Mercredi 14 Janvier 2009 18h29mn 07s
« belfadhel »
- L’école indigène
(Voici un extrait que j’ai choisi pour la circonstance et qui figure sur un manuscrit que j’ai intitulé « les menottes du passé » Bonne lecture mais ce que j’attends de vous ce sont surtout des commentaires…..s’il vous plait pas de complaisance, j’ai besoin d’un avis sincère et objectif ! )
Lalla Fatma : 2ème collège, officiellement nommé « école indigène », mais que nous appelions avec une fierté bien affichée « l’icoule el A’rab » et les tout premiers balbutiements combien maternels de ma langue retrouvée en signe de protestation contre le 1er collège « l’icoule Francisse » ! Cet écart phonématique et bien d’autres
circonstances ont parachevé mon sentiment national. Le paroxysme en sera atteint lors de la proclamation effective de l’indépendance. J’allais avoir dix ans et je voyais autour de moi des enfants, des femmes, des hommes de tout âge déferler dans les rues du village, brandissant des drapeaux, scandant à tue-tête des airs patriotiques. Emporté par cette liesse épidémique, le prestigieux étendard vert-blanc-rouge à la main, je me mis moi aussi à chanter. Et j’ai enfin compris que rien ne remplaçait la liberté !
A l’école, en classe et pendant la récréation, parler en arabe était vivement interdit. Toutes les matières sont dispensées en français. La langue arabe végétait en seconde zone, tout comme l’écrasante majorité de la population du village et des alentours, subissant ainsi les affres et les retombées du code de l’indigénat.
Le maître d’école, ce jour-là, faisait lire à ses élèves un texte extrait d’un écrit de Colette, une grande dame de la littérature française. La classe se composait d’indigènes. Hida, interrogé commença à lire. Parvenu à la dernière phrase qui achevait le texte, il suspendit sa lecture. En dépit de l’insistance du maître, le petit indigène restait de marbre et ne souffla mot. Mimouni, un autre élève, reprit la lecture et le même scénario se produisit : La dernière phrase n’est pas lue ! Ensuite Houari, même chose… Par effet d’entraînement, toute la classe lut le texte mais la dernière phrase tue, boycottée, bannie, censurée, ne passait pas !
Le maître se plaignit auprès du directeur de l’école en lui rapportant le fait. Monsieur Rahal (originaire de Tlemcen, si j’ai souvenance) se pointa en classe et…miracle ! Pour la première fois, les élèves écoutaient quelqu’un leur parler dans leur langue maternelle. Un indigène, directeur d’école ! Toute la classe n’en revenait pas ! Par des mots très convaincants, il leur expliqua la situation et que s’ils persistaient dans leur entêtement, lui–même et les très rares enseignants algériens de l’époque allaient avoir des problèmes. Il leur dit tout simplement ceci : « Quand vous lisez cette dernière phrase Vive la France ! Vous ne faites que la lire et rien de plus…en fait, votre cœur comme le mien est ailleurs,…quelques parts dans les djebels où de valeureux enfants de la patrie sont en train de verser leur sang pour la libération de ce pays ! »
Ces quelques paroles ramenèrent la paix dans le cœur des écoliers et le calme en classe. Le maître accompagnant le directeur jusqu’au seuil de la porte devait certainement s’interroger sur cet étonnant retournement de situation !
Belfadhel Saïd
14 janvier 2009
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