Dans Nedjma, Kateb Yacine décrit sous une forme allusive et symbolique les premiers mouvements de l’Algérie vers l’Indépendance. Mustapha, l’un des héros, se souvient de son enfance.
A l’école primaire, l’institutrice ne fait pas de distinction entre les écoliers arabes et les autres. En troisième, les choses ont changé.
La scène se passe à Sétif en 1944, un an avant les évènements du 8 mai 1945. A cette époque le mouvement national est divisé entre ceux qui veulent profiter de la loi de mars 1944 qui accorde la citoyenneté à l’élite cultivée et ceux qui affirment leur refus de l’assimilation et leur volonté d’être exclusivement musulmans.
- Vous avez trois quarts d’heure pour finir.
Monsieur Temple souffle sur ses doigts.
Il ôte ses lunettes et se rassoit.
La salle de sciences naturelles est la mieux agencée : elle comprend trois longues
marches de bois sur lesquelles sont fixés les pupitres ; chaque classe y a ses dispositions particulières ; les élèves
de « troisième classique » ont leur place marquée dès le premier cours, pour toute l’année.
M. Temple est le doyen des professeurs.
Il est membre du conseil de discipline.
Il a une voix effroyablement puissante.
Il tient à la lettre de ses cours.
Il ne revient pas sur les leçons.
Il ne lève jamais une consigne.
Il ne bavarde pas avec les autres professeurs.
On ne le rencontre pas dans les rues de Sétif.
Mustapha change de place et de rangée ! Ce n’est pas tout. Cette matinée d’automne
(1944), se distingue par un nombre inhabituel d’absents. Mustapha se trouve seul dans la
rangée de gauche. C’est jour de composition.
M. Temple ne souffle mot.
Il attend peut-être le cahier des absents.
Il quitte un instant son bureau, pénètre dans le laboratoire.
Une fille, puis une autre, se tourne vers Mustapha.
Il les fixe, les lèvres tremblantes.
Elles ont un chuchotement étouffé.
Charles, l’efféminé, fredonne
S… et T… commencent une parlote moqueuse, pleine d’allusions.
- Nom de Dieu ! piétine M. Temple.
Sa bouche reste ouverte.
Une mèche blanche danse sur les rides.
Il pose rudement le squelette Casimir.
Tous courbent la tête, y compris Mustapha
- Mademoiselle Duo, filez chez le surveillant général !
La fille du plus grand pâtissier de Sétif se retire, en secouant sa lourde chevelure
noire. Mustapha respire jusqu’au filet de vent qu’elle attire, en refermant la porte.
Entre le magasinier, avec son registre vert.
Charley donne le nom des absents.
Il appuie sur les sons gutturaux.
Tous les absents sont des musulmans.
Le magasinier laisse un papier sur la chaire.
M. Temple lit, impassible.
Mustapha feint de détailler le squelette.
Il sent sur lui le regard du professeur.
« … Cher maître je ne remettrai pas la copie… c’est aujourd’hui le Mouloud… Nos
Fêtes ne sont pas prévues dans vos calendriers. Les camarades ont bien fait de ne pas
Venir… J’étais sûr d’être premier à la composition… Je suis un faux frère ! … J’aime
les sciences naturelles. Lakhdar ne l’entend pas de cette oreille. Je suis venu seul. Je
remettrai feuille blanche… Je suis venu seulement pour connaître le sujet… Pour
éprouver l’impression solennelle de la composition. J’aime les sciences naturelles. Je
remettrai feuille blanche. »
- Mustapha Gharib…
Le squelette danse.
… Au bureau de monsieur le principal.
Les têtes se relèvent, encore effrayées et triomphantes.
Questions :
1 – Dans la première partie du chapeau il est mentionné : « En troisième, les choses ont changé ».
Quels sont les éléments du texte (phrases, détails) qui le montrent ?
2 – Pourquoi le nombre d’absents est inhabituel en cette matinée ?
3 – Expliquez le sens de la dernière phrase du texte et analysez les 2 qualifiants.
4 – Que pensez-vous de l’attitude de Mustapha ?
5 – Quel est le sens de la phrase : « Nos fêtes ne sont pas prévues dans vos calendriers » et quel est le pronom dominant dans le texte – Expliquez pourquoi.
Université Ibn-Khaldoun de Tiaret
Faculté des Sciences Humaines et des Sciences Sociales
Département des Langues
Division de Français
Module : Littérature et Société
EXAMEN
25 janvier 2009
LITTERATURE