Lundi 8 Septembre 2008 1h44mn 29s
Mon Algérie à moi. Extraits(1)
de Djilali Benbrahim
Au lecteur
Cet essai n’a pas la prétention d’être l’œuvre d’un spécialiste en analyse politique, ni celle d’un sociologue. C’est juste un défi que se lance à lui-même, un citoyen autodidacte féru de lecture.
En cette période de disette culturelle où la lecture est en voie de disparition et où l’écriture relève de l’exploit, j’ai pris ma plume pour coucher noir sur blanc mes idées à travers un projet de société que j’imagine pour une Algérie meilleure.
Afin d’aborder les sujets, aussi bien d’actualité que passés, j’ai imaginé un entretien à bâtons rompus, entre un journaliste et un président de la république.
A travers cet entretien, j’essaie de passer en revue les différents problèmes vécus par notre société, tout en y apportant des propositions de changement par le biais de la révision de la constitution, que je considère comme un texte de loi résumant un projet de société.
Comme ce travail n’a rien de scientifique, je ne me suis appuyé sur aucun document ni archives.
La narration de certains faits historiques étant faite de mémoire, la chronologie des événements n’est pas forcément respectée.
Pour être honnête avec le lecteur qui ne partage pas mes idées et ma façon de voir les choses, le fait qu’il me lise me comble de bonheur, l’essai étant toujours polémique ou partisan.
L’auteur.
Le journaliste :
Monsieur le Président, nous nous connaissons depuis longtemps et je voudrai profiter de cette amitié pour vous poser des questions.
J’espère que vos réponses seront aussi claires que franches, d’autant que cet entretien est imaginaire.
Pourquoi voulez-vous amender la constitution ? Est ce pour briguer un troisième mandat ?
Le Président :
(Rires). Ecoutez, vous voulez des réponses franches ; OK. Allons-y franchement !
Tout d’abord, je ne veux pas amender la constitution actuelle, je veux une autre constitution… ma constitution… Et vous comprendrez donc que mes visions vont bien au-delà d’un troisième mandat et que les enjeux sont bien plus importants.
En effet s’il s’était agi uniquement du troisième mandat, un amendement au niveau des deux chambres aurait suffi, comme l’a d’ailleurs implicitement suggéré un ancien ministre.
Le journaliste :
En dehors de la disposition concernant le nombre de mandats, qu’est-ce qui vous dérange dans la constitution en vigueur ?
Le Président :
Tout !! À commencer par l’article premier !
Le journaliste :
Plus explicitement ?
Le Président :
Au lieu d’énoncer que « l’Algérie est une République » (par abréviation RA), pour la différencier d’un Royaume, d’un Emirat, d’un empire ou d’un Sultanat, et de laisser les autres dispositions de la constitution prouver que le régime auquel nous aspirons est démocratique et émane de la volonté populaire , nous on préfère dire que l’Algérie est une République Démocratique et Populaire, et pourquoi pas, Formidable, Extraordinaire, Magnifique, Merveilleuse et Compliquée, par abréviation : RADPFEMMC
Le journaliste :
Je sens qu’on ne va pas s’ennuyer avec vous. Je reviens donc à ma question pour vous demander de nous parler de votre constitution.
Le Président :
Soyons sérieux, la constitution, c’est quoi ?
Avant d’être la loi suprême d’un pays d’où découlent toutes les autres lois de la république, et avant d’être cet arbitre entre les différents pouvoirs, c’est d’abord et avant tout une feuille de route (voila un mot en vogue ces derniers temps) qui définit clairement le modèle de société que nous voulons pour notre pays.
Je vous vois venir avec vos gros sabots, et l’air malin, me demander pourquoi pas une assemblée constituante, comme ne cessent du reste de le réclamer certains partis, et depuis mille neuf cent soixante trois même.
Je vous ai promis la franchise je vais donc être franc.
J’ai longtemps et longuement réfléchi à la question et je suis arrivé à conclure que la constituante n’est pas forcement la bonne solution, et ceci pour plusieurs raisons.
Primo : Consultez les archives de l’assemblée nationale, depuis qu’elle existe jusqu’à celle d’aujourd’hui et vous remarquerez, en vous penchant sur sa composante que beaucoup de députés n’ont pas la compétence politique appropriée.
Ce n’est pas faute de cadres mais le système et les mentalités ont fait qu’au moment du vote, ce n’est pas la compétence qui l’emporte mais bel et bien le tribalisme et le clientélisme. Alors n’attendez surtout pas d’une pareille assemblée un projet de constitution sérieux, capable de présenter un document qui s’inspire de la réalité du pays et de la société et non pas des fantasmes des uns et des autres.
Deuxio : Notre société étant pluri- culturelle d’une part, ce qui est une grande chance pour le pays, et sous- développée d’autre part, je crois sincèrement qu’il est du devoir de l’Etat, et surtout de celui de son Président, de préserver cette diversité et surtout de veiller à éviter l’adversité.
Tercio : Même si le projet de la nouvelle constitution émane du Président, dites- vous bien qu’il a été concocté par un panel de personnalités, tout aussi, sinon mieux qualifiées que la majorité des sénateurs et députés, avec tout le respect que je dois aux uns et aux autres et qu’il sera soumis à débat pour enrichissement avant de le soumettre à l’adoption par le peuple, qui est et demeurera souverain dans ses choix.
Ceci dit, je pourrais disserter pendant longtemps sur les différents modèles de constitutions à travers le monde.
Je pourrais vous parler de la constitution qui peut autoriser le juge à ne pas appliquer la loi s’il considère qu’elle est inconstitutionnelle.
Comme je pourrais vous parler de la constitution qui autorise un certain nombre de personnes, simples citoyens, à saisir le conseil constitutionnel.
D’autres constitutions consacrent et défendent la laïcité, concept fort joli mais incompris, donc inconcevable dans notre société d’aujourd’hui
Aux états unis, les électeurs américains connaissent la date des élections des années à l’avance. Leur constitution stipule qu’ils voteront le 2 novembre, pour le premier tour des présidentielles et qu’ils auront deux semaines pour le deuxième tour.
Elle stipule aussi que le président élu ne prendra ses fonctions que le 20 janvier d’après. Vous admirerez avec moi ce souci de précision car il importe peu que le 2 novembre ou le 20 janvier soit un jour ouvrable ou férié.
De plus, leur constitution ne permet pas de dépasser deux mandats de quatre années.
Du temps de Bill Clinton par exemple, malgré toute la sympathie et la popularité dont il jouissait, il eut été inconcevable qu’il pensât, ne serait- ce que durant une petite seconde, à amender la loi fondamentale pour briguer un troisième mandat.
Pour l’anecdote, savez vous que tout Président des Etats-Unis d’Amérique qu’il est, le nouveau locataire de la maison blanche ne peut ramener dans sa valise que son stylo et le portrait de sa famille qu’il remballera à la fin de son mandat.
Il va sans dire qu’il n’a pas le droit de toucher au bureau ovale, ni d’y apporter un quelconque changement car c’est le patrimoine du peuple américain qui veille à la pérennité de l’Etat en appliquant fidèlement cette devise : Les hommes passent, et les institutions restent !
Tout ceci, pour vous dire que, d’une part, s’inspirer de ce qui se fait ailleurs est une bonne chose et même recommandé mais que, d’autre part, il faut éviter les imitations bêtes quand il s’agit de choses sérieuses qui engagent l’avenir du pays, d’autant que le problème est un problème de conformité.
Pour que le peuple se conforme à la loi, il faut que celle-ci soit conforme à ses aspirations.
Le journaliste :
Les mauvaises langues disent que chaque Président qui vient, après quelques années au pouvoir, veut un costume à sa taille.
Qu’avez- vous à répondre pour justifier que ce n’est pas le cas pour vous ?
Le Président :
Nous sommes devenus des « bouffeurs de constitutions » comme dirait cet éminent constitutionaliste du cru. Ce qui est l’apanage véritable du sous développement.
Pour rigoler un peu, je vous dirai qu’en suivant la genèse constitutionnelle, depuis l’indépendance du pays, il m’est apparu une évidence effrayante qui fait que je n’ai pas intérêt à changer de costume comme vous dites car je ne durerai pas longtemps après le changement de ce dernier.
Je vois que vous ne me saisissez pas très bien. Je vais éclairer votre lanterne.
En 1963 : vous avez une constitution,
En 1965 : départ du Président.
En 1976 : une constitution,
En 1978 : départ du Président.
En 1989 : une constitution,
En 1992 : départ du Président.
En 1996 : une constitution,
En 1999 : départ du Président.
En 2007 : une constitution,
En 2009 : départ du Président.
On ne va pas revenir sur les motifs des départs des différents Présidents qui se sont succédés mais vous remarquerez, chiffres à l’appui, que pas un seul n’a duré plus de trois ans.
Donc, si c’est une fatalité, je n’ai aucun intérêt à faire comme mes prédécesseurs.
Le journaliste :
A vous entendre, vous ne serez pas là en 2009. Alors pourquoi cette révision ?
Le Président :
Vous ne m’avez pas laissé finir. Lorsque je parle de la nécessité de réviser le système, il ne s’agit pas de le faire pour arranger des personnes mais bel et bien pour s’assurer de la pérennité de l’état.
Il nous faut une loi fondamentale claire, nette, sans vides juridiques et qui détermine de manière définitive le rôle de tout un chacun. Les relations entre les différents pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire ne doivent souffrir d’aucune ambiguïté. Il est tout à fait clair que chaque protagoniste doit comprendre parfaitement son rôle et ce qui est attendu de lui. Pour ce faire, il faut trancher quant au choix du régime que nous voulons. Il va sans dire qu’en ce qui me concerne, le choix est fait.
J’ai la faiblesse de croire qu’un régime présidentiel siérait parfaitement à notre communauté, contrairement au régime parlementaire.
Laissez- moi vous dire que pour ce qui est de l’actuel régime, il n’est ni présidentiel, pourtant attribuant de larges prérogatives au Président, ni parlementaire car réduisant le parlement à de simples chambres d’enregistrement, voire des caisses de résonance.
Parlons maintenant un peu des régimes dits constitutionnels parlementaires ou semi présidentiels.
Vous avez, d’une part, un Président élu au suffrage universel direct, sur la base d’un programme qu’il s’engage à réaliser comme vous avez d’autre part l’assemblée nationale qui impose son gouvernement même quand celui-ci n’est pas de la même famille politique que celle du Président. On appelle cela : la cohabitation.
On a vu en France par exemple, pourtant vieille nation démocratique, que ça ne fonctionnait pas bien tout le temps. Quand le président est de droite et le chef du gouvernement de gauche, ou vice versa, non seulement les Affaires de l’Etat ne marchent pas bien mais, en plus, cela crée des chamailleries de bas étages que je considère indignes à ce niveau de responsabilité.
Regardez maintenant ce qui se passe en Palestine. Vous conviendrez avec moi que depuis l’élection du Hamas à la tête du gouvernement, le Président Mahmoud Abbas, malgré tous les problèmes qu’il a avec ses ennemis d’Israël, se retrouve parfois les mains liées par son premier ministre, au point de le menacer de recourir au référendum, pour que le peuple les départage.
Imaginez la perte de temps et de moyens que ces situations engendrent alors que les deux partis sont au sein du même gouvernement.
Personnellement, je ne peux accepter ce genre d’aberrations, j’allais dire, constitutionalisées.
Quelle est donc cette loi, aussi fondamentale soit- elle, qui m’obligerait à travailler et à gouverner avec une équipe que je n’ai pas choisie et qui, à plus forte raison, peut ne pas être d’accord avec mes idées et mon programme politique, au nom d’une prétendue majorité ?
De quelle majorité s’agit- il, de la mienne ou de la leur ?
A-t-on oublié que j’ai été élu au suffrage universel direct, avec une majorité confortable ?
De quel droit veut-on se substituer coûte que coûte à la volonté populaire ?
A suivre..
8 septembre 2008
BENBRAHIM DJILALI