belfadhel Saïd a écrit:
une petite anecdote me vient à l’esprit :
Les curiosités du souk attiraient comme des mouches certains collégiens téméraires qui séchaient les cours du samedi matin ! Avec quelques uns de ses amis de classe, Abd…en fit un jour l’expérience. Nos gais lurons, cartables en mains, appréciaient
chaque instant de cette précieuse liberté de bêtes évadées d’une animalerie ! Ils étaient attentifs à la moindre attraction, tout heureux tantôt de prêter l’oreille aux airs bédouins qui se distillaient dans le brouhaha d’une foule de gens affairés, tantôt de vadrouiller au milieu d’étals richement décorés, se faufilant parmi ce dédale de petits commerces dont les propriétaires en blouse grise conviaient tout ce beau monde à la criée, lui proposant des prix alléchants. Nos petits amis se délectaient les yeux à la vue des zarbias (tapis de tissage traditionnel) aux motifs millénaires et didactiques. On ne s’ennuie pas en pareille circonstance surtout quand on voit du haut de ses quinze ans cette magnifique caverne d’Ali Baba s’offrir à vous sans avoir à prononcer le fameux sésame. Etonnante diversité de choses et de bêtes.
Le souk aux bovins bien connu dans le pays, était l’emblème, l’image de marque du village et tous les éleveurs de la région et d’ailleurs viennent ici vendre moutons, bœufs, chevaux ou baudets ! La transaction faite, vendeurs et acheteurs tout heureux de leur journée prennent un thé ou un café, à l’ombre d’une guitoune. Nos « fugueurs en herbe » dont l’emballement immodéré détale, crinière au vent ainsi qu’un étalon indompté, se baladent d’étal en étal et ne voient pas le temps s’écouler. Aussitôt, une main leste s’empara de l’oreille de Abd…Celui-ci se retourna et découvrit la personne qui lui serrait l’oreille : son propre professeur Mr Adjel – un coopérant tunisien – tombé nez à nez avec lui au mauvais moment et au mauvais endroit ! Les ayant tous apostrophés, il les mena au pas en file indienne comme on fait rentrer dans la bergerie des moutons égarés. Il fut même retrouvé une outre* dans les affaires de H.C, un des plus brillants partisans de l’école buissonnière ! Mr Aït Mouloud, alors directeur du collège exigea illico presto la présence de leurs parents. Mais un gros problème se posait à mon frère, notre père étant parti au pèlerinage, il lui fallait trouver un remplaçant ! abd.. trouva l’astuce : je ne sais comment il a pu convaincre un de nos voisins Si Ahmed belaggoune de le faire passer pour son père ! Les voilà maintenant réunis dans le bureau du Directeur et Mr Aït Mouloud de pester avec force locutions le comportement inacceptable de ces collégiens ! Si Ahmed hochait la tête et jetait de temps à autre un regard réprobateur sur Abd…! Alors que l’on s’acheminait vers la fin de ce procès, Mr Gasmi qui venait d’entrer s’approcha d’Abd…et lui dit ceci : « Toi, je te connais, n’es-tu pas le fils de Hadj Tahar ? » Le pot aux roses est découvert ! Ce jour-là, le pauvre Si Ahmed Belaggoune devait certainement maudire l’instant où il avait accepté de jouer cette mise en scène : Mr Aït Mouloud n’est pas allé de main morte et passa toute sa colère si célèbre sur ce pseudo-parent !…..Les « évadés » s’attirèrent les foudres de tous les autres professeurs….
On leur administra une correction inoubliable…
Il nous était formellement interdit de fréquenter les cafés, le cinéma et d’autres endroits susceptibles de porter préjudice à notre scolarité. L’école devait être notre principale préoccupation et tout élève pris en flagrant délit s’attendait dès le lendemain à subir une semaine de remontrances, de sanctions et de garde à vue !
Mais les privations n’ont pas que des défauts…L’avenir a montré le bien fondé de cette discipline de fer et il faut le dire sans détour : Beaucoup de ces enfants même les moins enthousiastes ont réussi dans leur vie. C’est convenir que tout a un prix !
13 janvier 2009
Non classé