivre. Dans la postface écrite par Claire Etcherelli, on retrouve, dans cet esprit, le passage suivant, ‘’Faut-il végéter à l’ombre d’un code édicté par les héritiers d’une guerre qui fut la libération ? Vivre, demande la jeune fille.
Vivre demande l’Algérie, cette Algérie qu’elle aime d’une ardeur innocente ». «L’ombre d’un homme qui marche au soleil» avec la maquette de couverture de Nadir Tazmalt est dédié à Albert Camus. Cet ouvrage est tout à fait récent et illustre la volonté de Maîssa Bey qui a habité longtemps à Belcourt, d’apporter sa contribution à une meilleure connaissance de cet auteur universel qui est né en terre algérienne. Le livre apporte également un éclairage sur la vie de la mère d’Albert Camus qui n’a jamais quitté l’appartement de Belcourt. La préface de cet ouvrage a été écrite par la fille de Albert Camus , Cathérine Camus qui dit  » En écoutant Maîssa, je retrouvais mon père, Pas un écrivain célèbre, non, mon père, un être humain avec sa solitude et ses déchirements. Et c’était une femme algérienne , qui dans sa solitude et ses déchirements, avait eu le courage d’une si lumineuse intelligence ».
Maîssa Bey se caractérise par un foisonnement de création littéraire. Ces livres ont obtenu un succès éclatant. Son récit qui porte le titre ‘’Entendez-vous dans les montagnes ‘’ est une passionnante évocation du passé récent de l’Algérie dont les bléssures et les cicatrices ne se sont pas fermées. Maîssa Bey qui enseigne aujourd’hui à Sidi Bel Abbès est mère de quatre enfants et a écrit
‘’Les nouvelles d’Algérie’’ qui ont obtenu le grand prix de la nouvelle de le Société des gens de lettres. L’ensemble des publications de Maîssa Bey est disponible à la librairie du Tiers Monde à la Place Emir Abdelkader

Kamel C.



À contre-silence
(Nouvelles) – Editions Paroles d’aube, 1998

Commentaire

      Qu’est-ce qu’un livre ? Peut-être, simplement, une réponse faite à l’enfance… Maïssa Bey est donc ici interrogée, par Martine Marzloff, sur l’enfance et sur les chemins qui mènent à l’écriture, sur le drame algérien et sur la condition des femmes dans son pays. Algérienne, vivant parmi les siens et écrivant en langue française, Maïssa Bey nous propose de remonter, avec elle, à la source : son amour des mots et de la littérature. Elle exprime, d’une voix à la fois tendre et ferme, son rejet de la barbarie, et nous offre quelques-uns de ses textes encore inédits.  Avec A contre silence, Maïssa Bey dévoile sur le mode de la conversation, les charmes d’une voix franche, discrète et insoumise.



El Watan 20 septembre 2004

      Les éditions l’Aube et Barzakh viennent de livrer le dernier cru de Maïssa Bey, surprenant, où la femme occupe tout l’espace, comme dans la réalité. Sous le Jasmin la Nuit est un recueil de nouvelles. En tout, 11 récits où le rêve et l’ordinaire se mêlent étrangement.

Le rêve de la femme qui lutte et se cherche et l’ordinaire d’une société où le mâle règne en maître absolu. Encore une fois, la réalité, celle de notre Algérie. Les récits sont surprenants, captivants et le lecteur est très vite happé par l’histoire, jusqu’à se mettre dans la peau de l’héroïne, des héroïnes et en percevoir les émotions les plus exclusives. Sans alourdir le récit et en donnant juste ce qu’il faut comme détails, l’auteure réussit à conter et à décrire ces femmes, leurs sentiments et leurs ressentiments et les rendre plus réelles qu’elles ne le sont. Les récits pénétrés de pudeur et de sobriété semblent sortir du plus profond de la mémoire. Celle de Maïssa Bey, celle de la femme algérienne, celle de l’Algérie… L’auteure aborde le viol, l’enlèvement, la polygamie, l’autorité masculine… avec beaucoup d’aisance et sans verser dans la redondance. Colère et mélancolie jaillissent de ces récits dans un style souple et vif. Et les mots ruissellent comme un doux murmure dans des phrases tranchantes. Aussi tranchantes que les récits. Maïssa Bey, la cinquantaine bien entamée, a, à son actif, plusieurs recueils de poésie et de romans. Mais il est triste de constater que son talent indéniable soit si peu «exploité» et que sa renommée soit plus appréciée de l’autre côté de la méditerranée que dans son propre pays.

Par Zineb Merzouk

Sous le jasmin la nuit, de Maïssa Bey
Editions Barzakh et l’Aube -600 DA



Le Jeune Indépendant 12 juillet 2004
La voix singulière de Maïssa Bey
Blessures et silences

Par R.C.

      Avec cinq titres publiés, la romancière algérienne Maïssa Bey a su imposer sa voix dans la très masculine bibliothèque des littératures du Maghreb. La parution de son dernier récit, Entendez-vous dans les montagnes, offre l’occasion de s’attarder sur l’ensemble de ses publications.

Dès 1998, avec A contre-silence, Maïssa Bey invitait déjà à la rencontre bouleversante, chaleureuse et dense de son univers. Le long entretien qui composait l’essentiel du livre était accompagné de photos d’enfance, d’un texte manuscrit, de quelques poèmes et textes en prose, du premier chapitre d’un roman…

Déjà, la haute figure du père, «ce rebelle», un instituteur torturé et exécuté durant la guerre, hantait les pages de ce livre, et nul doute que Maïssa Bey trouve en ce juste un modèle. Enseignante demeurée au pays, les douleurs de l’Algérie d’aujourd’hui sont aussi, évidemment, au cœur de ses préoccupations et elle se fait un devoir de dire le rôle, difficile et courageux, que peuvent y jouer les femmes.

Elle affirme volontiers que «le statut de la femme algérienne est bien plus enviable que celui de la plupart des femmes arabes». Dès lors, ses autres livres trouvent leur source entre ces deux pôles, ces deux douleurs. Blessure plus personnelle avec Cette fille-là, douleurs collectives dans Nouvelles d’Algérie, mais une même façon de s’inscrire au monde et cette même volonté d’œuvrer à la cause avec les armes de son talent.

Il en est ainsi avec sa dernière publication, Entendez-vous dans les montagnes, un court récit, tout de retenue et de gravité, de complicité et de transmission comme le suggère la double dédicace : «A celui qui ne pourra jamais lire ces lignes», «A mes fils».

Un livre qui vient comme une épitaphe pour apaiser la peine à défaut de cicatriser tout à fait la blessure. Seule dans un compartiment d’un wagon des chemins de fer français, une femme s’apprête à se plonger dans la lecture d’un livre.

La solitude lui convient et elle commence à en apprécier les premiers instants lorsqu’un homme d’une soixantaine d’années [«mon père aurait à peu près le même âge»] vient prendre place avec elle ; plus tard, ils seront rejoints par une jeune fille «blonde et lisse, jeans et baskets, sûre d’elle, visiblement bien dans sa peau, à l’image de presque toutes les jeunes filles ici».

La conversation s’engage. Ils ont en commun l’Algérie, mais les générations et les rives de la Méditerranée les séparent… «Une petite fille de pieds-noirs, un ancien combattant [français], une fille de fellaga [...] elle-même contrainte à fuir son pays pour échapper à la folie intégriste».

Les blessures, les silences et les oublis vont alors tisser une maille des plus fines entre ce trio «presque irréel» de l’innocente, de la victime et du bourreau… Ainsi, Maïssa Bey poursuit son travail de mémoire et impose peu à peu son nom et ses murmures comme autant de petites touches d’humanité, de bouteilles adressées à la mer du silence, comme autant de paroles pour vaincre les non-dits.

RFI.



Sous le jasmin, la nuit
(Roman) – Éditions de l’Aube, La Tour d’Aigues ISBN : 2-8767-8932-9, 2004


Présentation de l’éditeur

      Une dizaine de nouvelles où l’on retrouve les thèmes chers à Maissa Bey : les femmes, l’amour, la solitude, la souffrance et la mort, et surtout l’Algérie omniprésente. Avec la beauté d’une écriture dans l‘éclat de sa maturité. Sous le jasmin la nuit, En ce dernier matin, En tout bien tout honneur, Improvisation, Si par une nuit d’été…Des femmes, des filles, des mères, des amantes, des sœurs dorment, aiment, pleurent et meurent sous le regard de leurs hommes …Maissa Bey , une fois encore , se fait l’écho de ces détresses et de ces bonheurs avec une immense compassion et un talent qui s’affirme de livre en livre.

Info Soir 6 février 2005
L’hymne à la femme
Par Yacine Idjer

      Dans chacune des nouvelles est racontée une femme rêveuse, une femme tourmentée. Cette souffrance, elle la vit seule et dans le silence.

Sous le jasmin la nuit est un recueil de nouvelles écrit par Maïssa Bey, coédité par Barzakh (Algérie) et l’Aube (France). Les nouvelles, au nombre de onze, ont toutes pour héroïne le personnage de la femme, une femme qui se dit et dit sa condition de femme, qui raconte ses rêves et son désir d’être une femme libre, affranchie du joug social exercé par le diktat masculin. Dans chacune des nouvelles est racontée une femme rêveuse, une femme tourmentée, et cette souffrance, elle la vit seule et dans le silence. Est racontée, entre rêve et quotidien sa solitude, une solitude parfois lancinante, lourde et difficile à supporter, car elle n’a personne à qui elle peut se confier, seulement à sa propre personne ; celle-ci devient sa confidente et un asile où elle peut se réfugier et se dire, là où aucun étranger, aucun homme ne vient troubler sa tranquillité, rompre son inspiration, ternir les espérances qu’elle nourrit, aucune loi sociale ne vient la persécuter ou encore s’ingérer dans son intimité pour la gérer, contrôler sa liberté intérieure et la contraindre à l’observer, là enfin où elle est maîtresse et peut se livrer sans contrainte à ses rêveries et ses réflexions. Sa solitude, voire sa vie intérieure, un monde comme une forteresse impénétrable et imprenable, devient le lieu où chacune, libre de ses agissements et souveraine de son identité féminine, peut devenir femme dans tout son éclat.
Le portrait de chacun des personnages qu’expose Maïssa Bey est fait dans une écriture vivante et soigneusement expressive qui se déroule dans un élan tracé avec amour et tendresse.
C’est à partir de l’intérieur que la narratrice nous livre sans retenue les secrets et l’intimité de chacune de ses héroïnes ; et c’est grâce à son invitation généreuse que Maïssa Bey nous emmène à travers ce monde typiquement féminin qu’elle nous dévoile, ancré dans une société machiste. Et ce dévoilement se fait lentement et avec élégance, à l’image de la femme emplie de volupté et de grâce.
Sous le jasmin la nuit est une écriture au féminin et pour la femme. Il se trouve également que Maïssa Bey cherche à interpeller l’attention du lecteur masculin pour diriger son regard, un regard souvent indifférent à la condition de la femme, une question qui ne le concerne pas. A travers ce recueil de nouvelles à l’empreinte féminine, Maïssa Bey chante, revendique la personnalité féminine. L’écriture de Maïssa Bey est une écriture féministe, une écriture qui cherche à faire connaître et valoir l’existence de la femme.

Y. I.

Le Soir d’Algérie 16 septembre 2004
Récits de femmes

      Coédité aux éditions l’Aube et Barzakh, Sous le jasmin, la nuit est l’air fredonné par la mère de Maïssa, lorsque cette dernière était petite. Maissa Bey s’en rappelle.
Mais dans sa dernière œuvre, elle se consacre aux femmes et seulement au vécu de la féminité. Dans un style sobre, confirmé à chaque fois un peu plus, Maïssa Bey ordonne et restitue à des portraits de femmes par la pointe de sa plume la légitimité, la tendresse, mais, surtout, cette souffrance qui apparaît toujours en filigrane. Cependant, ces aspects, qui ont toujours été maîtrisés, avaient quand même et malgré tout quelques éclats de lumière qui rayonnaient tel l’éternel espoir “que rien finalement n’est jamais perdu” malgré la gravité des situations. La femme algérienne au cœur d’un conflit interminable mais toujours sous la domination de l’homme. Celui-ci est encore le suprême décideur du sort de sa sœur, de son épouse et de sa mère. Maïssa Bey est née à Ksar El Boukhari, un village situé au sud d’Alger ; après des études de français, elle devient enseignante. Elle est également fondatrice et présidente d’une association de femmes algériennes Paroles et écriture. Elle vit et écrit actuellement à Sidi- Bel-Abbès (Ouest algérien).

S. H

Liberté 8 avril 2004

      “Il marche. Tout le poids du soleil sur son dos. Le soleil a un sexe chez nous, il est féminin. La nuit aussi. Autour de lui, les hommes vont et viennent tranquillement bardés de certitudes séculaires. Pénétrés de leur force, de leur vérité. Puissance d’homme. Jamais remise en cause. Leurres. Il marche. On le reconnaît. On le salue. Il est partout chez lui. Personne ne peut se mettre en travers.” cet univers est celui de Maïssa Bey. Un univers semblable en tout point au nôtre, celui de notre Algérie qui se bat continuellement dans des contradictions ; celles qui entravent les femmes, celles qui font que, dans une société musulmane, le joug masculin ressemble à s’y méprendre à celui de Dieu. Les nouvelles de ce recueil de Maïssa Bey, édité chez de l’Aube/Barzakh, ont toutes pour héroïne une femme qui se bat pour son identité, sa vie, sa liberté… même si celle-ci ne se rencontre parfois que dans la mort. Telle Salomé, chacune d’entre elles se dévoile dans son portrait tracé avec amour et tendresse par Maïssa Bey, pour devenir “Femme” – chacune d’entre nous ? – dans tout son éclat…
Maïssa Bey
Sous le jasmin la nuit
Coéditions de l’Aube/Barzakh
Collection Regards croisés 160 pages



L’ombre d’un homme qui marche au soleil
Textes – Éditions Chèvrefeuille étoilée, Montpellier/Sidi Bel Abbès, 2004

Liberté 5 décembre 2004
Réflexions sur Albert Camus

      Sorti récemment aux éditions Chèvrefeuille étoilée, L’ombre d’un homme qui marche au soleil est un recueil de réflexions sur Albert Camus que propose Maïssa Bey à travers les 63 pages préfacées par Catherine Camus, fille du grand écrivain et ami de l’auteur. Dans cette contribution à la connaissance de l’auteur, Maïssa Bey reprend la communication qu’elle donna sur l’homme lors du colloque “Albert Camus et le mensonge”, organisé par la Bibliothèque publique d’information au centre Beaubourg en 2002. En deuxième partie, Maïssa Bey évoque la relation entre Albert Camus et sa mère, une relation sur laquelle ce dernier revient souvent dans ses écrits.

Maïssa Bey, L’ombre d’un homme qui marche au soleil, éditions Chèvrefeuille étoilée, 63 pages. Prix 200 DA.


Rencontre avec Maïssa Bey
Femme, guerre et Camus
Par Djamel Belayachi

      L’auteur a évoqué, au café littéraire de l’association Chrysalide, le triptyque qui traverse son œuvre.

Sous le jasmin de la nuit (Barza)kh/L’Aube, 2004), son dernier texte, est un recueil de nouvelles conjugué au féminin “anonyme”. Onze nouvelles dont la sève est extraite d’authentiques faits divers. Invitée, mercredi dernier, au café littéraire de l’association Chrysalide (salle Frantz-Fanon, Riadh El Feth), Maïssa Bey a enjambé le sujet pour évoquer le triptyque qui traverse son œuvre : la femme, qui occupe une place prépondérante, la guerre de l’indépendance, qu’elle a vécue dans sa chair, et Albert Camus, cet intellectuel dont on ne sait trop par quel bout prendre de ce côté-ci de la méditerranée.
Tranchant avec le verbe tragique qu’elle couche souvent sur papier, Maïssa Bey croque ici la femme avec un brin de légèreté. Comme cette légèreté avec laquelle les femmes se racontent leur vie, ce sens inné de la “connivence immédiate”. Et afin d’atténuer le poids du catalogage médiatique — qui voudrait que Maïssa Bey et, par les extensions, la femme n’écrit que sur la femme —, elle passe à la guerre d’Algérie et à l’image brumeuse d’un père torturé et assassiné par l’armée française. Thème largement abordé dans son œuvre, notamment dans Entendez-vous dans les montagnes (L’Aube 2002). Pour confidence, elle dit se passer dans la tête le film de la rencontre avec le tortionnaire de son père. Quelle serait sa réaction ? “L’idée me fait peur !” À propos d’Albert Camus, enfin, et qui, pour l’anecdote, habitait à un pâté de maisons de celle de ses parents, elle confie lui glisser des “clins d’œil” dans chacun de ses textes. Clins d’œil à un “homme, profondément tourmenté, qu’on avait sommé de s’expliquer sur certaines choses et qui, parfois, l’a fait”. L’auteur a aussi eu à prononcer une communication autour de “Albert Camus et le mensonge” dans un colloque en France (Centre Beaubourg, 2002).
Ses réflexions sont consignées dans L’ombre d’un homme qui marche au soleil, ouvrage récemment paru chez l’association éditrice Chèvrefeuille étoilée. Association, à cheval entre Sidi Bel Abbès et Montpellier, au sein de laquelle milite l’écrivaine depuis quelques années. Ateliers de lecture et d’écriture à l’intention des enfants sont en train d’y devenir une tradition. L’association a également inscrit sur sa feuille de route le projet de création d’une bibliothèque à Sidi Bel Abbès, lequel bute souvent sur des promesses administratives qui donnent matière à ironiser pour l’auteur. “J’ai horreur de la phrase : makech mouchkil (il n’y a pas de problème) !”

D. B.

Liberté 1er décembre 2004
Maïssa Bey au cercle Chrysalide
Du jasmin pour ce mercredi
Par Nassira Belloula

      L’auteur de Entendez-vous dans les montagnes, et du tout dernier recueil de nouvelles Sous le jasmin la nuit, parus chez Barzakh/De l’Aube, est l’invitée du cercle Chrysalide ce mercredi à 18 h à la Salle Frantz Fanon de l’Office de Ryadh El Feth, pour parler de son dernier ouvrage et de s’attarder, pourquoi pas, sur l’ensemble de ses publications.
Le nom de Maïssa Bey a fait subitement une intrusion dans la littéraire algérienne en 1996 avec Au commencement était la mer, paru aux éditions Marsa qui raconte la bouleversante histoire de Nadia, une jeune algéroise qui tente de vivre dans un pays déchiré par une guerre meurtrière, dans une maison prise en otage par un frère islamiste. La critique a alors salué avec enthousiasme la naissance d’une plume talentueuse. Maïssa Bey, qui parle d’écriture comme d’un être cher, d’un souffle qui, s’il venait à manquer, tout serait fini, a osé ouvrir pour nous une porte dérobée pour nous introduire dans une difficile intimité, un quotidien qui use nos corps et esprits à l’ombre d’une marginalisation, la nôtre, nous les femmes qui nous nous reconnaissons dans les filles de Maïssa Bey, des filles qui portent des prénoms de fleurs, des prénoms de printemps pour transcender la souffrance et l’exclusion.
L’auteur réussit à s’introduire avec délicatesse et force dans l’univers des femmes (le sien aussi), un univers qui occupe toute son écriture et son espace d’expression et se traduit différemment, mais avec la même rage de dire, d’offrir une tribune aux femmes pour dire leur vécu, leur quotidien, de crier leur rage et chanter leur espoir.
Maïssa Bey aborde dans son écriture le viol, l’enlèvement, la polygamie, l’autorité masculine, la marginalisation, la soumission, la naissance hors mariage…tous ces tabous qui tiennent en otage la femme. Avec cinq titres publiés : Cette fille là, paru aux éditions de l’Aube et qui lui a valu le prix Marguerite-Audoux, puis Nouvelles d’Algérie, publiées chez Grasset en 1998 avec, en prime, le Grand Prix de la Nouvelle de la Société des Gens de Lettres, A contre silence Parole d’Aube, paru en 1999, puis Entendez-vous dans les montagnes, éditions de l’Aube/Barzakh en 2002, Maïssa Bey a su imposer sa voix dans la très masculine bibliothèque des littératures du Maghreb.
Son dernier ouvrage, qui est l’objet de la rencontre de cette fin d’après-midi au cercle Chrysalide, Sous le Jasmin la Nuit, titre inspiré d’une chanson, regroupe 11 récits qui consacrent la femme à travers des portraits vivants, poignants où se mêlent étrangement le rêve et la réalité.

Maïssa Bey est le pseudonyme de Samia Benameur née à Ksar El Bokhari (Médéa) en 1950 et qui s’est consacrée à l’enseignement du français dans un lycée.

N. B.





La Nouvelle République 3 août 2003
Nouvelle
L’histoire de Myriama

      C’est l’histoire de Myriama, jeune orpheline réduite à travailler comme bonne à tout faire, comme le sont beaucoup d’enfants dans les pays pauvres.

Agée de 12 ou 13 ans ou peut-être de moins, Myriama a été vendue par son oncle à une famille aisée. Elle fait le ménage, lave le linge, s’occupe des enfants dont d’ailleurs la plus jeune a le même nom qu’elle. Et entre les travaux ménagers et les diverses commissions qui lui laissent à peine le temps de souffler, Myriama pense à sa soeur restée seule dans le village. La petite Fatouma n’a plus personne maintenant pour lui tresser les cheveux et pour la porter à travers le désert au sable brûlant…

« Est considéré comme esclave, toute personne qui est sous la dépendance absolue d’un maître qui peut en disposer comme de tout autre bien. » (dictionnaire Hachette)

« Vraiment… vraiment je ne sais pas ce que je ferais sans elle. Jamais, vous entendez, jamais je n’aurais pu continuer à travailler si elle n’était pas là.
Ce n’est pas facile de tenir une maison, surtout quand on a des enfants turbulents et un mari exigeant. Et vous savez, vous la voyez menue et fine, mais ce n’est qu’une impression ! Elle est solide, très résistante. Elle ne se plaint jamais. Mais au fond… de quoi pourrait-elle se plaindre ? Elle ne manque de rien chez nous. Comparé à là où elle vivait, ici, c’est le paradis. N’est-ce pas Myriama ? Son âge ? 12,13 ans, je ne sais pas. Peut-être moins. Elle n’avait pas de papiers, bien sûr… là-bas… Il faut voir dans quel état elle était quand elle est arrivée chez nous ! D’une maigreur, d’une saleté repoussante… elle ne parlait pas… presque pas … si ce n’est pas malheureux de voir des enfants comme ça ! Il a fallu la vacciner, tout lui apprendre, mais maintenant qu’elle est apprivoisée, c’est elle la vraie maîtresse de maison. Elle apprend vite… N’est-ce pas Myriama ? Tu veux bien apporter le plateau ? »
« Personne n’a vu le petit lézard, juste au-dessus de leur tête, à l’envers sur le plafond. Qu’est-ce qu’il fait là ? Il s’est perdu sûrement… il n’aurait jamais dû entrer ici. C’est pas sa place… Les lézards ça doit rester au soleil, dans la chaleur. Il aurait mieux fait de se perdre au milieu des pierres du jardin là-bas en bas… Si j’étais un lézard, je resterais des heures au soleil et je me faufilerais dans les interstices pour qu’on ne m’attrape pas.
Ou un oiseau… mais pas dans une cage. Pourvu qu’elle ne le voie pas, elle va se mettre à crier… Mais je ne sais pas si les lézards entendent la voix des hommes. Elle, il l’entendra sûrement. Va-t-en lézard, va t-en ! Si tu cherches des pierres ou du sable, tu dois décamper, il n’y en a pas par là… vite, cache toi, file, le plus vite que tu peux ! C’est ça, tu vois quand même la lumière… par là, c’est là qu’il faut aller, dehors, vers le soleil, vas-y ! »
« Où l’ai-je dénichée ? Tout simplement au « marché des petites bonnes », là-bas. C’est mon mari qui m’a fait la surprise… le mieux c’est que je ne lui avais rien demandé. Je ne savais même pas… il l’a ramenée dans ses bagages. Ca ne pouvait pas mieux tomber. J’étais au bord de la dépression. Evidemment, après, pour pouvoir la garder, il a fallu dédommager la famille, je crois d’ailleurs qu’elle n’avait pas de père ou de mère, je ne sais plus. En tout cas, c’est son oncle paternel qui s’est chargé de la transaction. Trois fois rien si on pense à ce que coûtent les femmes de ménage maintenant !
C’est qu’en plus, elles deviennent exigeantes ! La dernière qui s’est présentée m’a même demandé si j’avais une machine à laver le linge ! C’est quand même incroyable, non ? ».
« Là, je suis tout près du ciel. Je pourrais attraper les nuages. J’ai le vertige quand je me penche au balcon. Il faut que je m’accroche. Mais c’est le seul endroit où je peux respirer, malgré la hauteur et le bruit qui monte. Le bruit des voitures, des bus et de tous ces gens qui circulent, minuscules bonhommes qui courent sans arrêt, dans tous les sens. Ces odeurs de fer et cette fumée… ça rend le ciel tout gris… On dirait qu’il n’ont que ça à faire, courir… moi aussi je cours toute la journée. Courir… ça je savais, mais j’ai jamais pu dépasser mon frère. Plus vif, plus rapide que les gazelles. Idriss… et Amadou… et… Fatouma… non, il faut que j’arrête de penser à eux. C’est trop loin. Même si je courais des jours et des jours. Jamais… elle a dit, jamais… »
« … Sous une tente, certainement ! Elle n’avait jamais vu d’escaliers… la pauvre. Ni même d’interrupteurs. Il a fallu du temps pour qu’elle s’habitue à tout ce confort.
Le seul problème, c’est l’eau. Elle laisse tout le temps les robinets ouverts. Je suis obligée de crier, de passer derrière elle et parfois, c’est épuisant, je vous assure.
Et puis… impossible de lui faire garder des chaussures aux pieds. Impossible de la sortir avec moi comme ça ! Mon mari lui en a acheté une paire pour le voyage et elle s’en est débarrassée tout de suite en les balançant par la fenêtre de la voiture. Mais ils ont la plante des pieds très dure, cornée… forcément… mais ça va s’assouplir, comme le reste… » « J’ai mis mes mains dans l’eau, j’ai mis mes pieds dans l’eau, j’ai mis mon corps dans l’eau. L’eau est chaude, ou froide… comme on veut. J’attrape les gouttes avec mon nez, avec ma bouche et au creux de mes mains. Et les gouttes en tombant une à une frissonnent et s’écrasent comme des larmes. Mais c’est pas salé. C’est doux… la source ne se tarit jamais… Elles font des paillettes dans mes cheveux, plouc, plouc, et des petites bulles dans ma tête, floc, floc, floc… et ça rejoint les autres, et puis ça fait une mare, pour donner à boire aux oiseaux. A ceux qui ont le courage d’arriver jusqu’ici. Mais non… ils n’en veulent pas. Ils ont trop peur qu’on les attrape et qu’on leur coupe les ailes. Alors j’essuie. Avant qu’elle… »
« … Oh oui, elle aime les enfants. Elle aime beaucoup les enfants. Ils font d’elle ce qu’ils veulent. Je suis obligée d’intervenir, sinon… Mais c’est elle, c’est elle qui aime porter Myriama sur son dos. Si je la laissais faire, elle ferait le ménage comme ça. Mais ça donne de mauvaises habitudes aux enfants. Elle dit que c’est ce qu’elle faisait avec sa petite soeur… Oui, c’est étrange, elles ont le même prénom… une coïncidence… au début, j’ai voulu la prénommer autrement mais elle ne répondait pas quand je l’appelais. Et puis on s’est habitués… De toutes les façons, elle comprend tout de suite que c’est à elle que je m’adresse. »
« Fatouma… F’tima, Fatoum, Touma… qui lui chante les chansons que j’ai inventées pour elle ? Qui lui cherche des coquillages dans le sable ? Qui lui tresse les cheveux maintenant ? Qui la porte ? Mais elle a dû grandir. `
Oui, maintenant elle marche, ses pieds s’enfoncent dans le sable tiède, brûlant.
Elle court jusqu’à la dune, se cache derrière le rocher, ne répond pas quand on l’appelle et danse dans le soleil jusqu’au soir. Comme moi, avant. Et puis elle dort… avec le goût du lait de chèvre dans la bouche… pourvu qu’elle ait assez de lait… »

Dors, petite gazelle, dors
Le lion est repu
La lune se balance
Pour éloigner les ombres
Qui pourraient troubler tes rêves,
Dors, ma gazelle, dors
Demain le jour renaîtra
Dans tes yeux ouverts

« … Ca m’énerve, je ne sais pas ce qu’elle chantonne parfois. Elle a des… comment dire ? Des absences. Mais c’est normal, rien ne lui occupe l’esprit. Ah ! J’aimerais bien être comme elle ! Elle ne sort jamais. Mais non, non, je n’ai pas peur qu’elle s’envole, où irait-elle ? Elle ne connaît personne… interdiction d’ouvrir la porte ! D’ailleurs je préfère fermer à clé quand on sort. C’est plus prudent. Elle a largement de quoi s’occuper quand on n’est pas là. Quand les enfants vont à l’école, elle les attend… A l’école, elle ? Mais non, vous plaisantez… il ne manquerait plus que ça ! Elle ne sait même pas ce qu’est un stylo, une feuille. Et puis, à quoi cela pourrait lui servir pour ce qu’elle a à faire ? » « Le soleil s’est caché derrière la maison. Il n’y a jamais de nuit. Ils ont fait disparaître la nuit, avec leurs lumières. Mais la lune est toujours là. La même… et les étoiles… elle a dit à Myriama qu’elles étaient mortes. Tous les soirs, elle lui raconte des histoires qu’elle lit dans les livres. M’a Jémia aussi savait nous raconter les histoires qu’elle avait dans la tête. Mais les étoiles dans les livres, c’est froid, ça ne brille pas. Ca ne peut pas montrer le chemin. Ce ne sont que des images… ils n’ont que des images. Des voix qui sortent des boîtes. Des signes noirs enfermés dans du papier blanc. Qu’ils apprennent, qu’ils répètent pour ne pas oublier. Ou pour grandir: C’est ce qu’ils disent. Oui, c’est ça, ne pas oublier… ne jamais oublier… ne jamais grandir. »

Par Maïssa Bey

 



Au commencement était la mer
(Nouvelles) – Editions MARSA, 1996

Sous la houle bouleversante de Maïssa Bey
Sophie Perrin – Africultures.com

      Rares sont ces romans dont la force du texte continue d’imprégner le lecteur une fois le livre refermé. Au commencement était la mer en fait partie. Dans ce premier roman, Maïssa Bey dresse un portrait de l’Algérie aujourd’hui à travers les scènes de vie d’une jeune fille. Elle restitue dans la fiction le cri du silence imposé par une société masculine, le cri de Nadia, jeune algéroise, qui tente en vain de vivre dans un pays en guerre civile, dans une maison où le frère aîné s’est enfermé dans la religion.
Comme la plupart des intellectuels algériens d’expression française, Maïssa Bey “ écrit dans l’urgence ” pour mettre à nu l’histoire immédiate, révéler par l’acte d’écriture des événements parfois confus. Afin de briser le silence, elle offre une peinture de la société par la fiction et notamment par le personnage de Nadia. La jeune fille, agitée par un fort désir de vivre en transgressant les règles imposées, trouve une forme de liberté dans la lecture et dans les sensations de liberté procurées par la mer. Elle devient le symbole de toute une génération de jeunes gens victimes de l’histoire de leur pays.
Pour dire l’histoire de Nadia et de son peuple dans une langue venue de l’ailleurs, la romancière s’approprie le français, le transforme. Son langage supprime le superflu pour donner naissance à une écriture sèche et envoûtante dans ses répétitions et la brièveté de ses phrases. Au-delà du témoignage, l’adoption du français donne à l’auteur une certaine liberté dans les thèmes abordés et en particulier dans le traitement de l’univers féminin. Il lui est possible d’évoquer la solitude des femmes, leur dépendance aux hommes et la question de l’avortement – la violence de la scène de l’avortement n’est pas sans rappeler celle du dernier roman de Leïla Marouane, Le Châtiment des hypocrites (Le Seuil, 2001). Un premier roman bouleversant qui sera disponible, ce mois-ci, en collection poche aux éditions de l’aube après une première publication avoir été publié une première fois, en 1996, aux Editions Marsa.

Sophie Perrin

Au commencement était la mer de Maïssa Bey, Editions de l’aube, poche n°88.



Entendez-vous dans les montagnes…
(Roman) – Éditions Barzakh/L’Aube, Alger, 2002



Liberté 23 octobre 2002

Fragments d’une mémoire tue
      “Je voulais vous dire… Il me semble… Oui, vous avez les mêmes yeux… Le même regard que… Que votre père. Vous lui ressemblez beaucoup”, une réponse, un témoignage que la petite fille venue du lointain bourg de Boghari n’a jamais cessé de chercher sur les  visages, particulièrement depuis qu’elle s’est réfugiée en terre des ennemis d’hier.

      “Elle a fui sous la menace. Elle a quitté ce pays pour venir trouver refuge ici. Quelle ironie de l’histoire ! Elle, la fille d’un glorieux martyr de la révolution.” Et pourtant, depuis qu’elle a quitté sa terre natale, de nouveau en proie à la guerre, rien n’a changé. Quarante ans après, les monstres qui terrorisaient la petite fille au village de Boghari, sont toujours là. L’horreur s’est de nouveau installée dans ce coin perdu, où il faisait si bon  vivre. Elle est venue en France pour trouver ce semblant de répit, dont elle était en quête depuis sa tendre enfance.
C’est dans une écriture, sobre, prenante… que le récit de Maïssa Bey,  Entendez-vous dans les montagnes…, coédité par les éditions Barzakh et l’Aube, raconte l’histoire d’une Algérienne, la narratrice, qui, décidée, fait appel à sa mémoire pour faire  le deuil de son père, un héros de la révolution, dont elle ne garde que de vagues souvenirs.
Elle tente de répondre à toutes les questions qui ne cessent de la tarabuster. Le voyage dans le temps et dans l’espace, la confrontation, commence dans un compartiment  de train, quelque part en France. Un voyage qui ne sera pas comme les autres. La femme qui, au début de l’expédition n’avait de souhait que de terminer une lecture qu’elle venait d’entamer, se retrouve emportée dans une bourrasque en quête d’une vérité longtemps tue. Dans cet espace clos, un décor où viennent se mettre en place trois personnages : une Algérienne, la narratrice, une jeune Française, Marie,  petite-fille d’un pied-noir,  et un médecin, ancien soldat de l’armée française.
La scène est digne d’un plateau de télé, où les personnages, témoin et victime.   “réunis [tous les trois] pour une émission par des journalistes en quête de vérité” , parlent et se confrontent  Il s’agit plutôt de témoignages : des questions auxquelles on tente de trouver des réponses, devoir de dire un passé, toujours présent, commenter les faits qui l’ont marqué. Il est même question d’émettre des avis, car même Marie, qui ne connaît pas “ce beau pays” dont parle le médecin, veut savoir qu’étaient en réalité les fameux évènements, très peu évoqués par son grand-père. Elle, qui ne sait rien de cette période trouble, veut découvrir cette Algérie, jadis française. Successivement, la femme et le médecin vont mettre à nu leurs opinions, leurs souvenirs, et surtout échanger des regards inquisiteurs.  Elle refuse d’oublier l’instituteur martyr, son père  “toute petite déjà, elle essayait de donner un visage aux hommes qui avaient torturé puis achevé son père avant de le jeter dans une fosse commune”. Lui, il se rappelle les ordres, les séances de tortures et “corvées de nettoyage” une fois la salle besogne terminée. Dix-huit mois durant, il n’a connu que ça, de son séjour d’appelé en Algérie. Serait-elle la fille du… ? L’a-t-il connue ? Serait-il lui qui… Des questions, encore des questions auxquelles le vieux médecin ne répondra qu’une fois le train entré en gare, dans une énième tentative de soulager sa conscience.
Entendez-vous dans les montagnes… est un témoignage poignant que l’écrivain s’emploie à faire part aux lecteurs. Il s’agit d’une partie de sa vie, de son histoire,  de l’histoire de son pays, celle de sa terre d’accueil aussi. Une parcelle  de mémoire  cachée, refoulée, enfouie dans les ténèbres du silence et des non- dits.
Sur une soixantaine de pages, des sentiments de peur, de déchirement, d’espoir, de nostalgie…  se confondent, s’entremêlent pour donner naissance à un émouvant récit-témoignage. Une écriture qui se veut une quête de vérité spontanée loin de toute orientation et de prise de position, une écriture que l’auteur a voulu détacher de ses charnelles émotions de haine ou de jugement.

R. C.

 


Entendez-vous dans les montagnes…  Récit de Maïssa Bey (71 pages)- Editions Barzakh et  l’Aube.



La Nouvelle République 23 septembre 2002
Le livre-mémoire

      Parfois, pour que notre mémoire se soulage de certains poids trop lourds à porter, il est judicieux de passer par l’acte d’écriture. Maïssa Bey n’a pas vraiment connu son père. Il n’y a, dans ses souvenirs, que quelques images de ce papa instituteur, disparu trop tôt car torturé puis tué par le colonialisme français. Par la voix de sa narratrice, elle exorcise un mal enfoui au fond de son être depuis plusieurs années.

Fuyant la nouvelle « guerre d’Algérie », celle déclenchée par des Algériens contre d’autres Algériens, la narratrice s’est réfugiée dans un autre pays, la France. Quel paradoxe et « quelle ironie de l’histoire! Elle, la fille d’un « glorieux martyr de la révolution », d’un homme exécuté pour avoir voulu chasser la France de son pays, la voilà qui cherche refuge chez ceux que, lui, l’instituteur, le héros aujourd’hui célébré par tant de commémorations et dont l’école du village porte le nom, a combattus ! » (p.35).

Se trouvant dans un train en partance pour une des provinces françaises, elle engage, bien malgré elle, une discussion avec son voisin de compartiment, un sexagénaire qui ressemble beaucoup à son père. De cet échange, elle apprendra qu’il exerçait la profession de médecin et que, durant la guerre d’Algérie, il était « bidasse ». Une autre personne se joindra à eux, c’est Marie, une belle jeune fille qui ignore tout de cette guerre. Elle veut savoir, alors elle pose des tas de questions.

Evoquer ses souvenirs, parler de son père, surtout avec des étrangers et de surcroît des français est difficile. Répondre aux questions de ses interlocuteurs l’est encore plus.

Mais cet effort lui permet enfin de se libérer. « Elle se tait maintenant. Même si tout n’est pas dit, même si une douloureuse palpitation la fait encore frémir, quelque chose s’est dénoué en elle… » (p.70). Véritable élan du cœur, ce récit de Maïssa Bey mérite d’être lu car il permet au lecteur de pénéter l’âme de son auteur, de percevoir sa douleur et de comprendre qu’elle a enfin fait la paix avec elle-même et avec les autres. Il saura aussi, combien la rencontre de sa narratrice avec cet homme dans le train a été salutaire pour cette paix retrouvée.

Co-édité par les éditions Barzakh et L’aube, Entendez-vous dans les montagnes… est vendu au salon au prix très accessible de 220 DA.


El Watan 26 septembre 2002
Maissa Bey / Au nom du père

Vous marquez la rentrée littéraire algérienne avec un récit Entendez-vous dans les montagnes… Le titre est inspiré d’un vers de La Marseillaise.

C’est une contraction entre Entendez-vous dans nos campagnes (La Marseillaise) et notre chant patriotique à nous Min Djibalina.
C’est quelque chose d’entremêlé entre ce chant patriotique français que nous, Algériens, avons appris à notre corps défendant lorsque nous étions petits et que nous devions saluer et notre chant à nous que nos parents nous faisaient apprendre, le soir, quand nous étions couchés, dans le plus grand secret.

C’est un récit autobiographique puisqu’il parle d’un flash back durant la colonisation française… Et puis cette notion de patrie…

Pour ceux de ma génération (lors de la colonisation française), on nous a appris que notre mère patrie c’était la France. Et cette notion de patrie, à laquelle j’ai été brusquement confrontée, une nuit de février de 1957, quand des soldats français sont venus chercher mon père. Et que deux jours plus tard, j’ai appris qu’il était mort sous la torture. Il m’a fallu plus de quarante ans pour pouvoir évoquer cette part de ma vie. Cette blessure, cette rupture…

Mais pourquoi avoir attendu quarante ans pour en parler ?

Est-ce que c’est un besoin, aujourd’hui que le problème se repose, pour nous, de notre identité collective par rapport aux événements qui se passent dans notre pays ? Est-ce que c’est le moment pour faire le deuil de mon père ? J’avais sept ans quand mon père est mort. Et je ne l’ai pas pleuré.

Peut-être qu’avec l’âge, en plus, on est en paix avec soi-même…

Oui, avec l’âge et surtout ce nécessaire recul. Vous savez, j’ai mis deux ans pour pouvoir écrire ce récit.

C’était douloureux…

C’est surtout un retour sur un événement sur lequel j’avais essayé de faire l’impasse pour pouvoir vivre avec cette absence. Celle du père qui est une rupture pour tout enfant.

L’écriture est un exutoire…

L’écriture, en elle-même, est, obligatoirement, une forme d’exutoire pour nous, femmes qui n’ont pas droit aux tribunes publiques. C’est une forme d’engagement et bien sûr d’exutoire. Ce qui nous sauve aussi.

Par K. S.

Maïssa Bey / Entendez-vous dans les montagnes / Récit
Editions Barzakh – 220 DA.



Cette fille-là
(Roman) – Editions De l’Aube, ISBN : 2876786370, 2001



Note de l’éditeur

     J’ai tout simplement envie de dire ma rage d’être au monde, ce dégoût de moi-même qui me saisit à l’idée de ne pas savoir d’où je viens et qui je suis vraiment. De lever le voile sur les silences des femmes et de la société dans laquelle le hasard m’a jetée, sur des tabous, des principes si arriérés, si rigides parfois qu’ils n’engendrent que mensonges, fourberie, violence et malheur.  » La société dans laquelle a été jetée Maïssa Bey est l’Algérie d’aujourd’hui. Ce pays à la fois si proche et si  » étranger « . Dans son précédent roman, Maïssa Bey a osé raconter l’avortement ; aujourd’hui, elle nous parle de petites filles nées de père et – surtout – de mère inconnus. Il s’agit en soi d’un drame absolu et pourtant ce drame absolu, dans la société algérienne, revêt un caractère plus terrifiant encore… Maïssa Bey veut  » d’un trait de colère, effacer [son] enfance  » ; l’écriture ici devient alors arme et catharsis et, avec elle, c’est une belle voix qui sonne, celle de toutes les petites filles de l’islam et du monde qui prennent enfin leur statut de femmes en mains.
Un roman fort et lumineux, qui nous emmène aussi bien dans nos fantasmes que dans la réalité.

Liberté 11 juin 2001
Chroniques amères

      Filles abandonnées, femmes trahies, fractures de vies, fausses identités, tel est le sujet de ce dernier livre de Maïssa Bey qui raconte ici plusieurs histoires à travers des femmes toutes en proie à l’amertume, l’espoir ou le malheur.

« Ni maison de retraite, ni asile, ni hospice. Tout cela à la fois. Établissement fourre- tout. (….) de temps en temps vous entendez des voix de femmes… ».

Les premières pages donnent le ton d’un livre qui sera une succession de tranches de vie. Mélange d’une chronique ordinaire, de documentaires, ou de soliloques, ce texte ravira sans doute ceux qui n’attendent que des témoignages et déroutera les autres qui attendaient un roman, une exploration fine de l’univers féminin.

Car, c’est de femmes qu’il s’agit, de portraits, de brides d’histoires partielles, imprégnées de rêve, de trahisons, de frustrations. Alternant la première et la troisième personnes, pour raconter ces histoires, d’abord celle d’une petite fille née sous X, la narratrice tente de restituer les douleurs d’Aïcha, en réalité Jeanne, Houria, M’barka et tant d’autres. « Quelles sortes de bonheur peut-on ressentir lorsqu’on est enfermé dans les maisons étouffantes ? » La question de la narratrice posée, on a une idée de ces mélancoliques confessions de femmes dont l’univers est aussi imprégné de la présence-absence de l’homme. Celui par qui tout arrive, dans le meilleur des cas l’amour, le pire la lâcheté, la trahison. Maïssa Bey prête sa plume, en quelque sorte, à ces femmes en cri ou en dérive, qui tentent d’échapper à quelque chose qui ressemble à une malédiction : la famille, le mari, la naissance, la société, et tentent simplement de vivre même quand cela ne semble pas possible. « Volonté de dire avec l’alibi de la fiction, la réalité vécue par les femmes en Algérie » expliquait encore récemment l’auteur dans un long entretien « à contre silence » publié par les éditions de l’Aube. Dans le même entretien, Maïssa Bey développait aussi ce qui l’avait amenée à l’écriture de son premier roman édité en 1996 et du second qui est, en fait, un recueil de nouvelles : « Il me fallait adopter pour chaque récit un style différent ». Dans ce dernier texte « cette fille-là », difficile à qualifier de roman, non pas parce qu’il déroge à des normes de structure linéaire, ou suggère d’autres règles, la manière d’écrire, de mettre en scène n’échappe pas au style adopté par les premiers.

L’exigence de style perd ici tout son sens , en l’absence de vraies personnages de fiction avec lesquels on pourraît communiquer, que l’on pourraît ressentir comme des êtres physiques, de chair et de sang, ce personnage que l’on pourrait presque prendre par la main, « toucher ». C’est-à-dire des êtres victimes, certes, du particularisme de leur société, mais souffrant d’une violence et d’un destin que le reste de l’humanité peut éprouver et partager.

On en reste éloigné de cet objectif de la littérature, peut-être parce que les personnages de ce livre restent plus des métaphores au premier degré et qu’à trop vouloir témoigner, coller à la réalité, l’auteur nous entraîne sur une pente facile.

Ce n’est donc pas la forme, l’hybridité formelle qui pourraît déranger, tout écrivain est amené à y réfléchir, mais le motif du livre qui ne sert qu’à illustrer des cas sociologiques, au détriment de l’essence de l’humanité, but de la littérature et même des auteurs féministes qui ont combattu contre l’exclusion des femmes de la sphère publique et de l’écriture.

D. A. M.

 

Liberté 28 juin 2001 : « Cette fille-là » de Maïssa Bey
Pluriel féminin singulier

      « J’appartiens à la nuit et j’aiguise mon regard au rougeoiement des braises »

Le nom de Maïssa Bey a surgi tout récemment dans l’univers littéraire algérien et s’y est fait rapidement une place dans un endroit particulièrement éclairé.

Une place parfaitement méritée pourquoi le taire ? – non seulement pour les qualités rédactionnelles mais également pour la charge émotionnelle que porte chacun des quatre ouvrages qui constituent jusqu’ici sa bibliographie (*). « Au commencement était la mer », que Marsa vient de rééditer dans une collection de poche d’excellente facture, relate une bouleversante histoire d’amour sur fond de société traditionnelle mâtinée d’intégrisme islamique. Plongeant dans cette intrigue qui donne à voir le monde par les yeux d’une jeune Algérienne de la fin du 20ème siècle, déchirée comme l’est son pays entre la tentation défaitiste d’un retour aux seules certitudes confortables d’un passé qui fut lumineux, et l’audacieuse ambition d’accrocher son destin à celui des nations lancées à la conquête de l‘univers, on en sort avec au fond de soi un goût de cendre.

Le personnage est bien charpenté, d’une présence et d’une vérité psychologique troublantes, l’information sur le contexte, échappant à la tentation du documentaire, est suggérée par touches successives, parfaitement réparties tout au long du récit jusqu’au dénouement, à la phrase fatale, la toute dernière: « Et c’est alors, alors seulement, que son frère lui jettera la première pierre ».

Enseignante installée dans une ville d’Oranie, l’auteur a fait sa première percée avec ce roman au sujet duquel Claire Etcherelli, dans une postface brève mais dense, écrivait qu’il était « semblable à ces dessins où une ligne dépouillée suggère plus que mille traits ». Une technique de nouvelliste, par ailleurs confirmée dans le texte prenant avec lequel elle marque sa présence dans le recueil réalisé par Leila Sebbar sous le titre « Une enfance outremer ».

(1) Sans doute est-ce une dominante du style de Maïssa Bey puisque son dernier roman est porteur d’une histoire qui éclate en plusieurs autres pour rendre compte de la multitude de situations liées au thème de la condition féminine en pays d’Islam.

Dans Cette fille-là, l’héroïne-narratrice se démultiplie en autant de personnages dont elle se donne la mission de consigner le destin singulier. En effet, Malika, ou si l’on préfère M’laïka, assume, en même temps que son propre parcours qui présente, sans nul doute, tous les traits pouvant l’ériger en aventure romanesque, le parcours de chacune des créatures déposées par la société comme autant de « déchets » dans une maison de vieillards.

Yamina, M’barka, Ma Zahra, Badra, Kheïra, Jeanne-Aïcha composent une synthèse complète et dramatiquement édifiante de la femme algérienne.

Élément caractéristique de cet ouvrage : on a le sentiment, chaque fois qu’une vie est ainsi mise au jour, qu’il s’agit d’une sorte de biographie sommaire dont l’auteur n’a retenu délibérément que les moments les plus significatifs. Il nous revient en mémoire, à ce propos, que lorsque Maïssa a fait part de son expérience de romancière et, notamment, de son entrée en littérature, lors d’une rencontre avec le public marseillais, elle a évoqué une personne bien vivante qui, lors de la diffusion du feuilleton télévisé Racines, affirmait le plus sérieusement du monde que son histoire à elle était supérieure en intensité dramatique à celle du fameux Kounta Kinté. Et il est certain que, prenant en charge le rapport de chacun des personnages à une société qui a assigné à la femme un rôle et une place tels qu’il en est résulté d’innombrables drames, l’auteur en a alimenté des pages d’une puissance littéraire d’autant plus remarquable que l’écriture en paraît d’une étonnante simplicité. L’auteur est une habile conteuse qui connaît parfaitement son propos, et le texte, comme ceux que nous avons évoqués plus haut, peut figurer parmi les meilleurs plaidoyers en faveur d’une reconsidération sérieuse du statut de la femme sous nos cieux.

M. A.

(*) – Au commencement était la mer – roman – Marsa-éditions -1996 et 2001
- Nouvelles d’Algérie – Grasset – 1998
- À contre silence – Paroles d’Aube – 1999
- Cette fille-là – roman – Éditions de l’Aube – 2001 – 182 p.
(1) – Une enfance outremer – 16 textes réunis par Leïla Sebbar – Collection Point virgule – Le Seuil – Paris – 220 p.

Le Matin 19 avril 2003

      Adaptation au théâtre du roman Cette fille-là de Maïssa Bey
Parole de femme sur les planches

La troupe théâtrale de Montpellier Théâtr’elles existe depuis 1991. Elle travaille depuis sa création sur l’identité méditerranéenne à travers l’écriture et la parole des femmes des deux rives. Avec l’Algérie, les relations ont toujours été intenses.
La troupe Théâtr’elles fut la première à accueillir des représentantes du groupe Aïcha d’Alger. Ensuite pendant les années sanglantes, la troupe n’a pas cessé d’accompagner le combat des Algériennes, en participant à des actions concrètes ici et en France. En association avec les Centre culturel français, elle vient d’entamer une tournée d’une semaine en Algérie. Au programme de ce périple « dramaturgique », une adaptation du roman de Maïssa Bey, Cette fille-là, paru aux éditions de l’Aube.
Une uvre préfacée par Christiane Achour, qui traite de la condition féminine dans notre pays, mais dont les résonances sont universelles. Les femmes qui naissent sous la plume de Maïssa Bey s’affranchissent par les mots du joug du silence et des traumatismes subis de génération en génération. Dans cet univers impitoyable qui opprime la femme, la prise de parole conduit d’abord à verbaliser toutes les frustrations, à dire haut et fort les injustices pour les conjurer ensuite comme un mauvais sort.
Grâce au talent du metteur en scène Jocelyne Carmichael, Filles du silence brise le bâillon de la parole confisquée. Malika, Fatima, Yamina, interprétées par Sylvie Conan, Isabelle Peuchlestrade, Virginie Quinon, sont les trois personnages qui essayent par l’expression corporelle, la gestuelle et les mots de sortir du huis clos de leur demeure. Habitant un lieu insalubre, elles prennent conscience que cet enfermement est le produit des pesanteurs sociales et d’une histoire millénaire.
Le spectateur découvre un vécu qui recèle des valeurs désuètes qui se sont endurcies avec le temps, en se muant en conduites avilissantes. Elles se sont ancrées en prenant racine dans l’âme des oppresseurs.
Le quotidien de ces femmes demeure immuable. Les peurs généalogiques sont omniprésentes. Le travail du metteur en scène devient une perche tendue pour prendre son destin en main. A côté des trois personnages qui envahissent l’espace scénique, des ombres d’autres femmes s’incrustent pour peupler ce monde de silence, en donnant de la voix comme dans les churs des tragédies grecques. Lumières et chants ajoutent au jeu des comédiennes plus d’authenticité en projetant le spectateur hors des planches pour qu’il immerge dans une actualité toujours brûlante. Cette complicité entre le texte de Maïssa Bey et la mise en scène de Jocelyne Carmichael a rendu à la parole des femmes sa fonction salvatrice et ses vertus libératrices.
Slimane Aït Sidhoum

Tournée de la troupe Théâtr’elles avec la pièce Les Filles du silence en Algérie, les 19 avril à Alger, 22 à Oran et 24 à Sidi Bel Abbès.


Slimane Aït Sidhoum

L’Expression 21 avril 2003

      «FILLES DU SILENCE» A IBN ZEYDOUN

Un cri dans la nuit

Lorsque le silence fait loi, il serait difficile, voire périlleux de le briser…

Difficile de rompre une tradition longtemps séculaire qui s’est imposée dans la vie d’une femme. Celle-ci malgré les violences qu’elle subit, les oppressions et les humiliations, ne peut dire son malheur; sa révolte qui bout en elle, bref sa souffrance incandescente qui brûle au plus profond d’elle-même. Elever la voix est un acte proscrit. Aussi qui mieux qu’une femme peut ressentir cette déchirure.
Dans Cette fille-là, paru aux éditions l’Aube, l’écrivain Maïssa Bey, ose, en s’attaquant à ce sujet délicat, donner la parole à ces femmes brimées, marginalisées, qui «déstabilisent l’équilibre de la société».
Ces femmes violentées dans leur coeur et leur corps et qui n’attendent plus rien de l’avenir, témoignage de femmes meurtries sous le joug de l’infamie.
Transposer sur les planches ces bouleversants écrits est, de ce fait, loin d’être une sinécure. Une femme, une autre, l’a pourtant fait. Il s’agit du metteur en scène Jocelyne Carmichael de la compagnie Théâtr’Elles qui a su, avec perspicacité, adapter le roman de Maïssa Bey.
Après Annaba cette création théâtrale a atterri, avant-hier, à la salle Ibn Zeydoun d’Alger (Oref). «Le but de notre théâtre est de développer l’expression des femmes. En parler d’une manière intéressante, monter aussi des textes de femmes qui ont eu notamment de l’importance dans l’histoire. La violence sur les femmes est un sujet universel qui ne touche pas uniquement les femmes algériennes», fait remarquer la réalisatrice. En effet, les trois personnages féminins qui évoluent sur scène portent en elles les meurtrissures et les douleurs de chacune d’entre nous de par le monde.
Malika, Fatima et Yamina, interprétées par Sylvie Conan, Isabelle Penchlestrade, Virginie Quinon sont le triste miroir de ces femmes-là. C’est dans ce huis clos sordide comparé à un «asile» qu’elles tisseront le fil de leurs histoires. Contée puis notée, c’est Malika, la rebelle, qui, par la force des mots, va écrire son histoire et celle des autres femmes. «Toute petite, je me suis exercée à crier en silence. Il suffit de savoir que le cri est là», dit-elle en substance. Yeux baissés, apprendre à se retenir malgré les réprimandes, les insultes, Malika ironise sur son propre sort, «Malika signifie reine, celle qui possède ou peut-être celle que l’on possède».
Malika a conscience d’être la fille d’amours interdites. «Fille de la légion», dit-on d’elle. Elle écrit «pour oublier les instants les plus sordides de sa vie », confie-t-elle. Elle représente l’espoir. Celui de témoigner des atrocités qu’on a fait subir aux femmes. Pour que plus cela ne se reproduise. Malika sait lire et écrire. Elle est libre de penser et réfléchir par elle-même. De tendre la main à ces autres femmes au destin brisé, étouffé, Yamina dont le tort a été de rêver à l’amour. Ali la laissera tomber. Qu’importe, elle aura vécu sa part belle de bonheur, en bravant tous les obstacles. Autre «cas social», celui de Fatima, fille d’une répudiée. «Une présumée». A celles-là s’ajouteront des personnages fictifs. Des silhouettes peintes que les comédiens déplaceront au rythme du spectacle.
Ce dernier est mis en valeur par le jeu subtil de l’éclairage. Du clair-obscur qui soutient l’ampleur du drame. Aussi, l’expression scénique est accompagnée musicalement par la voix de Farida Moussaoui. Longtemps tus dans le ventre, les mots remontent à la surface, crachent leurs tripes à la face du monde, pour dire leur vérité, pas très bonne à dire. Et pourtant si. Une vérité qui fait mal à entendre, à écouter qui s’écoule claire et limpide, qu’elle dérange, touche et interpelle d’où la gêne des spectateurs…En collaboration avec le CCF, cette compagnie de théâtre est programmée aussi à Oran et Sidi Bel Abbes. Des femmes parlent. Ecoutons-les!

O. HIND

El Watan 21 avril 2003

     IBN ZEYDOUN-REPRÉSENTATION DE THÉÂTR’ELLES / Maïssa Bey, mère du silence

La pièce de théâtre Filles du silence, mise en scène par Jocelyne Carmichael, a été présentée, samedi soir, à la salle Ibn Zeydoun de Riadh El Feth. Adaptée du roman autobiographique de Maïssa Bey intitulé Cette fille-là aux éditions de l’Aube, cette pièce théâtrale bien ficelée n’est autre que les cris ou plus exactement les paroles multiples de femmes.

Pour ce faire, les rôles ont été confiés à trois comédiennes de la troupe Théâtr’elles de Montpellier, en l’occurrence à Isabelle Peuchlestrude, Sylvie Conan et Virginie Quinon. Ces dernières incarnant trois rôles à la fois, se font le porte-parole de Malika, Fatima et Yamina. Ces voix s’élèvent du néant en tentant de briser le silence… de l’oppression. La condition féminine dans toute son ampleur et sa dimension est exhumée au parfum du jour. Grâce à l’expression corporelle et au riche répertoire de jeu de mots, ces femmes extirpent la douleur de leur entrailles pour venir conter leur dur quotidien dans une société déchirée par les tabous. Evoluant dans un espace cloîtré où la misère est maître des lieux, ces innocentes âmes savent au fond d’elles-mêmes que leur situation est la résultante des us sociales et d’une histoire vieille de plus de mille ans. Au fur et à mesure que les trois comédiennes se meuvent sur la scène, des ombres de plusieurs autres femmes se devinent en filigrane suivies de l’élévation de voix, s’apparentant aux chœurs de la tragédie grecque, aidés en cela par un puissant jeu de lumière. Une façon singulière et ingénieuse de projeter le spectateur hors de la scène en le transférant corps et âme dans cette histoire toujours d’actualité. Le metteur en scène Jocelyne Carmichael, puisant dans le roman de Maïssa Bey, a un grand mérite, celui d’avoir restitué une parole jusque-là confisquée par l’ignorance humaine. Il est à noter que la troupe Théâtr’elles de Montpellier existe depuis 1991 et a toujours travaillé sur l’identité méditerranéenne, et ce à travers l’écriture et la parole des femmes des deux rives. Cette troupe est la première à avoir accueilli des représentations du groupe Aïcha d’Alger. Organisé par le Centre culturel français, après Alger, la pièce théâtrale Les filles du silence sera reconduite le 22 à Oran et le 24 à Sidi Bel Abbès.

Par Nassima C.

Liberté 21 avril 2003

“Les filles du silence” à Ibn-Zeydoun


Délits de femmes
La pièce se fait l’écho d’un cri étouffé à coup d’oppression et d’asservissement misogyne.

      Peintre, poète, guide touristique, chercheur…, Mahfoudh Mekhzoumi est un artiste au parcours chargé. Il a roulé sa bosse un peu partout où sa passion l’a entraîné, jusqu’à ce qu’il devienne “un vieux de la vieille !” Il s’empresse d’arborer ses 63 ans dès que l’on a partagé quelques formules de politesse avec lui.
C’est sa façon à lui de briser la glace. Il reconnaît ne pas trop aimer battre le pavé, bien que les errances urbaines lui aient permis de sublimer son “Alger La Blanche” dans ses nombreuses toiles.
Son terrain de prédilection reste davantage le désert algérien. Mekhzoumi préfère avoir les pieds dans le sable pour mieux contempler le ciel limpide du Sahara, où il a passé le plus clair de ses trente dernières années. Un lien organique semble s’être tissé entre lui et le Tassili dès le premier périple. Il a, d’ailleurs, servi de guide touristique pour le compte de l’ONAT après avoir entamé une recherche sur le patrimoine socioculturel algérien sous l’égide de la Société de recherches économiques et scientifiques de Montréal (SORES).  “Le patrimoine, c’est un des éléments de l’identité d’une nation, préservons-le”, nous dit-il.  Il connut aussi l’exil à Hassi Messaoud en 1994. Ce qui lui permit d’animer un atelier de peinture jusqu’en 2000. De ses multiples périples, il est revenu, à chaque fois, un peu plus rajeuni… des poèmes plein la tête, des reproductions rupestres plein les toiles. “Ensemble apprécions nos cultures, enrichissons-nous de nos mutuelles connaissances”, n’arrête-t-il pas de répéter.  Depuis quelque temps, il a largué les amarres sur les hauteurs d’Alger. Du haut de son atelier, il scrute la mer en attendant d’autres voyages, d’autres aventures…
Au début du mois de janvier, il débarque en France pour exposer — du 9 au 21 janvier — au Centre culturel algérien (CCA) de Paris, un “édifice magnifique”. Il est le premier à être sélectionné pour l’ouverture des manifestations picturales, pompeusement inaugurées par les officiels de l’Année de l’Algérie en France. Mais les 12 jours qui suivirent furent plutôt comparables à une traversée du désert. Mekhzoumi garde, en effet, “un petit goût d’inachevé” de son aventure parisienne. “Maigre couverture médiatique, qualité d’accueil discutable, nombre insuffisant de dépliants explicatifs…”, regrette-t-il, en rappelant qu’il n’est pas là  pour alimenter les polémiques ou pour “dénigrer quelque partie que ce soit. Je souhaite, seulement, que nos institutions soient dignes des trente millions d’Algériens qu’elles  représentent. Nous avons une richesse culturelle inestimable qu’il faut valoriser, ici comme ailleurs”, affirme-t-il. Mais la grisaille de Paris ne lui fut pas tout à fait défavorable. “Ça m’a permis de nouer des contacts, de contracter de nouvelles amitiés, d’élargir mes perspectives…”, reconnaît-il. Il fut, notamment, introduit membre du Syndicat national des artistes professionnels (SNAL) et invité par l’Agence de promotion de la culture et du voyage pour animer une soirée spécial Algérie avant de plier bagages pour regagner son fief. D’où il scrute la mer, en attendant d’autres voyages, d’autres aventures…

D. B.




 

Lounès Ramdani – 28 mai 2001 – mise à jour 22 mars 2005



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À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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