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La Voix

6 décembre 2008

BENBRAHIM DJILALI

Samedi 6 Décembre 2008 21h01mn 50s

Auteur     : djilali Benbrahim (IP: 41.201.114.253 , 41.201.114.253)
E-mail     :
bendji1er@yahoo.fr
La Voix
    « Qu’avez-vous fait ?!! Qu’avez - vous fait ? » Mais qu’avez -vous donc fait ?!!! »
    Ne cesse de marteler à mon  oreille une voix  rebelle qui me hante. J’eus des frissons dans le dos quand je la reconnue ; c’était la voix de celui qui m’a vu naître et grandir.

Feignant de l’ignorer, elle reprend de plus belle sans aucun ménagement, je crus reconnaître des râles d’agonisant qui lance un dernier cri de détresse avant de succomber. Dans une dernière tentative, elle, la voix de mon village, rassembla toutes ses forces pour me balancer au visage  flapi ses vérités toutes crues dans un plaidoyer ou un réquisitoire…En réalité je n’en sais plus rien puisque ses propos m’ont bouleversés. Et c’est ainsi qu’elle déclama :
    « Votre beau village aux mille senteurs ; vous l’avez, toute honte bue et toute dignité chue, livré pieds et poings liés aux mille bonimenteurs.
    Seuls  quelques platanes ; témoins d’un siècle passé, continuent de résister encore à la bêtise humaine en se rappelant ces temps reculés ou, alignés  au garde à vous ,ils étaient soignés, désinfectés, élagués et chaulés  pour donner une âme au village. Lors des fêtes locales et nationales ils arboraient dignement drapeaux, fanions  et guirlandes comme atours d’apparats. Ils aidaient les chérubins en quête de savoir botanique en prêtant à chacun une feuille qu’il plaçait soigneusement dans son cahier de leçons de choses. Aujourd’hui, comme ils n’ont pas d’yeux pour pleurer, ils doivent certainement envier le poète qui « fume le Houka en rêvant d’échafaud ».
    Les champs de blé  qui s’étalaient  à perte de vue ; où les épis blonds se dressaient noblement, cachant jusqu’à la tête les enfants qui s’y aventuraient ; et, auréolés  de  jolis coquelicots ;  ils affichaient, non sans ostentation, la prospérité  de notre patelin fier, comme un turc, de sa vocation agro- pastorale.
    Les fleurs  nous ont définitivement quittées  et relèvent désormais de tristes et lointains souvenirs puisque les jardins, les cours d’écoles, les placettes publiques et les balcons naguère fleuris, sont devenus de simples clos flétris comme le sont d’ailleurs les visages  des gens ; jadis avenants, souriants et pleins de vie.
    Les bougainvilliers, les géraniums, les tulipes, les lierres grimpants et toutes les belles fleurs qui faisaient de notre hameau un paradis aux belles fragrances où il faisait bon vivre ;  ont été remplacés par des clones en plastic.
    Livré à lui-même,  votre beau village est devenu bot et infirme purulent  depuis que les immondices  jonchent les rues et les places et que les puanteurs et émanations pestilentes et nauséabondes, à retourner le cœur d’une charogne,  ont remplacé tous ces bons parfums qui agissaient sur les passants comme un stimulus engendrant une sensation de bien être.
    Comme tous les malades bancals,  titubant, il est devenu une proie facile à tous ces prédateurs, pires que des chacals, qui scrutent l’horizon avec leurs yeux de caracals ; dans l’espoir de se festoyer de régals, dans leurs demeures devenues par le bédouinisme  patent, pires que ces enclos d’Afrique dénommés kraals.
    Les dernières  vendanges remontent  à des temps immémoriaux et leurs bals ont cédé la place à ceux des vampires qui sucent, lèchent et se pourlèchent.
    Dans les annales de votre pauvre patelin, il sera inscrit que les nouveaux détenteurs du pouvoir économique, incultes et bouchés à l’émeri, confondent facilement entre les chorals qui retentissaient et qui faisaient au moins le bonheur des enfants du chœur ; et les corrals qu’ils n’auraient jamais dû quitter ; surtout que ces enclos à bestiaux leur conviendraient parfaitement  comme refuges.
    Si sous d’autres cieux plus cléments les responsables en charge de la cité s’évertuent à donner du bonheur à leurs concitoyens en organisant des festivals  mettant en valeur un produit du cru ; tout comme ils trouvent du plaisir à inviter des artistes  pour des récitals ;  vos dirigeants ; adipeux, bedonnants et ventripotents, préfèrent de loin se pencher sur les sex-appeals  pour s’épancher ; pendant  que vos pauvres jeunes affrontent ces vents violents  et glacials qui  n’ont rien à envier aux mistrals ; en se rabattant sur les barbitals comme moyen d’évasion puisqu’ils ont perdu leurs idéals. Même les cérémonials religieux de jadis ont perdu de leur constance pour se transformer en de banals événements n’attirant que de vieilles âmes attendant les jours fatals.
    Certains nouveaux agriculteurs, profitant de l’économie de marché prétendent tenter l’expérience de remplacer l’Alfa par l’Agave mexicaine qui produit des sisals permettant de fabriquer des sacs et des cordes ; alors qu’en vérité, ces possédants  sont plus intéressés par la Téquila qu’ils peuvent tirer de cette plante, et qui peut s’avérer  beaucoup plus lucrative.
    L’inculture, l’arrogance, l’amoralité, l’intolérance, la vanité, la fatuité et la suffisance engendrent forcément la cécité ; et cette dernière, alimentée par les conflits tribals, a brisé les os de votre pauvre village pour le mettre à genoux et mieux le saigner ; cependant, ces aveugles responsables de cette déchéance semblent oublier que Dieu, dans son infinité bonté, permet à la nature de se régénérer d’elle-même. En effet, Dieu ne jouant pas aux dés, comme dirait Einstein, offre aux os brisés la possibilité de se ressouder automatiquement grâce à des cals naturels ; tout comme il offrira à votre village chéri  la chance de se relever de nouveau, de se reconstituer et de voler des ses propres ailes sans pour autant refaire Icare. Pour ce faire, il aurait besoin de l’assistance et de la mobilisation de tous ses enfants qui pleurent à chaudes larmes la déchéance des quartiers natals. Le jour où ils décideront de passer enfin à l’action, ils se passeront des avals de leurs ainés qui ne les ont que trop déçus et qui  méritent de subir les supplices des pals. »
    Comme je  restais ébaubi face à toutes les vérités assenées sans complaisance,  la voix, remarquant ma mine déconfite et mon air dépité, se fit plus calme et plus rasséréné pour me convier à partager avec elle le rêve d’une vie meilleure  qu’elle préconise pour le village et pour tous ses enfants.
    « Nous recréerons les espaces verts en rendant aux fleurs leurs lettres de noblesse quitte à aller en Inde pour importer ces arbres aux bois odorants que sont les santals ; même les nopals retrouveront une place chez nous, et cette expérience nous apprendra la patience  d’enlever ses épines à une plante grâce.   
    Le marché à bestiaux, jadis fierté de toute la région, retrouvera la place qu’il n’aurait jamais dû céder même s’il faut pour cela le remplir de gayals, ces bovinés que nous ramènerons d’Asie et que nous domestiquerons à notre tour.
     Nous inventerons des lacs artificiels que viendront égayer des dauphins, des licornes de mer communément appelées narvals, et des rorquals géants voisins des baleines pour le plaisir de nos enfants. Nous réserverons un espace aux gavials, si toutefois nous parvenons à les ramener d’Inde.
    Nous réinventerons les fêtes organisées durant les floréals, où, pendant que les jeunes dansent aux rythmes des tonals ; les cyclistes concourront dans des trials, ces fameux sports où les coureurs évoluent en terrain accidenté semé d’embuches qu’il faut affranchir sans perdre l’équilibre.
    Le sport roi sera réhabilité par une équipe qui portera aux cimes les couleurs locales. Nous formerons surtout des goals, appelés à devenir des chats-tigres, qui défendront nos bois avec conviction mais surtout avec agilité et promptitude comme le feraient ces chats sauvages  d’Afrique appelés aussi servals. Pour l’attaque, nous aurons notre propre Maradona que nous  ne paierons pas en australs argentins  mais en monnaie locale sonnante et trébuchante.
    Nous enverrons nos enfants se former à l’étranger, même en Belgique s’il le faut et nous réglerons pour eux les minervals, en sus de la bourse, pour leur permettre de suivre un cursus de haut niveau. Une chose sera sûre ; nous serons fiers de nos futurs physiciens qui nous parleront en gals et en pascals. Ainsi peut être qu’un jour ils nous feront l’honneur de diriger des sites aéronavals.
    Nous encouragerons toute forme d’investissement et nous attribuerons des terres à ceux qui désireraient planter des conifères pour se redéployer dans l’industrie chimique en fabricant des copals et autres vernis.
    Nous redécouvrirons ces vals, ces palais et ces chaumières qui importaient peu au poète quand tout était dépeuplé.
    Nos étals seront à nouveau riches en produits de haute qualité et les fins gourmets trouveront à loisir toutes sortes de fromages ; il y’aura du Pané, du Gervais, et pourquoi pas des emmentals et des cantals.

    Nous n’aurons plus honte d’aller visiter nos cimetières  pour saluer, du haut des galgals, nos morts, ravis enfin par la métamorphose du village.
    Nous distribuerons des rials par milliers à tous ceux qui souhaiteraient entreprendre un pèlerinage aux lieux saints de l’Islam.
    La relation étant de cause à effet, il faudrait maîtriser les effets causals pour parvenir aux finals souhaités ; et pour ce faire, il est avant tout impératif de se débarrasser une bonne fois pour toutes de ces mentalités de carnavals  « FI DACHRA » qui ont longtemps prévalues, qui prévalent encore ; et qui nous ont conduits à l’abime. »
    Comme j’étais plongé dans ma rêverie en essayant d’imaginer ce  que serait le village si on venait à concrétiser ne serait que la moitié de ces vœux formulés avec fougue et amour, une larme gicla de mon œil pour couler le long de ma joue. Mon village compatit à mon affliction et pour me déculpabiliser, la voix reprit doucement sous le sceau de la confidence :
     « Tu sais Fiston ! je suis déjà centenaire, et crois- moi, un siècle de vie nous apprend beaucoup de choses. J’ai connu des jours meilleurs comme j’ai vécu des jours pénibles. La vie est ainsi faite de hauts et de bas, cependant, durant les moments difficiles il faut savoir raison garder.je demeure convaincu que le jour viendra où notre ciel sera de nouveau immaculé et où le soleil brillera pour réchauffer les cœurs de tous mes enfants qui redécouvriront enfin le bonheur et la joie de vivre. En  attendant ce jour béni, je te conseille de t’inspirer de Baudelaire, Allah Irahmou, pour ces paroles :
    « Il faut toujours être ivre. Tout est là: c’est l’unique question pour ne pas sentir le poids de l’horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve .Mais de quoi? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.»
Djilali Benbrahim.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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